Le Sénat vient de voter le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Redoutant la motion de censure, le Premier ministre François Bayrou marche sur des œufs et tente, dans une voie moyenne entre le PLF de Michel Barnier – non censuré rappelons-le – et la loi de finances pour 2024, de s’appuyer sur le Sénat pour faire adopter – enfin – la loi de finances pour 2025.
Le Dilico n’est « plus qu’à » 1 Md €
Cette version médiane vaut aussi pour les collectivités locales. Ainsi, l’effort qui leur avait été demandé par Michel Barnier est ramené de 5 à 2,2 Mds €. Un amendement du sénateur Stéphane Sautarel qui avait été adopté le 4 décembre dernier, avant la chute du gouvernement, introduisait en lieu et place du fonds de réserve centré sur les 450 collectivités les plus importantes et qui devait économiser 3 Mds, un Dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico). Cette fois, celui-ci économiserait 1 Md € et concernerait 2 099 collectivités. « Selon les sénateurs, 3 Mds €, c’était trop par rapport à la contribution réelle des collectivités locales au déficit public. Ensuite, le critère de dépenses supérieures à 40 M € pour contribuer au fonds de réserve n’était pas judicieux – même si certaines collectivités en étaient exonérées -, puisque certains sont pauvres avec plus de 40 M € de dépenses et d’autres riches avec moins de 40 M € », commente Nicolas Laroche, responsable finances à Intercommunalités de France (IdF).
Le Dilico tient lui compte de la capacité contributive en prenant en compte le potentiel financier et le revenu par habitant de chaque collectivité à travers un indice synthétique moyen1… et il augmente donc le nombre de contributeurs à 2 099 : 12 régions (pour 270 M €), 48 départements (pour 220 M €), 131 intercos et 1 908 communes (pour 510 M €)2. Les 450 collectivités initiales ne s’y retrouvent pas toutes. Selon l’Association des Maires de France (AMF), aucune liste précise n’a encore été communiquée à ce jour : « Par contre, le prélèvement au titre du Dilico ne peut dépasser 2 % des recettes et en sont exclues les communes déjà contributrices au Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) », apprécie Ludovic Rochette, membre du Comité des finances locales et président des Maires de la Côte d’Or.
Un tassement des investissements sur 2 ans ?
Les recettes seront prélevées dès 2025 : « Le pari du gouvernement, c’est que les collectivités baisseront les dépenses pour compenser ces pertes », précise Nicolas Laroche. À compter de 2026, les 2 099 collectivités récupèreront leurs contributions sur trois ans, à hauteur d’un tiers par an. Attention, le texte laisse supposer que le Dilico pourrait continuer les années suivantes ». À Intercommunalités de France (IdF), on préfère cette version, même si « plutôt qu’un fonds de réserve national, il faudrait mieux un fonds spécial collectivités locales garantissant que les sommes versées reviennent aux collectivités locales d’abord, et à chacune d’entre elles ensuite », selon Nicolas Laroche.
Côté Fonds de compensation de la TVA, François Bayrou a supprimé totalement la baisse des compensations (800 M €) demandée par Michel Barnier, le PLF voté par le Sénat ce 23 janvier le confirme. « Fixer les règles de manière rétro-active aurait été injuste », observe Ludovic Rochette.
In fine, avec le gel de la revalorisation de TVA3 qui économise 1,2 Mds € et le Dilico 1 Md €, on arrive donc à 2,2 Mds € d’efforts demandés. Mais les associations d’élus rappellent qu’il faut intégrer la baisse du fonds vert de 2,5 à 1,15 Md € entre 2024 et 20254, probablement l’absence de crédits nouveaux pour les Dotations d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de soutien à l’investissement local (DSIL) tant que la loi de finances pour 2025 (LF) pour 2025 ne sera pas adoptée, même si la Direction générale des collectivités locales (DGCL) a indiqué aux élus de présenter leurs dossiers comme habituellement avant le 31 janvier. « Au lieu du printemps, on peut craindre un démarrage seulement à l’automne prochain et donc un tassement de l’investissement pendant deux ans, puisque les élections municipales arrivent après en 2026 », commente Ludovic Rochette.
+ 1,2 Mds € de cotisations à la CNRACL
Les cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) pour contribuer à éponger le déficit de celle-ci augmenteront elles de 3 points par an pendant 4 ans, soit 1,2 Mds €/an pour tous, ainsi en a décidé François Bayrou5. « Dans ma communauté de communes Norge et Tille, c’est 60 000 €/an sur 4 ans sur un budget de 7 M € ! », note Ludovic Rochette. À Intercommunalités de France (IdF), on demande un lissage en 6 ans et une réforme en profondeur de la CNRACL.
Maigre consolation, le gouvernement, suivi par le Sénat le 23 janvier, augmentera la Dotation globale de fonctionnement (DGF), qui devait rester stable selon le PLF Barnier, de 290 M € pour l’amener à 27,535 Mds €. La DGCL a annoncé quelques jours de retard possibles sur la communication des notifications de DGF, avec alors « autant de jours supplémentaires pour adopter le budget au-delà de la limite du 15 avril ».
À plus long terme, « il est à parier que ces efforts demandés aux collectivités resteront dans les prochains mois, voire prochaines années », conclut Nicolas Laroche. Ils pourraient même être amplifiés… « L’AMF demande à l’État un effort clair et non caché », insiste Ludovic Rochette. Pour l’instant, il faut encore passer la barrière du vote à l’Assemblée nationale…
Frédéric Ville
1. Une collectivité donnée contribue au fonds de réserve, si son indice est supérieur à 110 % de l’indice national moyen.
2. Chiffres DGCL cités par l’AMF et IdF.
3. Pour intercos, départements et régions, des recettes de TVA compensent la CVAE non perçue depuis 2023.
4. François Bayrou a annoncé en début de semaine dernière 1,15 Mds € de fonds vert au lieu du 1 Md € prévu.
5. Une hausse de 4 points par an pendant 3 ans était prévue initialement, soit + 1,5 Mds €/an.
DOB en instantané 2025 La Banque Postale vient de publier son outil d’aide à la préparation budgétaire des collectivités locales : macro-économie, contexte et finances locales, loi spéciale et décret… Attention, la partie « Ce qui était prévu au PLF 2025 » est déjà obsolète. |
En attendant le vote du PLF pour 2025, une circulaire de la DGFIP du 22 janvier dernier adressée aux préfets leur précise, qu’en vertu de la loi de finances spéciale du 20 décembre 2024, les avances de fiscalité et les dotations aux collectivités devront continuer de leur être versée pour cette année 2025, sur la base stricte des mêmes montants qu’en 2024 et le plus souvent selon le principe habituel des douzièmes (en douze fois sur toute l’année). |