Adoption du budget : quand on dépasse le 15 avril !

Publié le 24 avril 2024 à 11h25 - par

Comme chaque année, le budget des collectivités locales devait être adopté avant le 15 avril. Mais que se passe-t-il quand, pour des raisons politiques ou financières, on n’y parvient pas ?

Adoption du budget : quand on dépasse le 15 avril !
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À tous les niveaux de collectivités locales, le budget doit être adopté avant le 15 avril (art. L. 1612-2 du Code général des collectivités locales – CGCT)1. « Mais s’il est adopté entre le 15 et le 30 avril, il ne sera pas nécessairement illégal, note Éric Landot, avocat spécialiste des collectivités locales. Tant que le contrôle n’est pas mis en œuvre par le préfet, de fait il ne se passe rien. Il faut souvent attendre le 30 avril pour que les sanctions arrivent ».

Quorum non atteint

Parmi les situations de blocages, on distinguera la crise politico-financière et la crise politique. La première est plus rare : « Quand un élu sait que des augmentations d’impôts sont inévitables2, il peut alors voter un budget en déficit réel ou ne pas le faire adopter… pour glisser vers une tutelle financière du préfet, à qui est ainsi refilée la patate chaude de mesures impopulaires à prendre ». Mais attention, ajoute l’avocat, « même si c’est le préfet qui augmente les impôts, pour nombre d’habitants… c’est le maire qui aura agi ».
La crise politique est plus fréquente, résultant de l’adoption d’un budget trop rigoriste ou trop laxiste, de l’opposition à un projet d’envergure, du refus de certains conseillers de siéger, etc. À Castillonnès (1 364 hab., Lot-et-Garonne), le changement de délégation de service public du camping de la commune a mis le feu aux poudres, entraînant la démission de l’adjoint aux finances et le rejet du budget le 9 avril dernier. Ça barde aussi à Villeneuve-Saint-Georges (35 492 hab., Val-de-Marne). « L’opposition de gauche et une partie de la majorité (22 à 23 sur 39 conseillers municipaux) ont refusé de siéger le 11 avril dernier pour le Débat d’orientation budgétaire (DOB) pour avoir reçu le rapport seulement le 5 avril3, détaille Biril Biyik, conseiller municipal d’opposition EELV. Le maire a alors reporté le DOB au 13 avril et réuni à nouveau le conseil municipal le 15 avril pour voter le budget ». Le quorum n’étant à nouveau pas atteint, le maire reconvoque le conseil municipal le 20 avril, avec autorisation de la préfète. Mais les taux d’imposition et autorisations de programme / crédits de paiement étant rejetés, le budget ne peut être équilibré, le maire ne le soumet donc pas au vote. Dans ces cas, « l’opposition et la majorité divergente espèrent souvent une mise sous tutelle par le préfet, observe Éric Landot. Une fois que le maire ne contrôle plus rien, on veut de nouvelles élections ».

Le préfet prend le relais

Toutefois, si passé le 15 avril, le budget n’est toujours pas voté (quorum non atteint ou rejet), tout n’est pas encore perdu. À Castillonès, les élus de la majorité y travaillaient encore ce 22 avril pour reproposer un vote le 29 avril prochain : ils n’en diront pas plus d’ici là. Mais si le refus persiste, le préfet saisit alors sans délai la chambre régionale des comptes (CRC) qui, sous un mois formule des propositions pour le règlement du budget par le préfet (art. L. 1612-2 du CGCT). On en est là à Villeneuve-Saint-Georges selon Biril Biyik, « la préfète ayant saisi la CRC le 21 avril pour établir un nouveau budget… et le procureur pour le salut nazi que le maire m’a fait quand j’ai rappelé son alliance précédente avec le RN… ».

Même si le préfet règle un budget, cela peut encore se débloquer. « Il est bon de faire alors une commission finances plus élargie que d’habitude, en associant les élus de la majorité fragmentée et de l’opposition, conseille Éric Landot. On écoute sincèrement les propositions de la CRC et on vote. Si le compte administratif est déficitaire, on peut accepter les mesures de redressement financier de la CRC validées par le préfet, en les amendant le cas échéant – du moment que le budget reste à l’équilibre -. Ceci évite la tutelle ».
Si cela bloque encore (quorum non atteint ou rejet), le budget réglé par le préfet s’impose donc. Deux sorties de crise sont alors possibles. La première, la plus habituelle, consiste à subir la tutelle préfectorale pour ensuite, petit à petit recouvrer sa liberté budgétaire, comme à Pirmil (498 hab., Sarthe), en 2020, après deux ans de crise.

La seconde solution consiste à glisser vers de nouvelles élections générales. Pour une commune, « ces élections peuvent résulter d’une démission du maire (voire de plusieurs adjoints), si par ailleurs le conseil n’est plus au complet4 ; ou bien de démissions en cascade au point que le conseil municipal perd un tiers de ses membres, ou bien la moitié si on est dans l’année précédant les élections générales5 », précise Éric Landot. C’est cette ultime solution qu’a choisi le maire du Bourget (14 832 hab., Seine-Saint-Denis) : 17 parmi 33 élus avaient alors démissionné, entraînant de nouvelles élections qu’il a gagné en janvier dernier. « Politiquement, cela ne nécessitait pas de démission du maire, ce qui a facilité sa réélection », commente l’avocat. À méditer…

Frédéric Ville


1. Ou le 30 avril lors des années de renouvellement de mandat, ou en différé par rapport au 15 avril, si le préfet a tardé à donner des informations (montant des dotations…).

2. Baisse des dotations par exemple entre 2014 et 2017, hausse des dépenses sociales des départements en partie due à l’État… qui fixe le montant des allocations, laisse une partie à la charge des départements et augmente le point d’indice. Le Lot-et-Garonne adoptait ainsi volontairement en 2017 un budget insincère.

3. Le conseil municipal ne délibère valablement qu’à la majorité de ses membres en exercice (art. L. 2121-17 du CGCT).

4. Art. L. 2122-8 du CGCT.

5. Art. L. 258 et L. 270 du Code électoral.


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