Le bloc communal augmente son épargne de précaution, au détriment des investissements

Publié le 7 décembre 2022 à 9h50 - par

Sept communes sur dix devraient reporter leurs projets d’investissement en 2023. Depuis 2014, l’investissement public local se réduit continuellement. L’épargne de précaution est renforcée, pour faire face aux aléas.

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Le changement de modèle économique des budgets du bloc communal de ces dernières années modifie les équilibres financiers, constate l’Association des Maires de France (AMF) dans l’analyse financière des communes et des EPCI 2022, publiée à l’occasion de son 104e congrès en novembre. Cette étude établit l’état des lieux pour 2021 et analyse les perspectives d’évolutions des budgets en 2022 et 2023.

Le bloc communal est confronté notamment à la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (23 milliards d’euros), et à celles de la contribution à la valorisation économique des entreprises – CVAE (5,7 milliards d’euros en deux ans) et des impôts économiques (3,4 milliards d’euros). Les recettes sont davantage exposées aux variations de la conjoncture. Ainsi, 35 % des recettes de fonctionnement des EPCI (TVA, CVAE, versement mobilité) dépendent du contexte économique. Une part croissante des recettes du bloc local est désormais acquittée par l’État, sous forme de compensation par prélèvement sur recettes de la TVA et non plus par le contribuable. De ce fait, le « pouvoir de taux » se réduit. Les élus, ayant perdu une partie du levier fiscal, voient leur pouvoir de décision limité puisqu’ils ne peuvent plus arbitrer sur l’évolution des ressources locales pour les adapter à leurs besoins. Résultat : l’épargne de précaution augmente, pour faire face aux aléas (hausse inédite des prix de l’énergie, l’inflation, les difficultés liées à la guerre en Ukraine, contexte post-Covid, hausse des taux d’intérêt, baisse des dotations…).

« Les hausses de ressources ne pourront couvrir en partie la hausse des charges qu’à condition de revoir les programmes d’investissement », précise l’étude. Depuis 2014, alors que chaque mandat municipal est marqué par de nouvelles restrictions imposées aux communes et intercommunalités, l’épargne a ainsi tendance à augmenter plus vite que l’investissement. Les investissements 2022 bénéficient notamment des derniers effets de reports de 2020, année où ils avaient été interrompus par le confinement. Outre ces rattrapages, les montants d’investissement 2022 pourraient augmenter à cause de l’inflation, qui conduit à renégocier les marchés à la hausse pour tenir compte du renchérissement des prix de l’énergie et des matières premières. Mais il ne s’agit que d’une hausse « faciale » et non de nouveaux projets. De plus, cette hausse ne comblerait pas la baisse intervenue en 2020. L’AMF a mené une étude, début novembre, auprès de plus de 4 800 collectivités représentant 11,3 millions d’habitants. Si, en 2022, 32 % d’entre elles ont dû reporter leurs projets d’investissement à cause des coûts de l’énergie, elles seront 71 % à les réduire en 2023.

En lien avec l’inflation, les dépenses du bloc communal devraient fortement augmenter en 2023. Selon l’AMF, le plafonnement des dépenses de fonctionnement à 3,8 %, prévu dans le projet de loi de programmation et dans le projet de loi de finances (PLF 2023), est « irréaliste ». Alors que le PLF, très optimiste, prévoit une inflation à 4,3 %, le Haut Conseil des finances publiques estime qu’elle atteindra plutôt 5 %. En contrepartie, les banques centrales appliquent des hausses des taux d’intérêts pour réduire la demande – et donc le niveau d’inflation. Or, l’emprunt finance environ un tiers de l’investissement. De nouvelles hausses des taux d’intérêts, probables en 2023, conduisent les collectivités à revoir leurs plans de financement à la baisse jusqu’à la fin du mandat. Et l’inflation devrait se poursuive jusqu’en 2025 ; même si elle se stabilisait, les prix ne retrouveraient pas leur niveau d’avant-crise, ce qui impose également de réduire tous les programmes d’investissement. Une situation d’autant plus difficile qu’il convient de continuer à investir dans la transition écologique.

Marie Gasnier


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