L’article 38 de la loi organique du 1er août 2001 (LOLF) dispose que « sous l’autorité du Premier ministre, le ministre chargé des Finances prépare les projets de loi de finances, qui sont délibérés en Conseil des ministres ». Cette disposition fixe le monopole du gouvernement pour préparer le projet de loi de finances. Celui-ci est délibéré en Conseil des ministres, présidé par le président de la République, après réception de l’avis du Haut conseil des finances publiques et du Conseil d’État. De plus, « le gouvernement adresse au Parlement, au moins quinze jours avant sa transmission à la Commission européenne, le projet de programme de stabilité. À compter de 2023, il doit compléter cette transmission au Parlement par la remise concomitante du rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques, l’ensemble pouvant donner lieu à des travaux en commission des finances et à un débat en séance publique. En outre, dans le cadre du suivi et de l’évaluation des projets de budget des États membres de la zone euro, ceux-ci doivent soumettre à la Commission européenne et à l’Eurogroupe, avant le 15 octobre, leur projet de budget de l’année suivante, sur lequel la Commission pourra émettre, avant le 30 novembre, un avis, assorti d’une demande de révision en cas de manquement particulièrement grave aux obligations de politique budgétaire prévues dans le pacte de stabilité ».
Dès le début de l’année 2024, le travail sur le budget 2025 a commencé avec des prévisions et des négociations entre le ministère des Finances et du Budget et les autres ministères. Ces négociations se sont poursuivies jusqu’aux lettres de cadrages signées fin août 2024 par le Premier ministre du gouvernement démissionnaire. Les élections législatives fin juin-début juillet 2024 et la nomination tardive du Premier ministre posent une question politique. Tout nouveau gouvernement peut-il être en phase avec un budget préparé par son prédécesseur ? C’est pourquoi la question de la temporalité s’est posée1.
1. En principe, le projet de loi de finances devrait être déposé au Parlement au plus tard le mardi 1er octobre 2024
L’article 39 de la LOLF dispose que « le projet de loi de finances de l’année, y compris les documents prévus aux articles 50 et 51, est déposé au plus tard le premier mardi d’octobre de l’année qui précède celle de l’exécution du budget. Il est immédiatement renvoyé à l’examen de la commission chargée des finances. Toutefois, chaque annexe générale destinée à l’information et au contrôle du Parlement est déposée sur le bureau des assemblées avant le début de l’examen du projet de loi de finances de l’année en séance publique par l’Assemblée nationale ». L’article 47 de la Constitution fixe à soixante-dix jours le délai pour que le Parlement se prononce sur le projet de loi de finances. En principe, l’Assemblée nationale doit se prononcer, en première lecture, dans le délai de quarante jours après le dépôt d’un projet de loi de finances. Le Sénat n’a que vingt jours. En outre, l’article 41 de la LOLF prévoit que le projet de loi de finances de l’année ne peut être mis en discussion devant une assemblée « avant le vote par celle-ci, en première lecture, sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année afférent à l’année qui précède celle de la discussion dudit projet de loi de finances ». Si l’Assemblée nationale n’a pas émis un vote en première lecture sur l’ensemble du projet dans les quarante jours, le gouvernement saisit le Sénat du projet de loi, modifié le cas échéant par les amendements votés par l’Assemblée nationale et acceptés par lui. Le Sénat doit alors se prononcer dans un délai de quinze jours après sa saisine. Si le Sénat ne vote pas en première lecture sur l’ensemble du projet de loi de finances dans ce délai imparti, le gouvernement saisit à nouveau l’Assemblée du texte soumis au Sénat, modifié, le cas échéant, par les amendements votés par le Sénat et acceptés par lui. Le projet de loi de finances est ensuite examiné selon la procédure accélérée définie à l’article 45 de la Constitution. Dans tous les cas, le budget doit être adopté au plus tard le 31 décembre2.
Théoriquement, le budget devrait-être adopté avant le 10 décembre 2024, si le projet de loi de finances est déposé le 1er octobre 2024.
2. Par exception, le projet de loi de finances pourrait être déposé au Parlement au-delà du mardi 1er octobre 2024
Le quatrième alinéa de l’article 47 de la Constitution prévoit une dérogation et l’hypothèse d’un dépôt bien au-delà du premier mardi d’octobre avec comme conséquences le non-respect de la règle des soixante-dix jours. En effet, il dispose que : « si la loi de finances fixant les ressources et les charges d’un exercice n’a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le gouvernement demande d’urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés ».
En outre, pour préciser cette dernière disposition, l’article 45 de la LOLF dispose que : « dans le cas prévu au quatrième alinéa de l’article 47 de la Constitution, le gouvernement dispose des deux procédures prévues ci-dessous : 1° Il peut demander à l’Assemblée nationale, avant le 11 décembre de l’année qui précède le début de l’exercice, d’émettre un vote séparé sur l’ensemble de la première partie de la loi de finances de l’année. Ce projet de loi partiel est soumis au Sénat selon la procédure accélérée ; 2° Si la procédure prévue au 1° n’a pas été suivie ou n’a pas abouti, le gouvernement dépose, avant le 19 décembre de l’année qui précède le début de l’exercice, devant l’Assemblée nationale, un projet de loi spéciale l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année. Ce projet est discuté selon la procédure accélérée ».
Pour le Conseil constitutionnel, il est toutefois important que les parlementaires puissent être informés utilement par la mise à la disposition, au plus tard le premier mardi d’octobre, du projet de loi de finances et de ses annexes3.
L’adoption du projet de loi de finances 2025 est un sujet politiquement important. Au regard de la situation actuellement dégradée des finances publiques et de l’absence de majorité claire à l’Assemblée nationale, le budget 2025 traduira une orientation politique qui nécessitera pédagogie envers les citoyens et recherche de compromis entre parlementaires.
Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public
1. Projet de loi de finances 2025 : être ou ne pas être à l’heure, telle est la question !, Le Club des juristes (dernière consultation le 9 septembre 2024).
2. Conseil constitutionnel, décision n° 79-111 DC du 30 décembre 1979.
3. Conseil constitutionnel, décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997.