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Comment redonner aux élus locaux leur pouvoir d’agir ?

Publié le 12 avril 2024 à 12h40 - par

Quatre sénateurs (François-Noël Buffet, Mathieu Darnaud, Françoise Gatel et Jean-François Husson) ont déposé une proposition de loi constitutionnelle, une proposition de loi organique et une proposition de loi ordinaire pour redonner aux élus locaux leur pouvoir d’agir.

Comment redonner aux élus locaux leur pouvoir d'agir ?
© Par Bernard Girardin - stock.adobe.com

Dans le prolongement d’un rapport sénatorial de juillet 2023 mettant en exergue le besoin de donner « plus de libertés et de souplesse » aux collectivités locales grâce au triptyque « pouvoir d’agir, libre administration et simplification », plusieurs sénateurs ont déposé trois propositions visant à rendre aux élus locaux leur pouvoir d’agir. Les modifications envisagées s’inscrivent dans une proposition de loi constitutionnelle, une proposition de loi organique et une proposition de loi ordinaire. Ces trois textes poussent à s’interroger sur l’unité de l’organisation territoriale à répondre aux particularismes locaux.

1. Une collectivité locale, une nécessité d’action singulière

Par ces modifications, le Sénat souhaite la reconnaissance de la singularité de chaque collectivité ce qui a nécessairement pour conséquence un morcellement des politiques locales ; morcellement qui permet de répondre au mieux aux besoins de chaque territoire.

Pour ce faire, les communes, départements et régions seraient confortés par la Constitution dans l’exercice de leurs compétences : le Premier ministre ne pourrait utiliser le pouvoir réglementaire qui lui est confié dans le champ d’action des collectivités uniquement si la loi l’y habilite expressément. Ce champ d’action est, par ailleurs, élargi par la proposition de loi ordinaire dans le domaine du logement, de l’environnement, du médico-social et de la démocratie locale. La loi pourrait également attribuer des compétences différentes à l’intérieur d’une même catégorie de collectivités et, dans cette même logique, une expérimentation pourrait être pérennisée sur une seule partie du territoire.

Le représentant de l’État à l’échelle régionale et départementale voit également ses pouvoirs élargis. Par la proposition de loi organique, un renforcement des dérogations est permis aux préfets dans des situations spécifiques. Lors d’événements exceptionnels, le représentant de l’État dans le département pourra être autorisé à diriger les services et les établissements publics de l’État ayant attrait à l’action territoriale. De plus, par dérogation en raison d’un motif d’intérêt général lié aux circonstances locales particulières, le préfet de région ou de département pourra prendre certaines mesures non réglementaires relevant de sa compétence.

Le deuxième grand volet du rapport sénatorial mis en place par ces trois propositions est relatif aux ressources financières des collectivités. En effet, une meilleure allocation de ces dernières permettra d’assurer la réalisation des compétences allouées aux collectivités.

2. Constitutionnalisation de la compensation financière : transmission de compétences allant de pair avec transmission pécuniaire

La révision constitutionnelle aurait également vocation à constitutionnaliser la compensation financière du transfert de compétences aux collectivités. Autrement dit, le transfert de compétences aux collectivités serait compensé par « l’attribution d’une dotation de l’État ou l’attribution du produit d’une imposition de toutes natures ».

Afin de suivre l’attribution de ces ressources, un réexamen régulier de celles-ci serait mis en place cinq ans après le transfert puis tous les cinq ans avec un rapport du Gouvernement remis au Parlement.

Au-delà de la compensation financière, la proposition de loi constitutionnelle permettrait une autonomisation des collectivités quant à la fiscalité locale. « Une part significative des ressources des communes et une part minimale des ressources des départements et des régions » proviendrait « des impositions de toutes natures dont la loi autorise les collectivités territoriales à fixer l’assiette, le taux ou le tarif ».

3. Transparence économique dans les relations Gouvernement-collectivités

Les sénateurs souhaitent permettre, par ces modifications, l’anticipation des coûts à la charge d’une collectivité. Deux points doivent notamment faciliter la gestion financière d’une commune.

Premièrement, chaque modification de compétences d’une collectivité devra faire l’objet d’une évaluation de l’enjeu financier.

Deuxièmement, le gouvernement devra indiquer dans les lois de programmation des finances publiques les transferts pécuniaires de l’état aux collectivités.

Les textes sont encore en discussion et pourront être substantiellement enrichis. Ils s’inscrivent toutefois dans un contexte dans lequel les élus locaux se retrouvent dans un besoin de clarification de leur action et d’avoir les moyens correspondant.

 

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public et Fanny Berman, étudiante en Master 2 Droit public, parcours droit des libertés et des droits de l’Homme, à l’Université de Cergy-Pontoise

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