« Ouvrons le chantier de la suppression de certains organismes administratifs, ainsi que du CNFPT qui représente à lui seul près de 1 % de notre masse salariale. » Cette phrase prononcée par le maire de Nice Christian Estrosi, le 14 octobre 2024, à l’issue d’une réunion de l’Assemblée des maires Horizons, qu’il préside, a aussitôt déclenché un tollé. Celui qui est aussi vice-président d’Horizons, le parti d’Édouard Philippe, a réitéré ses propos le 23 octobre dans une interview matinale sur Europe 1 et CNews.
« Dois-je rappeler au maire de Nice que le CNFPT forme, chaque année, plus d’un million d’agents territoriaux ? Dois-je lui rappeler le rôle péréquateur et mutualisateur du CNFPT, qui permet à toutes les collectivités, pauvres ou riches, où qu’elles soient, quelles que soient leurs tailles, de former tous les agents sans distinction de grade ou de catégorie ? », a vivement réagi le président du CNFPT, le 15 octobre. Et Yohann Nédélec de poursuivre : sans le CNFPT, qui assurerait la formation de nos assistantes maternelles, de nos aides à domicile, des agents affectés à l’aide sociale à l’enfance, de nos secrétaires généraux de mairie, de nos policiers municipaux, de nos sapeurs-pompiers, ou encore des hommes et des femmes qui entretiennent nos espaces publics, de nos personnels techniques dans nos écoles, collèges, lycées, de tous les agents publics qui accompagnent les élus locaux dans la mise en place de leurs actions, de toutes celles et ceux qui accueillent et accompagnent quotidiennement nos concitoyens dans nos mairies, dans nos intercommunalités, dans nos départements et nos régions, de toutes celles et tous ceux qui rendent le service public de proximité au jour le jour ? « Sous prétexte d’économie, il en coûterait trois à quatre fois plus cher aux collectivités d’avoir recours au secteur privé pour former aux 240 métiers exercés par leurs agents, mission qu’accomplit aujourd’hui le CNFPT », affirme le président de l’établissement public.
À peine l’interview sur Europe 1 et CNews terminée, Yohann Nédélec a accusé Christian Estrosi de propager de fausses informations. « Bien loin des 1,3 milliard d’euros, dont on se demande bien comment il a pu arriver à un chiffre aussi extravagant, le budget du CNFPT est en réalité de 445 millions d’euros par an, principalement abondé par la recette du 0,9 % de la masse salariale des collectivités territoriales, et est consacré à 80 % à la formation des agents territoriaux », rectifie son président. Il conteste également le montant de la rémunération des formateurs avancé par le maire de Nice. « Monsieur Estrosi indique que nos formateurs sont de faible qualité et coûtent 500 euros par jour, alors même que les formations dispensées par le CNFPT sont plébiscitées à 90 % par les agents et leurs employeurs, et que nos formateurs sont payés 318 euros bruts par journée de formation », précise Yohann Nédélec.
« Dans un monde où les « fake news » prospèrent, il est du devoir des hommes et femmes politiques d’avoir une parole juste et impeccable. Monsieur Estrosi, avec la surface médiatique qui est la sienne, ferait bien de se conformer à ce devoir d’exemplarité et de ne pas contribuer au populisme ambiant en balançant à l’emporte-pièce des chiffres délirants », assène le président du CNFPT. Ce dernier a reçu le renfort des organisations syndicales. Sous couvert de « sérieux budgétaire », la suggestion de supprimer purement et simplement le CNFPT constitue « une proposition démagogique, dangereuse pour toute la fonction publique territoriale, inacceptable pour les agents du CNFPT », s’indignent la CFDT, la CGT, FO et l’UNSA, dans un communiqué commun publié le 18 octobre. L’intersyndicale se dit déterminée à la combattre et « mettra tout en œuvre pour qu’elle soit définitivement enterrée. »
Une telle proposition témoigne d’un « véritable mépris » pour le travail des 2 400 agents du CNFPT, s’offusquent les quatre organisations syndicales. Selon elles, proposer de supprimer le CNFPT, « c’est attaquer le statut de la fonction publique territoriale » ; « c’est casser la formation professionnelle des fonctionnaires territoriaux » ; « c’est détruire l’ensemble des dispositifs de formation mis en œuvre. » Au moment où tous les élus locaux déplorent « le manque d’attractivité » de la fonction publique, « ce n’est pas en faisant disparaître l’outil de formation des fonctionnaires territoriaux que l’on va renforcer cette « attractivité », estiment la CFDT, la CGT, FO et l’UNSA. Au contraire, c’est créer une fonction publique « low cost », « mal formée », « jetable », qui n’attirera plus personne. » Ce n’est pas de sa suppression dont ont besoin les collectivités et leurs agents, « c’est de garantir au CNFPT les moyens qui lui permettent de mettre en œuvre un service public de formation professionnelle qui réponde aux enjeux actuels : une fonction publique territoriale attractive et de qualité », martèlent les quatre syndicats.