Semaine en 4 jours : simple sujet à la mode ou vrai levier de QVT ?

Publié le 30 janvier 2025 à 14h30 - par

La semaine en 4 jours fait son chemin. Ce mode d’organisation du travail est de plus en plus étudié et expérimenté par les collectivités. Une Matinale de l’Union régionale Nord-Pas-de-Calais du SNDGCT, organisée le 17 janvier 2025 en partenariat avec WEKA, a détaillé ses avantages, dont l’amélioration de la qualité de vie au travail, mais aussi ses inconvénients. Parmi les leçons : la nécessité de bien se préparer et d’avoir une approche au cas par cas et par métier.

Semaine en 4 jours : simple sujet à la mode ou vrai levier de QVT ?
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Simple sujet dans l’air du temps ou vrai levier de qualité de vie au travail (QVT) ? La semaine en 4 jours fait beaucoup parler d’elle. Au-delà de l’expérimentation lancée par l’État début 2024, en pause compte tenu de l’instabilité gouvernementale, les collectivités s’emparent de plus en plus de la question et s’interrogent, à la recherche de la bonne formule, en pesant le pour et le contre. L’Union régionale Nord-Pas-de-Calais du SNDGCT (Syndicat national des DG de collectivités) a ainsi organisé, en partenariat avec WEKA, le 17 janvier dernier à Lesquin (Nord), une Matinale sur la semaine en 4 jours. Avec plus d’une cinquantaine de participants très demandeurs d’informations, de retours d’expériences ou d’échanges sur leurs premiers pas.

Semaine en et non de 4 jours

« Cette organisation du travail se développe dans les collectivités mais reste encore peu pratiquée, de la même façon que le télétravail à ses débuts », constate Marie-Claude Sivagnanam, vice-présidente du SNDGCT en charge du groupe de travail sur les transitions sociétales et managériales. Et de souligner que seulement 12 % de collectivités ont lancé une expérimentation en 2024 contre 9 % en  2023, selon le dernier baromètre RH des collectivités de Randstad, réalisé par WEKA. 17 % y réfléchissaient pour 2024 ou 2025 (+ 3 points). Évoquant « une tendance qui commence à s’affirmer », la DGS de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise pilote depuis déjà plusieurs mois une étude du syndicat sur le sujet. Les résultats doivent être présentés courant février, avec notamment des fiches expériences qui reflètent la diversité des situations des collectivités.
En préalable, elle rappelle qu’il s’agit d’une semaine en et non de 4 jours car il n’est pas possible de réduire le volume annuel légal de 1 607 heures. Cela alors que la semaine de 4 jours signifie une réduction du temps de travail hebdomadaire qu’a pu choisir certaines entreprises privées.
Plutôt que de semaine en 4 jours, certains préfèrent parler de semaine modulée vu la palette de formules (4 jours, 4,5 jours, 4 jours une semaine sur deux) et d’organisations possibles.

Faible nombre d’agents concernés

Marie-Claude Sivagnanam observe un intérêt croissant sur le sujet. « Sa souplesse d’organisation est plébiscitée, en particulier chez les plus jeunes », explique-t-elle, tout en reconnaissant « un décalage fréquent entre l’enthousiasme suscité et le faible nombre d’agents qui choisissent cette organisation ». Un constat non rédhibitoire sachant que « les agents apprécient avant tout que la semaine en 4 jours soit proposée, preuve d’une politique RH innovante de leur collectivité ».
Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), en cours d’expérimentation depuis deux ans, atteste du très faible nombre d’agents concernés. « Mais ceux ayant fait ce choix sont très satisfaits », souligne Delphine Tranchand, sa DGA Ressources. Premier constat : sur un effectif de 900 agents permanents, seulement 150 exercent des missions aisément réalisables en 4 jours ou 4,5 jours. Et sur ces 150 agents, pas plus de 25 ont décidé de franchir le pas (23 ont choisi 38 heures en 4,5 jours, deux 38 heures en 4 jours et un 35 heures en 5 jours).

Meilleur équilibre vie professionnelle-vie personnelle

Parmi les avantages de la semaine en 4 jours, Marie-Claude Sivagnanam cite en premier lieu l’amélioration de l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle, « qui favorise la parentalité, l’aide à un proche, le bénévolat ou les loisirs ». « Cela peut aussi réduire le nombre de temps partiels, surtout subis par les femmes », ajoute-t-elle. Confirmant cette amélioration de la qualité de vie au travail, Delphine Tranchand met en avant « une source de motivation pour les agents et une augmentation de leurs performances dans leur travail quotidien ».
Autres atouts soulignés par la vice-présidente du SNDGCT : une attractivité plus forte pour les collectivités, un gain écologique (moins de déplacements, économies d’énergie pour la collectivité), plus de souplesse et de temps de récupération pour les équipes… Des constats confirmés par le baromètre RH Randstad indiquant que la mise en place de l’expérimentation de la semaine en 4 jours s’explique avant tout par un regain d’attractivité (76 % des réponses) et un meilleur équilibre vie professionnelle-vie personnelle (74 % des réponses).

Des points de vigilance

« Les effets positifs indéniables doivent être tempérés par des points de vigilance au premier rang desquels l’intensification des horaires dans une journée de travail », remarque la DGS de Cergy-Pontoise. Et cela avec d’éventuels risques pour la santé et les accidents du travail.
Les autres points de vigilance sont l’impossibilité de cette organisation quand les équipes sont trop peu petites avec donc des inégalités potentielles entre collectivités, le risque de distanciation et d’inégalités entre agents, des horaires de travail pouvant être inadaptés à la parentalité (problème pour aller chercher les enfants à la crèche ou à l’école)… Marie-Claude Sivagnanam soulève aussi le risque d’accroître les inégalités dans le couple avec fréquemment les femmes choisissant le mercredi et les hommes le vendredi !
Au centre culturel de Lesquin, les questions comme les témoignages fusent : l’importance en amont d’un travail de benchmark, la mise en place ou non de badgeuses, le respect des 1 607 heures annuelles de travail, l’harmonisation avec le télétravail et les RTT, les avantages respectifs de la semaine de 4 jours et de celle de 4,5 jours, les critères d’évaluation à retenir…

Une évaluation indispensable

Impératif souligné par tous les intervenants : ne pas dégrader le service public pour les usagers en réorganisant les horaires. « L’un des moteurs de la semaine en 4 jours est de préserver une continuité de service sinon rien ne pourra se faire », alerte Delphine Tranchand. Un impératif qui peut parfois freiner certains élus.
À l’heure du premier bilan, la DGA de Neuilly-sur-Marne avance une forte satisfaction des agents mais la nécessité d’un plan de communication important pour en toucher davantage et d’une sensibilisation plus forte à mener auprès des responsables de service. Sans oublier le problème de journées de travail plus longues entraînant de la fatigue, des difficultés pour la garde de jeunes enfants ou encore la compatibilité difficile avec les rythmes de travail de certains cadres.
Au-delà, Delphine Tranchand insiste sur la nécessité de réaliser une réelle évaluation, scientifique et documentée, afin d’avoir le recul nécessaire pour adapter si besoin le dispositif en fonction des résultats obtenus. Un constat partagé par toutes les collectivités pionnières. La DGA de Neuilly-sur-Marne veut savoir pourquoi autant d’agents ne se sont pas déclarés volontaires afin de trouver les réponses pour en embarquer plus. Il est déjà prévu que la DRH se rende dans chaque service (y compris la voirie ou la police municipale) pour avancer ensemble sur le sujet et accompagner leurs responsables. « La réussite actuelle doit être transformée et étendue », résume Delphine Tranchand.

Les petites communes également concernées

Dans la salle, la commune de Libercourt (Pas-de-Calais, 8 500 habitants) témoigne du passage à 4 jours et 4,5 jours pour le seul service petite enfance, en reconnaissant que la formule des 4 jours allonge les journées de travail, ce qui peut amplifier l’usure professionnelle compte tenu du vieillissement des agents. Jugeant cette organisation plus difficile pour les petites villes ayant moins d’agents, Libercourt réfléchit au passage à 4,5 jours pour tous ses services.
Preuve que cette nouvelle organisation du travail est possible pour les plus petites collectivités, La Matinale a présenté le retour d’expérience de Meurchin (Pas-de-Calais, 3 800 habitants, 65 agents), passée à la semaine en 4 jours le 1er janvier 2024, après une large concertation avec tous les agents et un accompagnement assuré par le CST (comité social territorial). Tout est parti d’une volonté forte du maire, dans le cadre d’une politique RSE, suivie d’une étude réalisée par le tandem DGS-DRH. « Il y a aujourd’hui une satisfaction générale des agents qui parlent d’une meilleure qualité de vie au travail », souligne Jean-Lionel Tapin, DGS de Lesquin, relatant l’expérience de son collègue de Meurchin. Et d’ajouter : « les agents sont plus impliqués dans leurs missions avec une nette diminution des arrêts de maladie ordinaire ». Cela n’a pas empêché plus de fatigue pour les agents, mais il fut surtout constaté dans les premiers mois. Pour ne pas dégrader le service public, il a été décidé plus de polyvalence pour assurer une permanence le vendredi. « La contrainte a été comprise et acceptée par les agents », indique Jean-Lionel Tapin.
« Pour se lancer, les petites collectivités ne doivent pas hésiter à se faire accompagner par leur centre de gestion », ajoute la DGS de Cergy-Pontoise.

Possibilité d’horaires à la carte

Avant de s’engager, les élus de Meurchin avaient posé plusieurs impératifs : le maintien des horaires d’accueil du public en front office, la permanence d’au moins un agent par semaine en back office pour palier à toutes les demandes particulières (astreintes), un juste équilibre de la répartition des jours d’absence des agents (au moins 50 % de présents dans chaque service).
Tout juste un an après sa mise en place, les agents de Meurchin sont là aussi très satisfaits et en particulier ceux en temps partiel à 80 % qui sont passés à 100 % tout en bénéficiant d’une journée notamment pour être avec leurs enfants. Autre souplesse appréciée : la mise en place d’horaires à la carte, dès lors que les agents sont présents sur les créneaux d’ouverture de la mairie, soit de 8h à 12h et de 13h à 17h.
Meurchin prévoit également d’évaluer son expérimentation en associant à la démarche l’association Santé au travail (AST 62) et son assureur statutaire. Des adaptations seront apportées si les résultats démontrent que des aménagements s’avèrent nécessaires (réduction du temps hebdomadaire de travail de 37 à 36 heures, voire moins si besoin, pour tous ou au cas par cas).

« Un sujet complexe »

En conclusion de la Matinale de Lesquin, Marie-Claude Sivagnanam et Delphine Tranchand ont toutes deux insisté sur « un mode d’organisation du travail très intéressant et apprécié par les agents ». Mais en ne cachant pas « la complexité du sujet » qui implique, pour que ça fonctionne, beaucoup d’échanges en amont et de dialogue social, la construction d’une démarche collective, le recours à une expérimentation puis à une évaluation précise, un accompagnement important de tous les responsables de services sans oublier un soutien fort des élus.

Philippe Pottiée-Sperry


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