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Le dispositif relatif à la récupération et à la valorisation des métaux issus de la crémation est conforme à la Constitution

Publié le 23 février 2024 à 10h00 - par

Par une décision rendue le 18 janvier 2024, le Conseil constitutionnel, statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité, a considéré que les dispositions telles qu’issues de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, fixant le sort des métaux issus de la crémation, étaient conformes à la Constitution.

Le dispositif relatif à la récupération et à la valorisation des métaux issus de la crémation est conforme à la Constitution
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Un vide juridique comblé par la loi 3DS…

La loi 3DS est venue combler un vide juridique en apportant des précisions quant au régime applicable aux métaux issus de la crémation. Plus précisément, le nouvel article L. 2223-18-1-1 du CGCT dispose désormais que lesdits métaux non assimilés aux cendres du défunt, font l’objet d’une récupération par le gestionnaire du crématorium pour cession, à titre gratuit ou onéreux, en vue du traitement approprié pour chacun d’eux.

Il a, de plus, été posé le principe selon lequel le produit éventuel de la cession résultant du traitement doit être inscrit en recette de fonctionnement au sein du budget du crématorium où les métaux ont été recueillis.

Mais, il a été expressément prévu par le nouveau dispositif légal et réglementaire que les produits éventuels susceptibles d’en résulter ne pouvaient qu’être limités à la prise en charge d’obsèques de personnes dépourvues de ressources suffisantes ou à des dons à des associations d’intérêt général ou à des fondations d’utilité publique, à l’exclusion de tout autre usage.

C’est précisément la question de la conformité à la Constitution de ce dispositif qui était posée au Conseil constitutionnel par la QPC introduite par une société requérante, visant précisément les paragraphes I et II de l’article L. 2223-18-1-1 du CGCT.

… qui a suscité des interrogations…

La requérante faisait reproche à ces dispositions de permettre au gestionnaire du crématorium de récupérer et de céder les métaux issus de la crémation, quelle que soit leur origine, alors qu’ils seraient, pour certains d’entre eux, indissociables du corps du défunt et devraient ainsi faire l’objet de la même protection que celles attachées à ses cendres. Et la société requérante de conclure qu’il en résulterait une méconnaissance du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

La requérante faisait, par ailleurs, valoir que ce dispositif, dès lors que les métaux issus de la crémation seraient supposés ne pas être assimilés aux cendres du défunt, méconnaitrait le droit de propriété dans la mesure où il permettrait leur récupération et leur cession par le gestionnaire du crématorium sans que les ayants droit ne puissent faire valoir leurs droits sur ces métaux ni être informés de leur valeur.

… mais qui reste pleinement conforme à la Constitution

Dans le cadre de la décision rendue, le Conseil constitutionnel a d’abord tenu à rappeler expressément que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle ; les Sages précisant, par ailleurs, que le respect dû à la dignité de la personne humaine ne cesse pas avec la mort.

En outre, le Conseil constitutionnel n’a pas manqué d’indiquer que selon l’article 16-1-1 du Code civil, les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence. Or, les métaux issus de la crémation demeurent distincts des cendres du corps du défunt, et ce, nonobstant le fait que les métaux issus de la crémation proviendraient d’objets intégrés au corps dudit défunt.

Aussi, le Conseil constitutionnel a-t-il considéré, rappelant que les métaux n’étaient pas assimilables aux cendres du défunt, que les dispositions susvisées, qui étaient contestées par la requérante, n’étaient pas de nature à porter atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, le législateur pouvant ainsi, comme il l’a fait, confier au gestionnaire du crématorium la récupération desdits métaux et leur cession en vue de leur traitement.

Quant à la question du droit de propriété, les Sages ont considéré, à bon droit selon nous, évoquant les termes de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (qui pose, notamment, son caractère inviolable et sacré), qu’en l’absence de privation du droit de propriété, il résultait néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit devaient être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.

Or, pour le Conseil, il ne fait pas de doute que le législateur a bien poursuivi un objectif d’intérêt général en encadrant, comme il l’a fait, par le dispositif susvisé, la récupération et les conditions de cession des métaux issus de la crémation en vue d’en assurer le traitement approprié.

Il apparaît donc que les dispositions contestées qui n’autorisent pas les ayants droit à se voir remettre les métaux issus de la crémation ou le produit de leur cession, même s’ils pouvaient éventuellement provenir de biens appartenant au défunt, n’ont pas eu pour objet ni pour effet de priver les ayants droit des prérogantives qu’ils étaient en mesure de faire valoir en temps utile sur les biens en question en vertu de la loi successorale.

Enfin, le Conseil retient le fait que les conditions de récupération des métaux issus de la crémation comme les règles d’affectation du produit éventuel de leur cession doivent impérativement, d’une part, figurer sur un document de nature contractuelle et d’autre part, être affichées dans la partie du crématorium ouverte au public, et renforcent encore le défaut manifeste de toute atteinte au droit de propriété.

Au final, le Conseil constitutionnel a donc décidé – ce qui paraît bien fondé en droit – que les dispositions en cause, à savoir les I et II de l’article L. 2223-18-1-1 du CGCT, issues de la loi 3DS, ne portaient pas atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ni au droit de propriété, pas plus qu’elles ne méconnaissaient aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; le dispositif en cause étant donc déclaré conforme à la Constitution.

Pierre-Stéphane Rey, Avocat associé fondateur, Itinéraires Avocats

Auteur :

Pierre-Stéphane Rey

Pierre-Stéphane Rey

Avocat associé fondateur, Itinéraires Avocats


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