Réinsertion des détenus : le CESE appelle à un changement de pratiques

Publié le 9 décembre 2019 à 7h40 - par

Le CESE plaide pour un développement des alternatives à la prison et une meilleure réinsertion des personnes détenues.

Réinsertion des détenus : le CESE appelle à un changement de pratiques

« Le système carcéral français est régulièrement pointé du doigt pour les conditions de vie en prison encore trop souvent déplorables, voire attentatoires à la dignité », rappelle le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Dans un avis de 2006 sur « Les conditions de la réinsertion socio-professionnelle des détenus en France », le Conseil avait déjà alerté l’opinion sur les difficultés de réinsertion, la sortie de détention trop peu préparée. « Plus de 12 ans après, les progrès ne sont toujours pas à la hauteur des enjeux », déplore le CESE.

Malgré des avancées, comme la création en 2007 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), « les atteintes aux droits fondamentaux lors de la période de détention ne régressent pas », constate-t-il. Saisi par le Premier ministre, le CESE vient donc d’adopter, lors de son assemblée plénière du 26 novembre, un avis intitulé « La réinsertion des personnes détenues : l’affaire de tous et toutes ! », élaboré par sa Section des affaires sociales et de la santé.

Le Conseil estime que la situation actuelle est notamment le fruit d’une « culture sécuritaire, qui ne cesse d’imposer de nouvelles contraintes ». La détention est en effet envisagée presque exclusivement par le prisme de la sécurité, ce qui ne laisse guère de place à la réinsertion, poursuit-il. Sur le plan budgétaire, « la priorité a été donnée à de coûteux programmes immobiliers, sans effet sur la réduction de la surpopulation carcérale ». Sans mettre en question le principe de la sanction ou le rôle de la peine, cette situation doit interpeller les responsables publics, assure le CESE. Durant la détention et à la sortie, le Conseil pointe les ruptures dans les situations administratives, dans la prise en charge des soins, dans l’hébergement, ainsi que dans l’accès à l’insertion professionnelle et sociale, que subissent les personnes détenues. Dans son avis adopté en séance plénière le 26 novembre, il met en avant trois priorités.

Développer les alternatives à la détention

En premier lieu, le CESE appelle à revoir « fondamentalement » la place de la prison dans le dispositif pénal français. Il préconise de fixer, pour enfin parvenir au respect du principe de l’encellulement individuel, un objectif pluriannuel de réduction de la population carcérale. En parallèle, le Conseil juge nécessaire de développer les alternatives au « tout-détention ». Selon lui, cela passe par la suppression des freins au développement de ces alternatives, en améliorant donc leur visibilité et leur financement. Pour le CESE, il faut sécuriser le financement de ces alternatives et informer régulièrement les juridictions des places disponibles. Les personnes concernées doivent être accompagnés en ce sens dès la phase d’instruction, en particulier par l’Agence nationale du travail d’intérêt général (TIG) et de l’insertion professionnelle.

Donner aux personnes détenues les moyens de leur réinsertion

Le CESE invite les pouvoirs publics à repenser en profondeur les politiques publiques visant à accompagner les personnes détenues dans leur parcours de réinsertion. Les problèmes de santé sont très prégnants en prison, avec une prévalence inquiétante des affections psychiatriques et des addictions, rappelle-t-il. L’amélioration de l’accès aux soins et de leur continuité, pendant et après la détention, doit donc être une priorité. Ainsi, il est « essentiel » d’assurer la continuité des soins et des liens familiaux, par exemple via la généralisation des parloirs familiaux dans les prisons. De même, le Conseil économique, social et environnemental estime nécessaire d’accomplir des progrès en termes de garantie des droits, notamment l’accès aux ressources et services indispensables à toute démarche de réinsertion. À l’heure du numérique, l’impossibilité d’accéder à internet en détention empêche d’accomplir les démarches et le CESE plaide pour la mise en place d’un système sécurisé d’accès aux sites indispensables à la réinsertion. Le Conseil organise ses propositions autour de huit priorités :

  • Le parcours de peine,
  • La continuité de soins,
  • L’effectivité des droits,
  • La formation et le travail,
  • Les liens familiaux,
  • La culture et le sport,
  • L’accès à l’hébergement,
  • Les droits d’expression et le pouvoir d’agir.

Consacrer la réinsertion comme un objectif transversal

Le CESE pointe enfin un manquement dans la politique de réinsertion actuelle, encore majoritairement envisagée sous le prisme unique de l’administration pénitentiaire. Selon lui, il faudrait davantage consacrer la réinsertion comme un objectif transversal, ce qui suppose de lui accorder plus de moyens, mais aussi d’organiser et d’évaluer régulièrement sa mise en œuvre par tous les acteurs concernés. Le Conseil préconise donc de mettre en place un comité interministériel, afin de faire de la réinsertion des personnes sous main de justice un élément d’évaluation de toutes les politiques publiques par des indicateurs complets et concrets. Les moyens accordés aux politiques publiques de réinsertion devraient également être renforcés.

En associant des citoyens, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) souhaite « contribuer à l’émergence d’un débat serein pour aboutir à un changement de pratiques, comme cela a pu avoir lieu en Europe du Nord », conclut l’avis.


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