Gilles Leproust : “Il manque toujours de moyens pour les quartiers prioritaires”

Publiée le 22 janvier 2024 à 9h45 - par

Le président de Ville & Banlieue, Gilles Leproust, réagit positivement à la nouvelle géographie prioritaire de la ville, qui concerne à présent 1 362 quartiers en métropole. Mais comme pour la préparation de la prochaine génération de contrats de ville (2024-2030), il pointe un manque de moyens. Le maire d’Allonnes (Sarthe) interpelle également Gabriel Attal. Entretien.
Gilles Leproust : “Il manque toujours de moyens pour les quartiers prioritaires”

Crédit © Villes d’Allonnes / Le président de Ville & Banlieue regrette que les mesures annoncées lors du dernier CIV, fin octobre, ne soient toujours pas au rendez-vous.

Depuis le 1er janvier 2024, la nouvelle géographie prioritaire de la ville concerne 1 362 quartiers en métropole. Vous convient-elle et y a-t-il eu comme promis plus de concertation avec les élus locaux ?

Très attendue, la nouvelle carte des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) est enfin connue. Sur la méthode, il y a globalement une appréciation positive des élus. Des compromis ont pu être trouvés par le haut avec les préfets. En revanche, il y a un problème avec plus de QPV qu’avant (66 QPV supplémentaires) et donc une population concernée plus importante, mais sans moyens supplémentaires. Avec la hausse de l’inflation, cela revient même en réalité à une baisse des moyens.

De plus se pose la question de l’accompagnement accordé aux 40 QPV sortants du fait de critères relatifs à l’amélioration socio-économique ou de l’évolution démographique. Il est indiqué que les préfets pourront continuer de les soutenir via la création du mécanisme des « poches de pauvreté »1. Mais les règles et les moyens prévus ne sont pas assez précis alors que ces quartiers sortants continuent d’avoir des besoins importants.

Les nouveaux contrats de ville doivent être signés d’ici fin mars2. Comment se présentent-ils ?

Je regrette que cette nouvelle génération 2024-2030 ne se soit pas plus appuyée sur une participation des habitants. Sinon, leur préparation s’est plutôt bien passée avec les services de l’État. Même chose avec les collectivités comme chez moi avec Le Mans Métropole. Les futurs contrats de villes avancent bien et nous serons dans les délais. Parmi les points positifs figure la pluriannualité budgétaire. Comme nous le demandons depuis longtemps, elle va s’améliorer dans les nouveaux contrats avec des projections financières possibles sur trois ans. Point négatif, malgré les promesses, il continue d’y avoir beaucoup d’appels à projets qui demeurent très ancrés dans la culture des services de l’État. Cela est pénalisant en favorisant les grosses collectivités mieux dotées en ingénierie.

Avez-vous des nouvelles du plan « Quartiers 2030 » ?

Ce plan « Quartiers 2030 » devait être annoncé par le président de la République, en juin dernier à Marseille. Reporté à cause des émeutes urbaines, on n’en sait pas plus depuis. Rien n’a changé et le contexte demeure très tendu. Plus que jamais, Ville & Banlieue continue de porter son message de « Faire République ensemble ».

Quelles sont les suites du dernier Comité interministériel des villes (CIV) ?

Je regrette que les mesures annoncées lors du dernier CIV, organisé à Chanteloup-les-Vignes le 27 octobre dernier, ne soient toujours pas au rendez-vous. Depuis cette date, pas de son et pas d’image ! Dès la nomination de Gabriel Attal comme Premier ministre, nous l’avons interpellé pour que ces mesures soient mises en œuvre sans tarder, avec les moyens financiers nécessaires et un calendrier précis. Nous lui demandons également que le ministère de la Ville lui soit directement rattaché, car cette politique qui intervient sur tous les pans du droit commun doit pouvoir être appliquée de façon interministérielle. À ce sujet, il faut un outil national d’observation de l’utilisation du droit commun sur nos territoires, concernant les politiques de l’État et des différents opérateurs comme la Cnaf ou France Travail. Il manque des chiffres, qui restent éparpillés entre les différents ministères, pour disposer d’une vision objective et complète de la situation et de ses carences.

Êtes-vous satisfait qu’une partie du Fonds vert soit réservée sur les quartiers ?

Oui bien sûr. Mais il y a besoin d’une forte impulsion du Premier ministre pour que les projets concernant les QPV représentent bien au moins 15 % des crédits du Fonds vert en 20243, comme cela a été promis et annoncé. Attention à ce que ces aides ne profitent pas qu’aux seuls départements urbanisés.

Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry


1 Le mécanisme des « poches de pauvreté » a été créé pour permettre aux QPV sortants de bénéficier, « de façon circonscrite », de crédits budget politique de la ville de l’État, mais sous réserve qu’il s’inscrive dans le cadre d’un contrat de ville. Le ministère de la Ville explique le nouveau mécanisme pour « contrer les effets de seuil liés à tout zonage et continuer à soutenir la dynamique positive des quartiers sortants ».

2. Les nouveaux contrats de ville (2024-2030), dénommés « Engagements Quartiers 2030 », constituent le cadre partenarial de l’engagement des acteurs publics et privés dans les quartiers. Ils s’articulent autour de trois enjeux : la transition écologique, les services publics et l’émancipation des habitants. À côté d’une partie socle, les contrats en auront une autre dédiée à des projets spécifiques à chaque quartier.

3. Circulaire du ministre Christophe Béchu, datée du 28 décembre 2023, sur la gestion du Fonds vert, non parue au Journal officiel et mise en ligne le 5 janvier 2024. Le Fonds vert est doté de 2,5 milliards d’euros par an jusqu’en 2027.

1 362 territoires reconnus QPV

Le décret du 28 décembre 2023, publié au Journal officiel du 29 décembre 2023, détaille la liste des 1 362 territoires métropolitains reconnus QPV (1 296 jusqu’alors), répartis à présent dans tous les départements, avec une entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2024. Concernant l’Outre-mer (218 QPV aujourd’hui), le zonage sera mis à jour cette année pour une entrée en vigueur prévue le 1er janvier 2025.

On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Action sociale »

Voir toutes les ressources numériques Action sociale