Avec les bus France Services, l’administration en tournée pour reconquérir les usagers

Publié le 8 février 2023 à 8h10 - par

Neuf heures sonnent au clocher de l’église Saint-Christophe de Pruillé-L’Eguillé. Sous le ciel gris d’un matin de février, un véhicule bardé de logos des Finances publiques, de La Poste ou de l’Assurance maladie se gare sur la place du village.

Avec les bus France Services, l'administration en tournée pour reconquérir les usagers
© Par HJBC - stock.adobe.com

Tous les quinze jours, le « bus France Services » fait étape dans ce village de neuf cents âmes de la Sarthe. À son bord, Héloïse Laborie et Fabienne Marcel ont pour mission d’aider les habitants de zones rurales les plus éloignés du numérique à effectuer leurs démarches administratives auprès d’une dizaine de grands services publics.

Veste kaki et bonnet assorti sur le crâne, Sylvie Clero est la première usagère à pénétrer dans le « bus » – en réalité plutôt un camping-car transformé en deux petits salons d’accueil itinérants. Il lui manque un code de la Caisse d’allocations familiales (CAF) pour achever sa demande de complémentaire santé solidaire.

Quelques minutes plus tard, Héloïse Laborie a retrouvé le code et propose à son interlocutrice de le lui imprimer.

« Je veux bien », s’empresse-t-elle d’accepter, les joues rougies par le froid. « Je marche encore à l’ancienne, j’aime bien le papier », sourit Mme Clero, une habitante du village qui fait appel pour la « troisième ou quatrième fois » aux services du bus.

Quelques minutes plus tard, c’est au tour de Maryvonne Cruche de demander de l’aide.

« Mon mari est décédé, ça serait pour faire les papiers de la réversion et des impôts », explique cette ancienne employée d’un couvoir de la région, désormais retraitée.

Une série de démarches complexes, d’autant que « moi, Internet, je n’y connais rien ! », avertit la sexagénaire.

Les deux conseillères France Services s’embarquent donc dans plus d’une heure et demie de recherche de codes de connexion et d’appels au comptable de Mme Cruche.

Son regard s’éclaire quand, entre deux formulaires, Fabienne Marcel lui apprend qu’elle est l’épouse du poissonnier local, qui redevient aussitôt « Joël » dans la bouche des deux femmes.

C’est la mairie qui a renvoyé Mme Cruche vers le bus France Services, en circulation depuis octobre 2021 dans une vingtaine de communes.

Personnel, bonbons et chocolats

« Les mairies apportent des réponses mais il y a parfois des démarches compliquées », explique l’ancien maire de Pruillé, Régis Vallienne (1983-2020), venu apporter du café et des biscuits aux deux conseillères. Or « les secrétaires de mairie ont déjà assez de boulot », d’où l’intérêt des plus de 2 500 bus et Maisons France Services répartis sur le territoire, poursuit-il.

Pour le Gouvernement, confronté depuis la crise des gilets jaunes à une demande persistante de services publics, les bus France Services doivent permettre d’« aller vers » les citoyens privés de services publics de proximité.

Reste à assurer la pérennité du dispositif. Les deux conseillères du bus de la Sarthe sont employées en CDD jusqu’au printemps 2023, et l’État contribue à hauteur de 30 000 euros annuels – sur un budget total de 77 500 euros en 2022, précise Yohan Ragaigne, directeur du centre social du Grand Lucé dont dépend le bus.

Le reste des fonds provient donc de financements européens, des services publics partenaires et des collectivités. Mais face « à la montée en puissance des sollicitations », M. Ragaigne aimerait recruter une personne de plus, ce qui supposerait d’épaissir l’enveloppe de financement.

Loin de ces considérations comptables, Héloïse Laborie et Fabienne Marcel ont mis le cap sur le village de Lavenay, où elles stationnent le bus au bord du Tusson, un petit ruisseau, pour l’après-midi.

Paquet de bonbons dans une main, bâton de marche dans l’autre, Pierrette Fuselier arrive, armée d’une batterie de questions pour les conseillères.

Renouvellement de carte d’identité, problème de tablette, pension de réversion : Héloïse Laborie est sollicitée tous azimuts… et récompensée in fine par une friandise colorée, qui rejoindra dans un placard du camping-car une boîte de chocolats précédemment offerte aux conseillères.

À 16 heures passées, la journée touche à sa fin. Pruillé et Lavenay ne reverront plus le bus avant quinze jours, mais la plupart des neuf usagers ont déjà pris rendez-vous pour le prochain passage.

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