L’acheteur ne peut déroger aux dispositions législatives du Code des assurances
Aux termes de l’article L. 113-4 du Code des assurances : « en cas d’aggravation du risque en cours de contrat, telle que, si les circonstances nouvelles avaient été déclarées lors de la conclusion ou du renouvellement du contrat, l’assureur n’aurait pas contracté ou ne l’aurait fait que moyennant une prime plus élevée, l’assureur a la faculté soit de dénoncer le contrat, soit de proposer un nouveau montant de prime ». Cependant, même si les marchés publics d’assurance conclus par des personnes publiques, qui étaient initialement des contrats de droit privé, sont des contrats administratifs par détermination de la loi depuis la loi « MURCEF » n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, cette nouvelle qualification ne saurait dispenser de prendre en compte les exigences propres aux contrats d’assurance, qui découlent des dispositions du Code des assurances. La réponse ministérielle rappelle que le juge administratif a jugé à plusieurs reprises que des dispositions du Code des assurances s’appliquaient aux marchés publics d’assurance, notamment l’article L. 113-8 relatif à la nullité du contrat en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré (CE, 6 décembre 2017, n° 396751). Il en va de même de l’article L. 113-12 portant sur la faculté de résiliation annuelle ouverte aux parties (CE, 12 juillet 2023, n° 469319 et CE, 4 avril 2024, n° 491068). Ainsi, « la codification du droit de la commande publique, et en particulier sa partie législative, n’a pas pour effet de rendre inapplicables aux marchés publics d’assurance les dispositions législatives contraires du Code des assurances. L’article L. 113-4 de ce code est donc bien applicable aux marchés publics et son caractère d’ordre public fait obstacle à ce qu’il y soit dérogé contractuellement. ».
Une possibilité pour l’acheteur de s’opposer à la résiliation pour un motif d’intérêt général dans l’attente de conclusion d’un nouveau marché
La possibilité de résilier le marché d’assurance à l’initiative de l’assureur doit tenir compte des spécificités de l’action administrative. Il s’agit de concilier les principes généraux régissant les contrats administratifs avec les dispositions du Code des assurances. Dans sa décision Grand Port maritime de Marseille du 12 juillet 2023, le Conseil d’État a considéré que la faculté de résiliation unilatérale ouverte à l’assureur par l’article L. 113-12 du Code des assurances devait se combiner avec le droit de la personne publique de s’opposer à la résiliation pour un motif d’intérêt général. La portée générale de cette jurisprudence est de nature à la faire valoir pour toutes les facultés de résiliation accordées au cocontractant de la personne publique, quel que soit le motif pour lequel elle peut être exercée, y compris dans le cadre de la faculté de résiliation unilatérale ouverte par l’article L. 113-4 du Code des assurances. Ainsi, lorsqu’une décision de résiliation de l’assureur fondée sur le Code des assurances se heurte aux exigences du service public, l’administration peut exiger une poursuite de l’exécution du contrat pour un motif d’intérêt général pendant la durée nécessaire au déroulement de la procédure de passation d’un nouveau marché public d’assurance, sans que cette durée puisse excéder douze mois. En cas de refus de l’assureur de poursuivre l’exécution du contrat, les collectivités territoriales peuvent saisir le juge administratif, en référé ou au fond, afin notamment de lui demander la condamnation sous astreinte de l’assureur à une obligation de faire (CE, 29 juillet 2002, n° 243500). De son côté, l’assureur peut également contester devant le juge administratif le motif d’intérêt général qui lui est opposé afin d’obtenir la résiliation du contrat.
Dominique Niay
Texte de référence : Question écrite n° 00780 de Mme Anne-Sophie Romagny (Marne – UC) du 3 octobre 2024, Réponse publiée dans le JO Sénat du 5 juin 2025