Peut-on demander des références nominatives aux cabinets d’avocats candidats à l’attribution d’un marché de services juridiques ?

Publié le 5 février 2010 à 0h00 - par

L’existence même d’un marché de services juridiques conclu avec une personne publique n’est pas couverte par le secret professionnel. Ce principe dépend d’une condition : l’obtention par le cabinet d’avocats de l’accord préalable et exprès des personnes publiques dont le nom figure parmi les références dont il entend se prévaloir. Analyse et commentaire d’une décision du Conseil d’État du 6 mars 2009 par Olivier Caron et Alexandre Labetoule, avocats.

Peut-on demander des références nominatives aux cabinets d’avocats candidats à l’attribution d’un marché de services juridiques ?

Faits

Dans le cadre de son MAPA ayant pour objet l’achat de prestations de conseil et d’assistance juridiques, la commune d’Aix-en-Provence avait demandé aux candidats de fournir des références de prestations similaires à celles demandées dans le cadre des différents lots du marché. Concrètement, il s’agissait d’indiquer, conformément aux règles déontologiques applicables à la profession d’avocat, la liste des marchés de services juridiques ayant le même objet conclus par les candidats, sous réserve que les références permettant d’identifier les personnes publiques concernées soient soumises à leur accord préalable et exprès. Le juge de première instance avait considéré que cette demande était contraire à la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Le Conseil d’État a rejeté cette analyse.

Décision

L’existence même d’un marché de services juridiques conclu avec une personne publique n’est pas couverte par le secret professionnel. Il est dès lors possible de demander aux candidats à l’attribution d’un marché de service juridique d’indiquer, dans le cadre des règles déontologiques applicables à la profession d’avocat, les marchés de services juridiques similaires conclus par les intéressés. Ce principe dépend d’une condition : l’obtention par le cabinet d’avocats de l’accord préalable et exprès des personnes publiques dont le nom figure parmi les références dont il entend se prévaloir, conformément à la décision du Conseil national des barreaux du 28 avril 2007 relative au règlement intérieur national de la profession.

Le conseil de l’avocat

Il est désormais possible de demander aux cabinets d’avocats de fournir à l’appui de leur offre, à l’instar d’autres prestataires de services, la liste des marchés de services juridiques similaires qui leur ont été attribués, sous réserve qu’ils aient obtenu l’accord exprès et préalable de leur client. Toutefois, cet assouplissement empreint de pragmatisme ne doit pas faire oublier que le principe du secret professionnel subsiste avec force.

Sous réserve de cet aménagement, demeure en effet la règle selon laquelle les avocats ne sont pas autorisés à divulguer le nom de leurs clients ainsi que tous documents couverts par le secret professionnel, conformément aux principes déontologiques qui régissent leur profession. Toutes les pièces du dossier sont ainsi couvertes par le secret professionnel, en matière de conseil comme en matière de contentieux. Ce qui interdit aux avocats de produire, à l’appui de leur offre, des exemples de travaux sans modification de nature à empêcher que l’on puisse identifier le nom des clients pour lesquels les documents ont été rédigés.

À l’inverse, n’étant pas soumises au principe du secret professionnel en leur qualité de clientes, les collectivités publiques demeurent libre de communiquer les travaux réalisés dans leur intérêt par leur conseil. Toutefois, en raison du secret de la relation entre l’avocat et son client, la collectivité n’est pas tenue de divulguer ces documents aux personnes qui en feraient la demande, sous certaines conditions, à un membre de son assemblée délibérante (CE, Ass., 27 mai 2005, Commune d’Yvetot, n° 265494, publié au recueil Lebon).

Texte de référence : CE, 6 mars 2009, Commune d’Aix-en-Provence, req. n° 314610, mentionné aux tables du Recueil Lebon

Extrait

«… il résulte [de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971] que si toutes les consultations, les correspondances et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel, tel n’est pas le cas de l’existence même d’un marché de services juridiques conclu avec une personne publique ; qu’en effet, la conclusion d’un tel marché ne peut légalement être confidentielle sous réserve des cas de secrets protégés par la loi. »


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