Manque d’AESH : “il est important d’investir massivement dans la santé des enfants”

Publié le 13 octobre 2022 à 14h30 - par

Le CNSEI s’est réuni le 25 juillet 2022 sous la présidence du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, du ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées et de la ministre déléguée chargée des Personnes handicapées. Pap Ndiaye, Jean-Christophe Combe et Geneviève Darrieussecq ont rappelé à cette occasion « leur engagement à renforcer encore l’accessibilité de l’école et à garantir à tous les élèves l’accès au savoir, à la connaissance et aux apprentissages. » Qu’en est-il sur le terrain ? Des professionnels de l’Éducation nationale nous répondent.

Manque d'AESH : “il est important d’investir massivement dans la santé des enfants”

Les dispositions prises par le Comité national de suivi de l’École inclusive (CNSEI) en juillet pour une rentrée 2022 plus inclusive sont-elles suffisantes ?

Malgré les annonces faites et les quelques moyens et dispositifs supplémentaires mis en place, sur le terrain (notamment en Île-de-France) les difficultés demeurent pour de nombreuses familles, ainsi que pour les professeurs, les directeurs(trices) d’école ou principaux de collège, dans lesquels il manque des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Sur certains Pôles inclusifs d’accompagnement localisé (PIAL) ce manque est parfois très important.

La réalité sur le terrain est loin de la communication officielle et des bonnes intentions (certainement réelles).

En pratique, des enfants ne peuvent pas être scolarisés, à temps plein ou partiel, faute d’AESH. Les parents sont démunis face à ces situations et doivent parfois épuiser tous leurs congés afin de garder leur enfant à domicile. Dans certaines écoles ou collèges, les professeurs ou les ATSEM doivent gérer seuls des enfants présentant parfois des troubles importants. Ils sont parfois même frappés par des enfants pouvant être en proie à des accès de violence. Des enfants souffrant de TSA (troubles du spectre autistique) sévère sont isolés avec leur AESH à l’écart de la classe car leur comportement ne leur permet pas d’y rester. Ils n’ont donc aucune interaction, si ce n’est avec leur AESH, et ce dans des locaux inappropriés. C’est une forme de maltraitance.

La gestion du PIAL, en tout cas dans les académies franciliennes avec une gestion centralisée des embauches et des contrats des AESH, est un carcan assez lourd. Entre le moment où la notification de la MDPH tombe et le début de contrat d’une AESH, il peut se passer plusieurs mois.

La mobilité des AESH à l’intérieur du PIAL se heurte parfois (notamment dans des zones semi-rurales ou rurales) à la difficulté des transports et au prix du carburant pour des personnels ayant des salaires faibles et qui sont à temps partiel.

À terme, les PIAL seront renforcés par l’appui des professionnels du secteur médico-social, coordonné en « pôle ressources », qui interviendront dans les établissements scolaires.

Mais où trouvera-t-on ces professionnels du secteur médico-social à l’heure où le pays manque de professionnels dans tous les métiers de la santé ? L’Éducation nationale est en pénurie de médecins, d’infirmières, de psychologues.

Comment établir des diagnostics, faire des dépistages précoces lorsque les CMP en région parisienne ont des listes d’attente pouvant aller jusqu’à 3 ans ? Dans le secteur privé, les rendez-vous sont tout aussi difficiles à trouver avec les pédiatres, pédopsychiatres, orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes…

Malgré ses ambitions, l’Éducation nationale ne pourra pas résoudre seule la pénurie de structures spécialisées et le manque de professionnels afin d’accompagner les enfants. Une AESH ayant reçu quelques dizaines d’heure de formation peut accompagner un enfant présentant des difficultés scolaires ou un trouble moteur, mais ne peut pas prendre en charge et faire progresser seule un enfant atteint de troubles lourds.

Depuis la rentrée 2022, le financement des AESH sur le temps scolaire revient à l’Éducation nationale mais ce qui relève du temps périscolaire, dont la cantine, incombe aux collectivités locales, en application d’une décision du Conseil d’État du 20 novembre 2021. La continuité dans l’accompagnement des élèves en situation de handicap entre temps scolaire et périscolaire est-elle toujours bien assurée ?

Dans chaque commune, la mairie prend effectivement en charge le temps périscolaire. Parfois, c’est le/la même AESH qui poursuit l’accompagnement de l’enfant mais il/elle est alors payé-e par la mairie. C’est la situation idéale car elle permet à la fois une continuité dans l’accompagnement de l’enfant, mais également à l’AESH d’arrondir ses fins de mois tout en restant au même endroit toute la journée.

Certaines collectivités, tout comme l’Éducation nationale, se heurtent à une crise de vocation, et il manque certainement du personnel en périscolaire.

Quelles mesures concrètes doivent être mises en œuvre pour pallier à ces problématiques ?

Aucune mesure ne saurait résoudre valablement ces problématiques tant qu’il manquera des professionnels de santé et des AESH. Il est important de former puis de recruter et d’investir massivement dans la santé des enfants, le dépistage des maladies ou des troubles, afin de les accompagner dans une démarche pluridisciplinaire. Enfin, s’il faut du personnel formé, il faut aussi adapter les infrastructures afin de répondre aux spécificités de certains handicaps.

Des pays proches de nous comme la Belgique gèrent beaucoup mieux le handicap. Les politiques devraient davantage s’en inspirer.


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Action sociale »

Voir toutes les ressources numériques Action sociale