Les parcours scolaires chaotiques des jeunes placés

Publié le 30 septembre 2024 à 10h40 - par

Si le placement restaure pour partie les chances de réussite scolaire et professionnelle des jeunes relevant de la protection de l’enfance, il n’augmente guère leur probabilité d’accéder à l’enseignement supérieur.

Les parcours scolaires chaotiques des jeunes placés
© Par Chlorophylle - stock.adobe.com

France Stratégie a suivi les trajectoires scolaires et professionnelles des jeunes placés en protection de l’enfance. Dans une récente note d’analyse (septembre 2024, n° 143) intitulée « Retisser les fils du destin : parcours des jeunes placés », cette institution autonome placée auprès du Premier ministre confirme, sans surprise, que ces jeunes « connaissent des parcours scolaires très heurtés. » Et ce, dès le plus jeune âge.

Ainsi, dès l’école primaire, de nombreux jeunes placés en protection de l’enfance rencontrent des difficultés scolaires qui se manifestent par des taux de redoublement particulièrement élevés. 40 % ont redoublé à l’école primaire, soit une proportion 2,5 fois plus élevée que celle constatée pour l’ensemble des jeunes du même âge nés en France (16 %), observe France Stratégie. Seule une petite moitié (43 %) de ces jeunes arrive « à l’heure » en troisième, une proportion nettement inférieure à celle de l’ensemble des jeunes (71,5 %), des jeunes issus de familles modestes (61,5 %) et très modestes (52,5 %). En revanche, les jeunes placés présentent le même parcours de redoublement que leurs pairs issus de familles inactives.

Les parcours des jeunes placés en protection de l’enfance sont également marqués par des périodes de déscolarisation. Fréquentes l’année au cours de laquelle survient le placement, ces déscolarisations progressent à partir de l’âge de 11 ans, constate la note d’analyse. Ces jeunes sont aussi beaucoup plus nombreux à avoir fréquenté une classe de l’enseignement spécialisé, qui scolarise des enfants en grande difficulté ou en situation de handicap (28 % contre seulement 4 % de l’ensemble des jeunes nés en France). Résultat : à 17 ans, quasiment 20 % des jeunes placés nés en France éprouvent des difficultés pour lire ou écrire le français.

Les trajectoires scolaires des jeunes placés en protection de l’enfance se distinguent également par une orientation précoce dans la voie professionnelle courte et par un faible accès à l’enseignement supérieur. Une petite moitié (46 %) des jeunes placés âgés de 18 à 22 ans sont titulaires d’un diplôme professionnel et, plus souvent, d’un CAP-BEP (30 %) que d’un bac professionnel (16 %). Les jeunes du même âge sont bien moins nombreux à avoir obtenu un diplôme dans la voie professionnelle (26 %) et, lorsque c’est le cas, la moitié est allée jusqu’au bac professionnel. Cette prépondérance de la voie professionnelle dans les parcours des jeunes placés a pour conséquence leur éviction de la voie générale, rapporte France Stratégie. De fait, seuls 12 % possèdent un bac général ou un diplôme de l’enseignement supérieur, soit trois fois moins que pour l’ensemble des jeunes (39 %). Enfin, les jeunes placés sont deux fois plus souvent dépourvus de tout diplôme (17 %) que l’ensemble des jeunes (8 %).

Que ce soit en famille ou en établissement, le fonctionnement institutionnel qui contraint les jeunes à une autonomie financière précoce conduit les professionnels de la protection de l’enfance à les aiguiller vers des études courtes, censées leur assurer une insertion professionnelle rapide, explique France Stratégie. Les jeunes placés sont donc beaucoup plus fréquemment diplômés d’un CAP-BEP que les autres et moins souvent sans diplôme que les jeunes issus de familles inactives. Et, si le placement restaure partiellement les chances de réussite scolaire et professionnelle de ces jeunes, il n’augmente guère leur probabilité d’accéder à l’enseignement supérieur et d’obtenir un diplôme favorable à une ascension sociale.

Au final, les trajectoires scolaires et professionnelles des jeunes placés en protection de l’enfance résultent de l’imprévisible alchimie qui s’opère entre ce qui est hérité de l’avant-placement, ce qui se transmet pendant le placement et comment s’opère la sortie de placement, conclut France Stratégie. « Pour y remédier, il faudrait faire de la réussite scolaire un objectif explicite du placement, améliorer la coopération entre l’Éducation nationale et les services de la protection de l’enfance et mettre en place un suivi statistique pérenne des jeunes placés », prône l’institution.


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