Mineurs non accompagnés : 10 ans d’interventions du Défenseur des droits

Publié le 17 février 2022 à 11h30 - par

La Défenseure des droits formule 32 recommandations pour faire progresser l’effectivité des droits pour ces mineurs.

Mineurs non accompagnés : 10 ans d'interventions du Défenseur des droits

La Défenseure des droits a rendu public, le 2 février 2022, un rapport intitulé « Les mineurs non accompagnés au regard du droit » qui dresse le bilan de 10 ans d’interventions de l’institution « pour rappeler le droit applicable et la nécessaire prévalence de l’intérêt supérieur des enfants concernés. » Depuis sa première décision-cadre du 21 décembre 2012, le Défenseur des droits ne cesse d’être saisi d’atteintes aux droits de ces enfants, d’abord appelés mineurs isolés étrangers, puis mineurs non accompagnés (MNA). Ainsi, en 2020, 10,2 % des 3 016 saisines relatives aux enfants concernaient des mineurs étrangers, dont la majeure partie des MNA, et émanaient des jeunes eux-mêmes, des associations, des collectifs, des travailleurs sociaux, des avocats, ou de saisines d’office.

« Nous rappelons régulièrement aux départements qu’ils sont liés par les obligations découlant de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant à l’égard des mineurs non accompagnés, comme ils le sont à l’égard de tout enfant présent sur leur territoire, et à l’État, la nécessité de soutenir les départements pour prendre en charge ces mineurs dans un contexte de saturation des structures d’accueil de la protection de l’enfance », répètent la Défenseure des droits, Claire Hédon, et le Défenseur des enfants, Éric Delemar.

Le rapport réaffirme avec force que « tout jeune se disant mineur et isolé est un enfant à protéger, relevant des dispositions légales de la protection de l’enfance, et doit être pris en charge à ce titre, ainsi que le stipulent la Convention internationale des droits de l’enfant et de la Convention européenne des droits de l’homme ». En déroulant le parcours de ces mineurs, depuis l’entrée sur le territoire, la demande d’asile, l’accès à la protection de l’enfance, la prise en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) jusqu’au passage à la majorité, la Défenseure des droits insiste sur les nombreuses difficultés auxquelles ils font face. Elle propose des outils juridiques au soutien d’un meilleur respect de leurs droits et de leur intérêt supérieur. Ce rapport est destiné avant tout à l’ensemble des acteurs sociaux, du secteur de la justice, associatif ou institutionnel, qu’ils soient confrontés de près ou de loin à cette problématique.

L’entrée sur le territoire et la demande d’asile

La Défenseure des droits est opposée par principe à l’enfermement des enfants du seul fait de leur statut d’enfants migrants. Claire Hédon estime qu’un mineur non accompagné ne devrait pas être maintenu en zone d’attente, mais devrait être immédiatement admis sur le territoire et recueilli provisoirement dans le dispositif de protection de l’enfance, afin que sa situation fasse l’objet d’une évaluation complète dans des conditions adaptées.

La demande d’asile revêt pour ces mineurs une importance considérable, dans la mesure où elle leur permet de bénéficier d’une protection internationale et de l’ensemble des droits qui s’y attachent. L’institution dénonce sans relâche les nombreux obstacles qui empêchent les mineurs d’avoir accès à la procédure de demande d’asile en France.

L’accès des mineurs non accompagnés au dispositif de protection de l’enfance et leur prise en charge

Selon la Défenseure des droits, les jeunes exilés se disant mineurs doivent être considérés comme tels et jouir immédiatement des droits et de la protection s’y rattachant, le cas échéant jusqu’au prononcé d’une décision judiciaire définitive. À ce titre, elle rappelle la nécessité que leur situation soit examinée dans les meilleurs délais par l’autorité judiciaire saisie. Claire Hédon regrette que les examens d’âge osseux ne soient pas proscrits par la loi au regard de l’atteinte à la dignité qu’ils représentent et de leur manque de fiabilité.

Par ailleurs, les mineurs non accompagnés doivent bénéficier d’une prise en charge conforme à leurs besoins et à leur intérêt supérieur, réaffirme le rapport. Ainsi, en toute circonstance, ils doivent être assurés du respect de leurs droits les plus fondamentaux, tels que le droit à l’identité, à l’éducation, à la santé, aux loisirs. Un projet pour l’enfant doit être établi pour chacun de ces mineurs.

Enfin, la Défenseure des droits reste « très préoccupée » par la situation des jeunes majeurs en rupture de prise en charge lors de leur accès à la majorité, alors même que le projet d’accès à l’autonomie des mineurs confiés est une composante obligatoire du projet pour l’enfant.

La Défenseure des droits formule 32 recommandations afin de faire progresser l’effectivité des droits pour ces mineurs. Nombre d’entre elles s’adressent directement aux départements. En particulier, le rapport :

  • Recommande aux départements de multiplier les dispositifs adaptés aux mineurs en situation de rue, des maraudes aux centres sécurisés et sécurisants, et de former de manière adaptée les travailleurs sociaux au repérage et à l’accompagnement des mineurs victimes de traite des êtres humains.
  • Réitère aux départements ses recommandations visant à mettre en place des lieux d’accueil de jour à proximité des lieux de vie des adolescents, doublés d’une possibilité de mise à l’abri de nuit inconditionnelle et immédiate pour les mineurs non accompagnés en transit.
  • Demande aux départements que chaque jeune exilé qui se présente bénéficie d’un accueil provisoire d’urgence préalable à sa présentation en préfecture et à la réalisation d’un entretien social d’évaluation de sa minorité et de son isolement, selon la procédure prévue par les textes.
  • Rappelle au président de l’Assemblée des départements de France (ADF) et aux départements que les pratiques de réévaluation des mineurs confiés par l’autorité judiciaire d’un autre département sont contraires à l’esprit de la loi et à l’intérêt supérieur de l’enfant et contribuent à fragiliser non seulement le principe de solidarité nationale mais également les droits fondamentaux des mineurs protégés, et recommande leur proscription.
  • Rappelle aux départements que l’accompagnement éducatif des personnes se déclarant mineures non accompagnées puis reconnues comme telles doit être adapté et ajusté en fonction de leurs besoins fondamentaux.
  • Rappelle aux départements que l’établissement du projet pour l’enfant est une obligation pour tout mineur accueilli en protection de l’enfance, et les invite dans ce cadre à planifier et réaliser sans délai la reconstitution de l’état civil des mineurs non accompagnés qui leur sont confiés.
  • Recommande aux départements de solliciter les Agences régionales de santé (ARS) et l’ensemble des partenaires de l’offre de soins pour mettre en œuvre l’organisation d’un bilan de santé conforme aux préconisations du Haut conseil de la santé publique (HCSP) pour tout jeune exilé en phase d’évaluation.
  • Recommande aux départements de prévoir, au cours de l’entretien obligatoire devant être prévu avant la majorité des jeunes pris en charge, l’information du mineur sur son droit de demander à bénéficier d’un accompagnement jeune majeur et d’associer, lors de cet entretien, les institutions et organismes concourant à construire une réponse globale adaptée à ses besoins en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources.

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