Fonctionnaires rémunérés au mérite : déjà possible, mais complexe

Publié le 28 mai 2018 à 17h44 - par

Jusqu’à 1 000 euros de prime par an pour un engagement professionnel jugé « excellent » : la rémunération au mérite des fonctionnaires, que le gouvernement souhaite accroître, est déjà possible, mais peu mise en œuvre en raison de sa complexité et du changement de culture qu’elle suppose.

Fonctionnaires rémunérés au mérite : déjà possible, mais complexe

Cet article fait partie du dossier :

Emploi, carrière et évolutions RH dans le secteur public
Emploi, carrière et évolutions RH dans le secteur public
Voir le dossier

Depuis janvier, le département du Nord a institué un système de « rémunération individualisée, discriminante, incitative et signe de la reconnaissance d’un engagement », explique Aude Fournier, la directrice des ressources humaines (DRH), également vice-présidente de l’association nationale des DRH des grandes collectivités.

En décembre, 2,7 millions d’euros seront redistribués sous forme de prime annuelle aux 8 000 agents du département, en fonction de l’appréciation attribuée par leur responsable lors d’un entretien professionnel. Sont évaluées la réalisation des objectifs fixés et les compétences figurant sur leur fiche de poste.

Un agent dont le travail sera jugé « insatisfaisant » n’aura aucun complément, mais un cadre de catégorie A (la plus élevée) évalué « excellent » pourra obtenir plus de 1 000 euros.

« On espère que ça les remotivera », justifie Aude Fournier, concédant une véritable « révolution dans la culture managériale » de la collectivité, avec la formation de 600 « évaluateurs ».

« Manière de servir »

Ce dispositif a été rendu possible – pour les fonctionnaires d’État et territoriaux – par un décret de 2014 ayant profondément revu la structure de la part dite « indemnitaire » de la rémunération des agents. Celle-ci représente environ 20 % du salaire total, et s’ajoute à la part fixe (le « traitement »).

Ce nouveau régime, baptisé RIFSEEP, a harmonisé les différentes primes en lien avec le métier exercé, et instauré un complément indemnitaire annuel (CIA) facultatif, « lié à l’engagement professionnel et à la manière de servir ».

Il a ainsi remplacé la prime de fonction et de résultat (PFR) instaurée en 2008, qui comportait également une part liée aux résultats individuels.

Mais le RIFSEEP ne concerne pour le moment que 10 % des agents de l’État selon le gouvernement, et n’a été mis en place que par 45 % des collectivités et établissements publics, selon le baromètre HoRHizons 2017. Certains décrets d’application manquent encore.

Casse-tête opérationnel

« D’un point de vue opérationnel, c’est horrible », confirme Marie Chenal, responsable au sein du cabinet de conseil Eneis, qui a accompagné une trentaine de collectivités dans ce chantier.

Un quart d’entre elles ont choisi de mettre en place la rémunération « au mérite » permise par le CIA. Une minorité. Car si toutes se disent au départ « intéressées », les discussions butent sur deux obstacles : le financement et le changement de culture nécessaire.

« Pour les collectivités qui n’avaient pas du tout cette habitude, c’est un choc », raconte Marie Chenal. Malgré tout, « ce principe existait déjà » dans certaines d’entre elles. Un maire de petite commune décide parfois lui-même d’attribuer des primes, relève-t-elle.

La mairie de Suresnes (Hauts-de-Seine) avait, elle, fait grand bruit en 2015 en mettant en place un système de rémunération au mérite très cadré et négocié avec les syndicats, à la hausse comme à la baisse (jusqu’à 235 euros en plus ou en moins par mois pour un cadre).

Trois ans après, « les agents ont eu le sentiment que c’était un dispositif juste et équitable, donc il a été bien accepté », affirme Béatrice de Lavalette, adjointe au maire déléguée aux ressources humaines. L’entretien professionnel est devenu « un vrai temps d’échange » et les contestations des évaluations ont baissé, alors même qu’en 2017, 5 % des 1 030 agents de la ville ont vu leur salaire diminuer.

Mais un tel système n’est pas toujours bien vécu. « Cela met à mal les organisations de travail et les comportements », estime Martine Flacher, responsable d’un centre des finances publiques, syndiquée à la CFDT, qui a connu des « primes de rendement » et des « primes à la performance », abandonnées il y a « quinze ans ».

Selon elle, ces primes ont un « aspect discriminatoire » et accentuent les inégalités entre les hommes et les femmes.

En mars 2018, 54 % des fonctionnaires se prononçaient contre la mise en place de la rémunération au mérite, selon un baromètre Odoxa.

Copyright © AFP : « Tous droits de reproduction et de représentation réservés ». © Agence France-Presse 2018

 


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Ressources Humaines »

Voir toutes les ressources numériques Ressources Humaines