Dans la fonction publique, l’intéressement peine à trouver sa place

Publié le 19 juillet 2022 à 14h26 - par

C’est un des enjeux du grand chantier sur les rémunérations promis à la rentrée : l’intéressement des agents publics, jusqu’ici embryonnaire, pourrait être élargi pour « mieux récompenser l’engagement » de certains, une hypothèse qui laisse les syndicats dubitatifs.

Dans la fonction publique, l'intéressement peine à trouver sa place

« Je suis un grand défenseur de l’intéressement et de la participation dans les entreprises », a déclaré le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini fin juin 2022 sur LCI. « Je crois que l’idée d’avoir des plans d’intéressement dans la fonction publique n’est pas un sujet tabou », a-t-il ajouté, en regrettant le « peu de leviers managériaux pour les encadrants dans la fonction publique ».

Une idée dans la droite ligne d’un rapport rédigé en mars 2022 par l’ex-militant CGT Jean-Dominique Simonpoli et l’ancien directeur général de l’administration et de la fonction publique Paul Peny (2005-2009). Ce dernier, qui est devenu directeur de cabinet de Stanislas Guerini, estimait à l’époque que les primes de performance individuelle ou collective devaient constituer l’essentiel de la part variable de la rémunération des agents publics.

La recommandation a trouvé de l’écho auprès de la Cour des comptes. Dans un rapport publié début juillet 2022, l’institution a ainsi suggéré de réformer le système actuel de primes « pour permettre de reconnaître le niveau de responsabilité des postes occupés et de récompenser la manière de servir individuelle des agents ».

Usines à gaz

De quoi donner du grain à moudre aux syndicats et au ministère, qui se retrouveront à la rentrée de septembre 2022 pour poser les bases d’un vaste chantier de refonte des carrières et des rémunérations des agents publics. « L’égalité est la valeur fondamentale de la fonction publique », prévient déjà l’ancien secrétaire général de Force ouvrière Yves Veyrier. Si l’intéressement se développe dans la fonction publique, « il y aura celui qui fait bien son boulot et sera bien rémunéré en conséquence. Et celui qui le fera moins bien, on ne l’intéressera pas ? », fulmine-t-il.

Davantage associé au secteur privé, l’intéressement individuel existe pourtant déjà dans le public, via le complément indemnitaire annuel (CIA), une prime facultative qui permet de récompenser l’engagement des agents. Mais elle ne peut constituer plus de 15 % de la part variable du traitement des agents publics, déplore le rapport Peny-Simonpoli. Et ce, alors que les primes et indemnités représentent environ un quart de la rémunération des agents publics, le reste étant calculé sur la base du point d’indice commun aux 5,7 millions de fonctionnaires et contractuels.

L’intéressement individuel, « ça existe mais ce sont des usines à gaz peu mobilisées. Ce n’est pas pour rien, les encadrants voient bien que ça n’est pas très utile », tacle Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques. « La notion d’intéressement individuel, pour nous, va forcément introduire des logiques de concurrence entre agents », s’inquiète pour sa part Benoît Teste, patron de la FSU. Un compromis pourrait en revanche être trouvé autour de l’intéressement collectif.

Maquis

Dans son interview fin juin, Stanislas Guerini plaidait d’ailleurs pour « mieux valoriser certaines filières professionnelles ». Les critères d’attribution des primes collectives d’intéressement pourraient par exemple reposer sur la « réussite collective » d’un service dans le service rendu aux usagers, ou sa rapidité de réaction, imaginait alors le ministre. « C’est possible de parler intéressement, de nature des missions, comment on les exerce, comment on fait en sorte que le collectif soit mieux reconnu », juge Benoît Teste. « Mais évidemment pour nous c’est dans un cadre collectif, normé, où ça ne recrée pas des inégalités », ajoute immédiatement le représentant de la FSU.

La CFDT est aussi favorable à des « primes collectives » accordées à des fins de « reconnaissance des équipes ». Pour l’heure, cette forme de prime ne joue en tout cas « que de manière extrêmement marginale dans la fonction publique », souligne le rapport Peny-Simonpoli. « Peu de services sont concernés et les plafonds de distribution sont très limités (600 € par an maximum contre une moyenne de 2 500 € par an dans le secteur privé) », est-il précisé. La volonté de simplifier le maquis des primes et indemnités, « nombreuses, complexes et disparates » selon le rapport, fait en tout cas déjà consensus.

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