L’état de grossesse est insuffisamment pris en compte dans le travail

Publié le 6 mai 2019 à 9h03 - par

Un guide de l’Anact intitulé « la conciliation grossesse et travail », publié en mars 2019, répond aux questions que se posent les différents acteurs du monde du travail : salarié-es, manageur-e-s, DRH, représentants du personnel et élus des CHSCT.

L'état de grossesse est insuffisamment pris en compte dans le travail

En 2015, plus de 580 000 enfants sont nés de mères actives (selon des données de l’Insee). Cependant trop souvent, la grossesse apparaît dans le travail comme un aléa alors que sa survenue est normale et prévisible. Les solutions appropriées à l’état de grossesse ne sont pas suffisamment mises en œuvres par les employeurs. Par ailleurs, les mesures favorisant la conciliation grossesse et travail restent insuffisamment connues.

Les femmes enceintes, qui souhaitent et peuvent continuer à travailler, sont souvent pénalisées faute de mesures organisationnelles adaptées

Beaucoup de femmes enceintes rencontrent des difficultés à mener leur grossesse en travaillant. Ce constat est particulièrement vérifié lorsqu’elles occupent des postes présentant des fortes contraintes et des risques professionnels. De ce fait, et pour se protéger elles-mêmes et leur enfant à naître, les femmes enceintes « se retirent » ou « sont retirées » précocement de leur travail par arrêt maladie. Cette situation n’est pas sans poser problème aux employeurs, qui doivent trouver comment assurer la continuité du travail.

Elle pénalise également les femmes enceintes, qui souhaitent et peuvent continuer à travailler. Leur évolution professionnelle peut en être affectée tout comme leurs ressources financières. La grossesse n’est cependant pas une maladie même si elle provoque des changements importants dans l’organisme de la femme enceinte. Sans compter le fait que les mesures facilitant la grossesse au travail créent un sentiment d’inéquité dans les équipes car elles ne s’appliquent pas de la même façon à toutes les femmes enceintes.

L’employeur est tenu d’appliquer la réglementation générale et les dispositions s’appliquant à la grossesse (Décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale ; circulaire ministérielle du 9 mars 1987). Pour cela, il s’appuie sur les services Ressources Humaines ou prévention. La hiérarchie et les salariés dans leur ensemble ont également leur rôle à jouer pour consolider la cohésion des collectifs et favoriser le maintien en emploi des femmes enceintes. Réglementairement, le médecin du travail de prévention est aussi un acteur clef de l’accompagnement de l’état de grossesse : visites d’information et de prévention à l’embauche, visite à la demande de la salariée, demandes d’aménagement du poste, affectation temporaire…

Les solutions appropriées à l’état de grossesse ne sont pas suffisamment mises en œuvre

Des solutions appropriées d’aménagement de poste, d’horaires, de gestion de la charge de travail, voire de changement temporaire d’affectation ne sont pas suffisamment mises en œuvre, en particulier dans les métiers, où s’exercent de fortes contraintes. Si elles le sont, c’est souvent dans l’urgence, alors que dans la plupart des cas, elles auraient pu être anticipées. Pourtant, il existe dans le Code du travail, des dispositions spécifiques en matière de santé et sécurité (analyse des risques professionnels auxquels les femmes enceintes peuvent être exposées), qui permettent de donner un cadre juridique protecteur aux femmes enceintes. Si elles ne sont pas enrichies par des accords, chartes ou bonnes pratiques, leur efficacité reste limitée.

La situation des femmes enceintes est trop rarement prise en compte dans l’évaluation des risques professionnels. Seuls les risques les plus évidents sont anticipés comme la manipulation de charges lourdes. Une attention particulière doit être portée aux risques moins visibles comme la manipulation de produits chimiques non étiquetés, l’analyse des maladies dans l’environnement de travail, ou encore la manutention de petits volumes… Les dispositions du Code du travail relatives à l’aménagement des conditions de travail doivent être strictement adaptées : périodes d’interdiction de travail avant et après l’accouchement (congé maternité), travaux interdits ou réglementés, possibilité de se reposer en position allongée, surveillance médicale adaptée…

Les femmes enceintes sont les premières concernées par l’application des mesures de conciliation entre grossesse et travail, mais ce sont tous les salariés dans leur ensemble, qui doivent connaître les risques liés à cette situation particulière, ainsi que les mesures de prévention applicables. Cela permettrait, pour les femmes, de mieux envisager une grossesse tout en travaillant et, pour l’entourage, de mieux manager ou travailler en équipe avec des femmes enceintes. Il est nécessaire à l’avenir de passer des logiques individuelles de gestion de la grossesse au cas par cas ou prises dans l’urgence, à des logiques préventives d’organisation de la conciliation grossesse / travail.

Source : La conciliation grossesse et travail, Étude Anact, mars 2019