Le Sénat demande une loi pour encadrer la reconnaissance faciale dans l’espace public

Publié le 24 mai 2022 à 13h30 - par

Les sénateurs émettent trente propositions pour que l’utilisation des technologies de reconnaissance faciale dans l’espace public ne conduise pas à une société de surveillance. Ils préconisent notamment un encadrement législatif et des autorisations au cas par cas.

Le Sénat demande une loi pour encadrer la reconnaissance faciale dans l'espace public

Contrôle d’accès, traçage des déplacements sur des sites sensibles, sécurisation d’événements à forte affluence, détection d’objets abandonnés, vidéoprotection… Les usages de la reconnaissance faciale sont potentiellement illimités. Et ils posent de nombreuses questions de libertés publiques et de souveraineté technologique de la France, explique la commission des lois du Sénat qui veut encadrer ces technologies. Elles risquent sinon de créer une société de surveillance, contre laquelle on doit établir des « lignes rouges ».

En effet, aucun texte ne réglemente l’utilisation de la reconnaissance faciale dans l’espace public et elle ne fait l’objet d’aucune réflexion éthique collective. Assimilées à des données sensibles, les techniques de reconnaissance biométrique sont exclusivement régies par le droit relatif aux données personnelles, que le RGPD interdit de traiter sauf exception dans certains cas particuliers et avec le consentement exprès des personnes : pour protéger leurs intérêts vitaux ou sur la base d’un intérêt public important. Seules les autorités publiques compétentes peuvent recourir à de tels traitements, en cas de nécessité absolue et sous réserve de garanties appropriées pour les droits et libertés de la personne concernée.

Les sénateurs souhaitent qu’une loi fixe les interdictions, pour des acteurs publics ou privés, de développer, mettre sur le marché et utiliser les techniques de reconnaissance biométrique : en particulier, les systèmes de notation sociale des personnes, de catégorisation des personnes (selon une origine, des convictions religieuses ou philosophiques ou une orientation sexuelle), et de reconnaissance d’émotions.

Sauf exceptions très limitées, le Sénat veut également interdire que la reconnaissance biométrique soit utilisée à distance en temps réel dans l’espace public, par exemple lors de manifestations sur la voie publique et aux abords des lieux de culte. Cette technologie doit être de plus strictement subsidiaire ; ainsi, seuls un impératif particulier d’assurer un haut niveau de fiabilité d’authentification ou d’identification des personnes concernées, et l’inadéquation d’autres moyens de sécurisation moins intrusifs, pourraient autoriser son usage sans consentement.

Par ailleurs, il est indispensable de fournir aux personnes des informations claires, compréhensibles et aisément accessibles sur les usages de technologies de reconnaissance biométrique. Ces usages ne soulèvent pas tous les mêmes risques au regard des libertés, ce dont il faudra tenir compte une fois l’encadrement législatif posé. Le Sénat propose ainsi qu’une loi autorise des expérimentations afin de définir, au cas par cas, les utilisations acceptables dans l’espace public – en fonction du bénéfice obtenu et des principes de nécessité et de proportionnalité.

La commission souhaite que les dispositifs de reconnaissance biométrique sur la voie publique soient soumis à autorisation préalable d’un magistrat ou du préfet (en cas d’utilisation par les forces de sécurité intérieure) ou de la Cnil (pour les déploiements par un acteur privé dans un lieu accessible au public). En outre, la Cnil serait consultée systématiquement pour tout déploiement d’usage public et recevrait les analyses d’impact pour avis.

L’usage de la reconnaissance biométrique par des acteurs privés nécessiterait le consentement des personnes et devrait être extrêmement limité. De plus, le Sénat souhaite interdire toute identification sur la base de données biométriques en temps réel ou en temps différé par des acteurs privés.

Au total, le rapport préconise trente mesures parmi lesquelles la création d’un tiers de confiance européen, afin d’encourager le développement éthique de technologies de qualité, en France et en Europe. En assurant notre souveraineté technologique, la maîtrise des données des citoyens serait renforcée.

Signalons également que le Comité européen de la protection des données (CEPD) a récemment adopté une ligne directrice pour établir le cadre juridique des technologies de reconnaissance faciale, utilisées par les autorités répressives et judiciaires : prévention, enquêtes, poursuites des infractions pénales et exécution des sanctions. Elle est en consultation publique jusqu’au 27 juin 2022.

Marie Gasnier


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