Police municipale : l’expérimentation prévue par la loi Sécurité globale est contraire à la Constitution

Publié le 27 mai 2021 à 10h03 - par

Expérimentation sur la police municipale, caméras embarquées, drones… : le Conseil constitutionnel censure, en tout ou partie, plus de vingt articles de la loi Sécurité globale adoptée le 15 avril 2021 et promulguée mardi 25 mai.

Police municipale : l'expérimentation prévue par la loi Sécurité globale est contraire à la Constitution

Le 20 mai 2021, le Conseil constitutionnel, saisi par trois groupes de députés et de sénateurs, a déclaré contraires à la Constitution (totalement ou partiellement) plus de vingt mesures de la loi sur la sécurité globale, adoptée le 15 avril après un parcours chaotique. On se souvient du tollé contre l’article 24 (devenu l’article 52) qui prévoit cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende pour « la provocation, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, à l’identification » d’un agent de la police nationale ou municipale, ou d’un gendarme en opération. Pour les députés requérants, une interprétation extensive du texte risquerait de justifier l’interpellation de manifestants et de journalistes, au seul motif qu’ils filment les forces de police lors de manifestations. À partir de raisons similaires, les sénateurs y voient une atteinte à la liberté d’expression. Pour sa part, le Conseil constitutionnel a considéré que le législateur n’avait pas suffisamment défini les éléments constitutifs de l’infraction et a censuré l’article.

Tout comme il a déclaré anticonstitutionnelle l’expérimentation de nouvelles prérogatives judiciaires conférées aux polices municipales (article 1er). Cette expérience, qui devait concerner des communes employant au moins quinze policiers municipaux ou gardes champêtres, choisies par les ministères de l’Intérieur et de la Justice, n’aura donc pas lieu. Elle aurait concerné certains délits (vente à la sauvette, conduite sans permis, dangereuse, ou sans assurance, usage illicite de stupéfiants, destruction ou dégradation grave du bien d’autrui…) que les policiers municipaux et gardes champêtres auraient pu constater par différents moyens : relever l’identité des auteurs, demander des informations issues du fichier des véhicules assurés, voire saisir les objets ayant servi à la commission de l’infraction…

Pour le juge suprême, « en confiant des pouvoirs aussi étendus aux agents de police municipale et gardes champêtres, sans les mettre à disposition d’officiers de police judiciaire ou de personnes présentant des garanties équivalentes, le législateur a méconnu l’article 66 de la Constitution », selon lequel la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire. Exigence qui ne serait pas respectée si des pouvoirs généraux d’enquête criminelle ou délictuelle étaient confiés à des agents relevant des autorités communales, sans être mis à la disposition d’officiers de police judiciaire ou de personnes présentant des garanties équivalentes.

Or, pour l’exercice de leurs compétences de police judiciaire, les agents de police municipale et les gardes champêtres sont placés en permanence sous l’autorité du directeur ou du chef de service de police municipale, qui sont eux placés sous la direction du procureur de la République. Mais, il n’y a pas de contrôle direct et effectif du procureur de la République sur les directeurs et les chefs de service de police municipale : le procureur ne peut pas leur adresser d’instructions, et ceux-ci n’ont pas à le tenir informé sans délai des infractions dont ils ont connaissance. En outre, même s’ils suivent une formation et doivent satisfaire à un examen technique, ils ne présentent pas des garanties équivalentes à celles exigées pour avoir la qualité d’officier de police judiciaire.

Les dispositions du paragraphe I de l’article 47 de la loi, qui visent l’utilisation de caméras embarquées sur des drones par les services de l’État et par la police municipale aux fins d’assurer l’exécution de tout arrêté de police du maire, méconnaissent le droit au respect de la vie privée. En effet, étant données leur mobilité et la hauteur à laquelle ils peuvent évoluer, ils sont « susceptibles de capter, en tout lieu et sans que leur présence soit détectée, des images d’un nombre très important de personnes et de suivre leurs déplacements dans un vaste périmètre ». Et, le cas échéant, sans les en informer. Or, de tels systèmes de surveillance, estime le Conseil constitutionnel, doivent être assortis de garanties particulières afin de sauvegarder le droit au respect de la vie privée.

Le Conseil constitutionnel a également censuré l’utilisation des caméras embarquées par les forces de sécurité intérieure (article 48), le législateur n’ayant pas prévu de garanties suffisantes : durée d’utilisation, périmètre et régime d’autorisation.

En revanche, l’utilisation de caméras individuelles par les agents de la police nationale ou municipale et les gendarmes (article 45) a été jugée conforme à la Constitution. Le Conseil précise notamment que le législateur « a procédé à une conciliation équilibrée entre, d’une part, les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, le droit au respect de la vie privée ».

La commission des lois du Sénat qui a « pris acte » de la décision, y voit « un durcissement net de la position du Conseil constitutionnel et une accentuation des exigences pesant sur les forces de sécurité intérieure et sur la police municipale ». En censurant l’article premier parce que les policiers municipaux ne seraient pas mis à la disposition d’officiers de police judiciaire, le Conseil « accentue les exigences qu’il avait posées antérieurement », puisqu’il exigeait uniquement le contrôle du procureur de la République, précise la commission des lois.

Marie Gasnier

Texte de référence : Loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés


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