Faire avancer les grands projets urbains en parlant le même langage

Publié le 5 janvier 2021 à 9h05 - par

La Fabrique de la cité publie un guide, réalisé avec de nombreux experts, qui redéfinit les termes liés aux grands projets urbains, en les replaçant dans leur contexte historique, sociologique, démocratique…

Faire avancer les grands projets urbains en parlant le même langage

Collectivités, État, citoyens, experts, urbanistes, ingénieurs ont besoin d’un langage commun, dont ils partagent la signification, pour faire aboutir ensemble les projets et éviter des blocages dus à un manque de compréhension mutuelle. La Fabrique de la cité*, qui a planché sur les liens entre grands projets urbains et démocratie, et auditionné de nombreux experts, a publié en décembre 2020 « Grands projets et démocratie : un guide pour l’action ». Présentant une quarantaine de termes et des exemples de projets célèbres, cet ouvrage aidera les collectivités à cadrer leur réflexion. Quelques exemples.

Aménagement du territoire

« Autrefois pensé exclusivement à Paris, l’aménagement s’est atomisé ». Dès les années 80 (lois de décentralisation), l’État s’en est désengagé à mesure qu’il transférait des compétences aux collectivités. L’Union européenne joue un rôle de plus en plus affirmé dans l’aménagement, avec le Fonds européen de développement régional (Feder) et le schéma de développement de l’espace communautaire. Les choix des entreprises (implantation, investissements immobiliers) impactent l’emploi, la forme urbaine, l’attractivité et la vitalité des territoires. Quant à l’individu et à la société civile, ils interviennent sur l’aménagement en contestant de grands projets (ce qui peut conduire à leur abandon) et en contribuant aux débats. Acteur premier de l’aménagement du territoire, l’État exerce désormais ses prérogatives « dans le cadre d’un système d’acteurs et de rapports de force complexe et instable ». Et si l’aménagement du territoire semble avoir disparu dans son acception historique, subsiste l’idée que l’espace de la société doit faire l’objet d’une politique publique globale.

Cette politique d’aménagement doit répondre à de nouveaux défis, liés à l’urgence climatique, la métropolisation et la transition démographique : fractures territoriale et numérique, transport de marchandises, étalement urbain, artificialisation des sols… Une telle évolution sera possible à deux conditions : si l’État recouvre, en matière d’aménagement du territoire, la fonction de stratège qu’il avait autrefois, selon une nouvelle approche incluant l’ensemble des acteurs qui contribuent à façonner le territoire ; et s’il collabore avec les collectivités et l’UE, mais aussi les entreprises, citoyens, associations… « L’heure est ainsi à l’invention d’un nouvel aménagement du territoire, orchestré par un État stratège à recréer. »

Géopolitique

La contestation des grands projets d’infrastructure ou d’aménagement urbain traduit la rencontre entre un projet (et ses caractéristiques techniques) et un territoire avec son contexte politique, économique, sociologique, culturel et historique. Un même projet – usine chimique, ferme éolienne, autoroute… – peut engendrer un conflit ou être accueilli ailleurs avec enthousiasme. Il s’agit en effet de conflit d’usage : tension entre les utilisations divergentes que plusieurs parties entendent faire d’un territoire donné. Un indice « risque-projet » aiderait à apprécier les risques associés à un projet, en fonction de divers critères : sociologiques (résidents secondaires, 
nouveaux habitants, présence de CSP+…), caractéristiques du territoire (situation économique, démographie, secteurs d’activité…), historiques, mais aussi inimitiés, alliances et rapports de force entre élus, collectivités, acteurs économiques, associations…

Internet

Internet permet d’interroger, à faible coût, un très grand nombre de personnes, parfois dispersées sur de vastes territoires : consultations ponctuelles d’aménagement et urbanisme, pétitions, budgets participatifs, enquêtes… Pourtant, « la révolution de la démocratie numérique n’a pas eu lieu ». Comme pour la démocratie participative classique, on déplore une représentativité insuffisante. Ainsi, en dépit de leur familiarité avec le digital, les plus jeunes ne sont pas habitués à se prononcer sur des projets de collectivités. « Derrière l’horizon démocratique du « tout-participatif » se reproduisent des inégalités. »

Pour atteindre ces publics, de nombreuses collectivités doublent l’utilisation du numérique par des démarches physiques ciblées, en présentant la synthèse des consultations dématérialisées lors de réunions, par exemple. En outre, les participants estiment souvent que leur contribution aura un impact limité sur les décisions et projets finaux. Il convient donc de définir très précisément au préalable l’objectif de la contribution citoyenne, ce qui en est attendu et l’usage qui en sera fait.

Martine Courgnaud – Del Ry

* Think tank dédié à la prospective urbaine, fondé en 2010 par le groupe Vinci

Aménagement du territoire, bulles informationnelles, compensations écologiques, croissance verte, Covid-19, démocratie participative, finance verte, géopolitique, gilets jaunes, intérêt général, internet, résilience des infrastructures, transitions démographique, urbaine et écologique… : 37 termes, étudiés par des experts, dont la connaissance partagée ferait avancer les projets urbains.


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