Analyse des spécialistes / Urbanisme

La construction d’antennes-relais relève-t-elle du permis de construire ou de la déclaration préalable ?

Publié le 23 avril 2024 à 10h40 - par

Le Conseil d’État vient d’apporter des précisions à cette question dans son avis n° 490536 du 21 mars 2024. Le point avec Donatien de Bailliencourt, Avocat Associé, HMS Avocats.

La construction d'antennes-relais relève-t-elle du permis de construire ou de la déclaration préalable ?
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Alors que la pression s’accentue sur les pouvoirs publics et sur les opérateurs de téléphonie mobile pour que l’ensemble du territoire bénéficie d’une couverture numérique suffisante et de qualité et que des zones rurales ne soient pas laissées pour compte1, le Conseil d’État a rendu, le 21 mars 2024, un avis contentieux précisant les hypothèses dans lesquelles les projets de construction d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile sont soumis à permis de construire ou à déclaration préalable ou échappent à toute autorisation d’urbanisme.

Saisi par le tribunal administratif de Rennes dans le cadre d’un recours contre une décision de non-opposition à déclaration préalable de travaux prise par le maire de Guichen pour l’installation d’une nouvelle station de réseau dans cette commune bretonne, le Conseil d’État a été interrogé sur les deux questions suivantes :

  • eu égard à la rédaction des c et j de l’article R. 421-9 du Code de  l’urbanisme résultant notamment du décret du 10 décembre 2018, les projets de construction d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile comportant la réalisation de locaux ou d’installations techniques qui, nécessaires à leur fonctionnement, ont une surface de plancher et/ou une emprise au sol inférieures à 5 m2, sont-ils désormais soumis à permis de construire ?
  • pour l’application des dispositions du j de l’article R. 421-9 de ce même Code, doit-on ou non tenir compte de l’emprise au sol susceptible d’être également générée par des pylônes supportant les antennes-relais ?

Au préalable, il faut rappeler qu’en principe, toute construction nouvelle, même ne comportant pas de fondations, doit être précédée de la délivrance d’un permis de construire2, sauf si, en raison de ses dimensions, de sa nature ou de sa localisation, elle fait l’objet d’une déclaration préalable3 ou si, en raison notamment de sa très faible importance, elle est dispensée de toute formalité4.

Les hypothèses de soumission à permis de construire ou à déclaration préalable et de dispense de toute autorisation d’urbanisme sont énoncées dans la partie réglementaire du Code de l’urbanisme, aux articles R.* 421-1 et suivants5.

S’agissant plus précisément des antennes-relais de radiotéléphonie mobile, le cadre juridique relatif à l’autorisation d’urbanisme nécessaire pour leur implantation s’est assoupli au cours du temps.

Avant le décret du 10 décembre 2018, la surface de plancher et l’emprise au sol créées ne devaient pas excéder le seuil de 5 m2 pour les projets d’antennes d’une hauteur supérieure à 12 mètres afin de relever de la procédure de déclaration préalable

Avant le décret n° 2018-1123 du 10 décembre 20186 qui est entré en vigueur le 13 décembre 2018, les projets d’installation d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile dont la hauteur était supérieure à douze mètres et qui, comportant la réalisation de locaux ou d’installations techniques nécessaires à leur fonctionnement, entrainaient la création d’une surface de plancher ou d’une emprise au sol supérieure à 5 m2, étaient soumis à permis de construire.

Ce n’était que si la surface de plancher et l’emprise au sol créées étaient inférieures ou égales à 5 m2, que ces projets relevaient de la déclaration préalable en application du c de l’article R. 421-9 du Code de l’urbanisme7.

Le décret du 10 décembre 2018 étend le seuil de la surface de plancher et de l’emprise au sol à 20 m2

Comme le Conseil d’État le précise dans son avis du 21 mars dernier, le décret du 10 décembre 2018 a modifié cet article R. 421-9 en y ajoutant notamment un dernier alinéa j comportant une disposition spécifique aux antennes-relais afin d’étendre la procédure de déclaration préalable aux projets créant une surface de plancher et une emprise au sol supérieures à 5 m2 dans la limite de 20 m2.

Dans sa rédaction résultant de ce décret, l’article R. 421-9 dispose désormais :

« En dehors du périmètre des sites patrimoniaux remarquables, des abords des monuments historiques et des sites classés ou en instance de classement, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d’une déclaration préalable, à l’exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus : (…)

c) Les constructions répondant aux critères cumulatifs suivants :

  • une hauteur au-dessus du sol supérieure à douze mètres ;
  • une emprise au sol inférieure ou égale à cinq mètres carrés ;
  • une surface de plancher inférieure ou égale à cinq mètres carrés.

Toutefois, ces dispositions ne sont applicables ni aux éoliennes, ni aux ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire installés au sol, ni aux antennes-relais de radiotéléphonie mobile ; (…)

j) Les antennes-relais de radiotéléphonie mobile et leurs systèmes d’accroche, quelle que soit leur hauteur, et les locaux ou installations techniques nécessaires à leur fonctionnement dès lors que ces locaux ou installations techniques ont une surface de plancher et une emprise au sol supérieures à 5 m2 et inférieures ou égales à 20 m2 ».

En conséquence, le Conseil d’État estime qu’en application de cet article R. 421-9, la procédure de la déclaration préalable bénéficie désormais aux projets de construction d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile, de leurs systèmes d’accroche et des locaux ou installations techniques nécessaires à leur fonctionnement lorsque :

  • soit, quelle que soit la hauteur de l’antenne, la surface de plancher et l’emprise au sol créées sont supérieures à 5 m2 et inférieures ou égales à 20 m2 ;
  • soit, s’agissant des antennes dont la hauteur est supérieure à 12 mètres, la surface de plancher et l’emprise au sol créées sont inférieures ou égales à 5 m2.

Au-delà de la limite de 20 m2 de surface de plancher ou d’emprise au sol, le permis de construire est requis.

À l’inverse, si les projets comportant des antennes d’une hauteur inférieure ou égale à 12 mètres et entraînant la création d’une surface de plancher et d’une emprise au sol inférieures ou égales à 5 m2, restent dispensés de toute formalité en vertu du a de l’article R.* 421-2 du Code de l’urbanisme8.

Le Conseil d’État achève sa lecture de ces dispositions, en précisant que, pour l’appréciation de ces seuils, seules la surface de plancher et l’emprise au sol des locaux et installations techniques doivent être prises en compte et non l’emprise au sol des pylônes.

Cette analyse de l’article R. 421-9 par le Conseil d’État apporte assurément plus de souplesse pour les opérateurs qui peuvent présenter une déclaration préalable pour leurs projets d’implantation d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile dès lors que la surface de plancher et l’emprise au sol des installations n’excèdent pas le seuil de 20 m2.

En revanche, il n’est pas certain que cet assouplissement soit bien compris, au niveau local, des élus locaux et des riverains qui se plaignent depuis plusieurs années d’une prolifération des antennes-relais, sites et pylônes, dont l’implantation échappe au contrôle des maires, faute de pouvoir s’y opposer au titre de leurs pouvoirs de police administrative générale9.

D’aucuns militent donc pour que les opérateurs soient contraints de mutualiser les infrastructures de radiotéléphonie mobile afin de rationaliser leur implantation et de lutter contre cette multiplication des antennes relais sur certaines parties du territoire.

Une proposition de loi a d’ailleurs été déposée en ce sens à la présidence du Sénat le 20 février 2024. Elle prévoit notamment que les maires puissent engager une procédure contradictoire auprès de l’ARCEP pour contester le choix de l’opérateur de ne pas recourir à une solution de mutualisation.

L’assouplissement du cadre juridique applicable aux antennes-relais de radiotéléphonie mobile par rapport aux autorisations d’urbanisme requises, tel qu’il résulte de l’avis du Conseil d’État du 21 mars 2024, connaitra-t-il un mouvement de balancier inverse initié par le législateur ? Les prochains mois le préciseront. Ce qui est sûr, c’est qu’en matière de radiotéléphonie mobile, il est difficile de rester sur la même longueur d’onde juridique.

Donatien de Bailliencourt, Avocat Associé, HMS Avocats


1. V. Rép. Min. publiée le 14 mars 2024 à une question parlementaire n° 09346 publiée au JO Sénat du 7 décembre 2023 (p. 6 736).

2. Article L. 421-1 du Code de l’urbanisme.

3. Article L. 421-4 du Code de l’urbanisme.

4. Article L. 421-5 du Code de l’urbanisme.

5. Article R.* 421-1 du Code de l’urbanisme : « Les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire, à l’exception : a) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-2 à R. 421-8-2 qui sont dispensées de toute formalité au titre du Code de l’urbanisme ; b) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-9 à R. 421-12 qui doivent faire l’objet d’une déclaration préalable ».

6. Décret n° 2018-1123 du 10 décembre 2018 relatif à l’extension du régime de la déclaration préalable aux projets d’installation d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile et à leurs locaux ou installations techniques au titre du Code de l’urbanisme.

7. Article R. 421-9 du Code de l’urbanisme en vigueur avant le décret n° 2018-1123 du 10 décembre 2018 : « En dehors du périmètre des sites patrimoniaux remarquables, des abords des monuments historiques et des sites classés ou en instance de classement, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d’une déclaration préalable, à l’exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus : (…)
c) Les constructions répondant aux critères cumulatifs suivants :
– une hauteur au-dessus du sol supérieure à douze mètres ;
– une emprise au sol inférieure ou égale à cinq mètres carrés ;
– une surface de plancher inférieure ou égale à cinq mètres carrés.
Toutefois, ces dispositions ne sont applicables ni aux éoliennes, ni aux ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire installés au sol ; ».

8. Article R.* 421-2 du Code de l’urbanisme : « Sont dispensées de toute formalité au titre du présent Code, en raison de leur nature ou de leur très faible importance, sauf lorsqu’ils sont implantés dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, dans les abords des monuments historiques ou dans un site classé ou en instance de classement :
a) Les constructions nouvelles répondant aux critères cumulatifs suivants :
– une hauteur au-dessus du sol inférieure ou égale à douze mètres ;
– une emprise au sol inférieure ou égale à cinq mètres carrés ;
– une surface de plancher inférieure ou égale à cinq mètres carrés ; (…) ».

9. V. Rép. Min. publiée le 14 septembre 2023 à une question parlementaire n° 07021 publiée au JO Sénat du 1er juin 2023 (p. 3 454).

Auteur :

Donatien de Bailliencourt

Donatien de Bailliencourt

Avocat Associé, HMS Avocats


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