Achat de papier : révisez les prix tous les six mois

Publié le 18 août 2010 à 0h00 - par

Le prix du papier A4 fluctue en fonction des cours des matières premières, de l’offre et de la demande mondiales. La clause de révision des prix est à soigner alors que les prix du papier s’envolent. Enquête sur le marché.

Achat de papier : révisez les prix tous les six mois

« Le prix de la pâte à papier a augmenté de 55 % après le tremblement de terre au Chili qui a anéanti 8 % des réserves de pâte à papier. C’est la première fois que je vis cela en 30 ans de métier », affirme Stéphane Mangnez, gérant de la société de distribution de papier Ramset, qui écoule 2 000 tonnes de papiers par an. Le papier est un produit lié au cours de la matière première, à l’offre et à la demande. « Il se fabrique de deux façons différentes. Les papetiers proches des massifs extraient à partir des déchets de scierie, la fibre de bois pour faire du papier. Les autres achètent des balles de papier séché dans le monde entier », explique Jean-Paul Franiatte, délégué général du groupement impression et écriture. Ces derniers mois, plusieurs événements ont influé sur les prix, notamment : un hiver très rigoureux, le tremblement de terre au Chili, la grève des dockers finlandais en mars 2010 puis des travailleurs papetiers suédois. « Le 1er avril, les distributeurs achetaient aux usines 20 tonnes de papiers à 2,20 euros la tonne, le 1er juin, elle devrait coûter 2,40 euros. La ramette a pris entre 5 et 10 % le 1er avril selon les papiers et peut en prendre autant le 1er juin », poursuit Stéphane Mangnez. En mai, le prix de la ramette A4 se vendait au consommateur entre 2,20 et 2,60 euros hors taxe, coûts d’approvisionnements non inclus. Une répercussion que l’indice de prix Insee ne reflète pas. « Cela fait trois mois que les prix ont augmenté et l’indice Insee reflète seulement maintenant et timidement la hausse existante. Les indices de la presse professionnelle sont plus réactifs », affirme Gil Souhait, responsable des marchés publics chez Papyrus France. « Tous conseillent l’utilisation des indices de la presse professionnelle pour la révision des prix, avec une préférence pour l’évolution des prix de la lettre professionnelle Pap’Argus. » Une lettre qui propose d’ailleurs l’évolution des prix des papiers recyclés, à indiquer dans son cahier des charges, alors que l’Insee ne propose pas cette donnée.

La révision semestrielle des prix, un choix judicieux

Une révision des prix qui interviendra tous les six mois pour coller à la réalité du marché. Gil Souhait explique : « Définir un prix pour un marché d’un an renouvelable avec un prix annuel peut être dangereux. En ce moment, les prix augmentent fortement. Je l’intègre dans mon offre. Si je sous-estime les hausses, je remets une offre “canon” qui l’est pendant un an, mais si les prix augmentent de nouveau, je vends à perte. Je dois demander à la collectivité de dénoncer le marché. Certains fournisseurs menacent de ne pas livrer pour obtenir la fin du contrat. Dans ces conditions, l’approvisionnement de la collectivité ne sera pas serein. Si en revanche, je fais une offre prudente dans un contexte d’augmentation des prix, la collectivité risque de payer pendant un an un papier beaucoup plus cher que ce qu’il ne coûte en réalité. C’est pourquoi une révision des prix semestrielle me semble pertinente. » Autre solution pour le responsable : l’intégration d’un tunnel de variation de prix. Les prix sont fermes tant qu’ils ne dépassent pas tel montant. Il est également possible d’indexer les prix sur les barèmes fournisseurs avec une clause de sauvegarde.

Pour choisir son papier, les mots-clefs sont : le grammage, la blancheur du papier* et le type de fibres souhaité. « La blancheur va permettre d’homogénéiser les réponses, ce qui n’est pas le cas de la main, c’est-à-dire, en termes de qualité des produits, la tenue du papier, l’opacité, et la rigidité. Certaines collectivités nous mettent comme descriptif : papier de belle blancheur et de bonne qualité… Or certains vont considérer que du standard est une bonne qualité », raconte Franck Danglot qui exhorte, par ailleurs, les acheteurs à éviter d’utiliser des valeurs techniques qu’ils ne savent pas interpréter, comme la rugosité ou le lissé du papier : « Un papier plus rugueux n’est pas forcément de mauvaise qualité ». Pour les papiers de fibres vierges, les indices de blancheur à demander sont les suivants : « En entrée de gamme nous sommes sur des indices compris entre 145 et 150 Cie, pour du papier très blanc, 160 et 161 Cie, pour du papier extra blanc type Clairefontaine, entre 168 et 172 Cie », affirme Stéphane Mangnez.

Attention, le niveau de blancheur est différent quand il s’agit de papier recyclé. « Parfois, on nous demande du 100 % recyclé non désencré avec des valeurs de blancheurs inatteignables », raconte le responsable d’Inapa.

Bien connaître tous les types de papier recyclé

Des papiers recyclés qui sont aujourd’hui monnaie courante dans l’industrie du papier, même si mal connus : « Les acheteurs connaissent mal l’offre car ils ne reçoivent pas assez les fournisseurs. Ce défaut d’information est criant sur certaines offres », poursuit Franck Danglot. Il existe trois types de papiers recyclés. Le papier recyclé non « désencré » qui est gris, le papier recyclé blanchi qui ressemble au papier standard avec un niveau de blancheur très correct mais jamais extra blanc et le papier hybride qui comprend un mélange de papiers recyclés et de fibres vierges. On trouve aujourd’hui des papiers hybrides contenant jusqu’à 80 % de fibres recyclées. L’acheteur pourra indiquer le pourcentage de fibres recyclées qu’il souhaite dans son papier (10 à 100 %). « Fibre recyclées ou vierges : c’est aujourd’hui un choix d’image », estime Philippe Ritzenthaler, directeur des opérations Sites industriels du Centre technique du papier (CTP). Un papier recyclé dont le prix est aujourd’hui estimé jusqu’à 20 % plus cher que le papier standard. Pour le recyclé non désencré, les niveaux de blancheur sont les suivants : un Cie inférieur à 100, et le papier est gris. Pour le recyclé, on peut demander de 145 à 160 Cie. Les hybrides vont de 140-150 à 165 Cie. Souvent, l’indice de blancheur se paie en euros, précisent les entrepreneurs.

Autre élément très important à indiquer dans le cahier des charges : le grammage du papier. « Nous avons demandé des papiers A4 de 100 g pour les impressions couleurs et de 80 grammes pour les noirs et blancs en 160 Cie. Le marché porte sur 30 000 ramettes », affirme un spécialiste qualité d’une Communauté urbaine du sud-ouest. Un grammage qu’il sera bon de vérifier. « Papier de 80 g » est le poids pour 1 m2 de papier, soit 16 feuilles A4. En général, le papier standard de bureau se situe entre 80 et 100 grammes, avec ces dernières années l’arrivée de papiers de 75 grammes. « Pour moi, le 75 grammes est un abus, il est une façon de se mettre en avant quand on n’a rien d’autre pour justifier de la préservation de l’environnement. Souvent, ce sont des produits sans écolabels, faits avec des bois non issus de forêts gérées durablement », poursuit Gil Souhait.

La fiche technique Usine pour vérifier le grammage

Pour s’assurer que les papiers sont bien ceux commandés, on demandera aux entreprises de fournir la fiche technique avec le nom de l’usine et de son papier. Un bon moyen de se prémunir des abus en tout genre : « Parfois les fiches techniques sont fausses avec une surcote de la blancheur, il faut demander en plus de la fiche technique, le moyen de vérifier les informations données, et utiliser le net pour s’en assurer », conseille le responsable de chez Papyrus. Autre demande à notifier dans son cahier des charges : le test sur échantillons. Il sera effectué avec les services informatiques et moyens généraux, surtout dans le cas où l’on souhaite changer de type de papier. « Quand on veut changer pour du recyclé il faut convaincre les gens en interne. L’accord de ces services est indispensable », explique Olivier fauconnier, responsable ministériel des achats du ministère de la Culture et de la Communication. Un test qui permet de s’assurer de la compatibilité entre le papier et les imprimantes : « Certains papiers se rétractent quand l’encre cuit sur le papier. Des papiers de 80 grammes ne passaient pas dans les gros copieurs », raconte le spécialiste de la communauté urbaine.

Bien sûr, les besoins seront prévus en amont, notamment afin d’éviter les délais courts de livraison. « En passant un marché rapidement, la collectivité va être soumise plus fortement au cycle du papier. En plus, on sait que dans le cas où les distributeurs ne disposent pas des stocks suffisants pour répondre à la demande, certains font appel au marché instantané dit “Spot”. En résumé, un bateau chargé de pâte à papier sans origine définie est contacté par un négociant qui lui dit où livrer. L’acheteur n’a alors pas de visibilité sur la provenance du papier », poursuit l’acheteur spécialiste de l’achat durable.

Prévoir la logistique

Autre élément important à prendre en compte et trop souvent minoré : le poids de la logistique. « C’est le second poste de dépense après les salaires », affirme Stéphane Mangnez. Aussi, l’acheteur doit se préoccuper des questions de réception du papier : Y a-t-il un transpalette et un quai de livraison ou doit-on monter les ramettes dans les services ? « Cet aspect est souvent mal apprécié. Or le papier est un produit lourd », explique Gil Souhait. Une logistique qui influe fortement sur le prix des offres des entreprises. L’amortissement du coût du transport sur une demi-palette de 250 kilos (200 ramettes) ou 10 palettes n’est pas le même. S’il y a cinq points de dépose, un ripper est à prévoir, ce n’est pas le même coût non plus. Stéphane Mangnez estime qu’il faut compter 15 à 20 euros pour livrer sur Bordeaux, situé à quelques kilomètres de son entreprise. À moins d’une palette, les entreprises qui organisent les livraisons à partir de l’usine doivent prévoir une opération de manipulation pour préparer la commande. Leur conseil : commander par palettes (200 ou 240 ramettes) d’un coup. « Et puis cela nous fait nous déplacer 10 fois au lieu de 50, et c’est mieux pour l’environnement », raconte Franck Danglot.

Achetez écoresponsable !

Car la production de papier n’est pas sans effet sur l’environnement. Tout le monde a entendu parler de la déforestation en Asie. En Europe, au contraire, la production de papier est salvatrice pour la forêt car elle l’entretient. Le transport du papier émet des gaz à effet de serre. On peut noter également que la production de papier nécessite l’utilisation de substances toxiques notamment pour blanchir le papier. Aussi est-il préférable de demander, si possible, du papier réduisant les impacts environnementaux. Surtout que sa production augmente tous les ans. En 2007, la production mondiale s’élevait à 394 260 milliers de tonnes contre 382 618 en 2006. « Trois possibilités s’offrent à l’acheteur dans ce domaine. Acheter du papier labellisé ou fabriqué à partir de forêts gérées durablement ou du papier recyclé. Les trois données sont compatibles », affirme un acheteur spécialisé dans le domaine du développement durable. Les écolabels officiels sont accordés à une entreprisse si leur produit est reconnu conforme. En Europe, ils sont trois : l’écolabel européen représenté par une fleur pour les papiers à copier et le papier graphique, l’écolabel nordique (Cygne blanc) pour le papier d’impression et l’écolabel allemand (l’ange bleu) pour le papier 100 % recyclé. « Ils doivent être présents sur la macule du papier », indique Gil Souhait. Deux étiquetages apportent une garantie dans la gestion durable des forêts : les systèmes de certification FSC (Forest Stewardship Council) et PEFC (Program for the Endorsement of Forest Certification Schemes). Ils attestent du respect d’exigences au niveau des exploitations forestières et mettent en place des dispositifs de traçabilité (chaînes de contrôle). Leurs marques sont apposées sur les produits transformés comme le papier.

En plus de ces labels et certifications, l’acheteur pourra demander la certification de la chaîne de contrôle de l’entreprise choisie. À côté de ces labels, existent des autodéclarations environnementales. Faites sous la seule responsabilité des entreprises, on trouve ici un peu de tout.

Pour encadrer ces autodéclarations environnementales, l’ISO a publié la norme 14021. Il est donc conseillé d’y faire référence, notamment en cas de commande de papier recyclé, comme le propose le Guide de l’achat public écoresponsable du GEM « Développement durable, Environnement ». Cette norme d’application volontaire rappelle les principes généraux de pertinence, de sincérité à respecter. Elle définit le vocabulaire, indique une douzaine de caractéristiques environnementales à appliquer. L’étiquetage ISO TR 14025, lui, met à disposition des données quantitatives sur les impacts environnementaux des produits. Autre signe à connaître, la « boucle de Moebius ». Elle doit être accompagnée d’un pourcentage pour avoir un intérêt, à savoir indiquer que le produit est fabriqué à partir de matériaux recyclés. Sinon, elle signifie que le produit vendu est recyclable. « Attention au marketing et aux produits écoefficients, par exemple, cela ne veut rien dire ! », avertit Gil Souhait. Autre « attrape-nigaud » : l’ISO 14 001, « qui est un certificat d’usine et non de produit », conclut l’acheteur d’État.

* C’est-à-dire la quantité de lumière qu’un papier est capable de renvoyer en tenant compte du spectre visible par l’œil humain. L’unité courante est appelée Cie Lab, CIE pour commission Internationale de l’éclairage.

Témoignage de Stéphane Mangnez, gérant de la société Ramset

« Achetez du moyen et du haut de gamme pour le moment »

« Le marché du papier a vu ses prix fortement augmenter ces derniers mois. La hausse du prix devrait être forte sur le papier des entrées de gamme mais pas sur le moyen et haut de gamme, où les marges étaient plus importantes. Il est conseillé d’acheter ces types de papiers en ce moment. Dans un premier temps, l’acheteur doit bien cerner ses besoins et usages afin de définir la qualité de papier qu’il souhaite. Par exemple, pour imprimer des cartes pour les aviateurs, vous ne prendrez pas du papier 100 % recyclé qui n’est pas blanc et constellé de points. En revanche, vous pourrez choisir un papier partiellement recyclé et blanchi. Il n’est pas forcément plus cher. Pour définir la qualité du papier, certains acheteurs nous demandent des papiers de qualité A, B ou C. Il faut savoir que ce répertoire n’existe nulle part. Il n’est alors pas sans difficulté de répondre à la demande. Les critères de sélection du papier sont le grammage et la blancheur. Autre élément éventuellement à prendre en compte : la tenue du papier, le lissé, qui peut être important pour les copies couleurs. Dans tous les cas, les acheteurs demanderont la fiche technique du papier. »

L’avis de Franck Danglot, directeur des opérations commerciales et des marchés publics chez le distributeur de papier Inapa

« Ne surpondérez pas le prix »

« Pour que les fournisseurs puissent vous proposer un bon rapport qualité-prix et des produits de bonne qualité, il est préférable de ne pas surpondérer le prix. Pour moi, il doit être équivalent à la qualité. Autres critères de sélection : le délai de livraison et la largeur de la gamme. Concernant les labels, n’oubliez pas que plus le niveau de gamme diminue, plus l’offre de produits labellisés diminue aussi. Si vous souhaitez commander du papier brouillon, sachez que le papier de 60 grammes en format A4 utilisé pour les examens n’existe plus sauf en Offset, ce qui suppose qu’il faut le couper et cela coûte cher. Si vous souhaitez vous lancer dans du papier 100 % recyclé, sachez qu’ils ont énormément progressé sur les 15 dernières années en terme de machinabilité (passage dans le copieur). Ils n’occasionnent plus de bourrage dans les copieurs comme par le passé. En revanche, n’oubliez pas que le papier est soumis à d’importantes fluctuations des prix. Les prix fermes sur une année sont, dans notre secteur, malvenus. En situation stable, nous avons une visibilité maximale à six mois. En ce moment, nous n’en avons aucune. »

Quelles techniques pour acheter du papier écoresponsable ?

La technique d’achat à adopter dépend de l’expérience de l’acheteur. L’accord-cadre passé pour la fourniture de papier aux différents ministères a été porté par l’UGAP qui en a fait une de ses prestations de base. Pour ceux qui ne connaissent pas le marché du papier, passer par l’UGAP est l’assurance d’obtenir du papier écoresponsable. Si vous souhaitez rédiger votre marché et que vous ne savez pas vous y prendre, il suffit de valoriser l’aspect écoresponsable dans le cahier des charges en demandant du papier recyclé à 50 %. « On attribuera des points supplémentaires pour le recyclé à 60 %, 70 %, ou 90 % », conseille un acheteur. Dans le cas où on souhaite sophistiquer son marché, on peut demander les écolabels ou équivalents, ou du recyclé (avec le pourcentage) ou du papier issu de forêts gérées durablement (FSC et PEFC). Les critères seront de 40 % pour le prix, 30 % pour la valeur technique et 30 % pour le développement durable pour les plus convaincus ou de 60 % pour le prix et 40 % pour la valeur technique pour les autres. La valeur technique comprendra les sous-critères blancheur, grammage et délais de livraison.


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