Statut de l’élu local : la réforme votée par les députés prévoit une hausse dégressive des indemnités

Publié le 15 juillet 2025 à 9h00 - par

L’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité, le 10 juillet, en première lecture, la proposition de loi améliorant le statut de l’élu. Elle prévoit une série de mesures pour renforcer les droits, la protection et les conditions d’exercice des mandats locaux : indemnités revalorisées (dégressivité de + 10 % à + 4 % jusqu’à la strate de 20 000 habitants), simplification de l’exercice du mandat, reconnaissance des élus étudiants, des élus en situation de handicap, fin des conflits d’intérêts public-public… L’objectif d’une adoption du texte avant les municipales de mars 2026 reste atteignable avec un retour au Sénat, prévu en septembre, puis dans la foulée à l’Assemblée.

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En moyenne, un maire démissionne chaque jour depuis 2020. Face à contexte, la très attendue proposition de loi « visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l’exercice du mandat d’élu local », a été adoptée à l’unanimité (132 voix pour et 36 abstentions) par l’Assemblée nationale, le 10 juillet, dernier jour de la session extraordinaire. L’examen de ce texte d’origine sénatoriale, voté par la Haute assemblée en mars 2024, avait été reporté à plusieurs reprises, principalement pour cause d’encombrement parlementaire.
Améliorant les conditions d’exercice du mandat d’élu local, le texte vise aussi à favoriser l’engagement local, avec donc une application dès le prochain scrutin municipal. Mais il ne s’agit que d’une adoption en première lecture. La proposition de loi revient donc au Sénat à la rentrée avec un examen prévu en séance publique du 23 au 25 septembre, puis rapidement à l’Assemblée, le gouvernement souhaitant un vote définitif pour le congrès des maires de novembre.

Lever les freins à l’engagement

Stéphane Delautrette, président de la délégation aux collectivités de l’Assemblée et co-rapporteur du texte, évoque « une première étape indispensable à moins d’un an des municipales pour permettre une plus grande représentativité dans nos conseils municipaux, en levant les freins à l’engagement que rencontrent notamment les étudiants, les femmes, les personnes en situation de handicap ou encore les salariés ». Parmi les réactions, l’Association des maires ruraux de France (AMRF) salue ce vote qui marque « une étape importante pour favoriser la participation et le déclenchement de l’engagement nécessaire au renouvellement des 35 000 conseils municipaux prévu en mars 2026 ».
Voix dissonante, Solène Le Monnier, présidente de l’Union nationale des élus locaux (UNEL) juge le texte « déséquilibré » car « 380 000 conseillers municipaux, élus au suffrage universel, y sont presque absents alors qu’ils incarnent la démocratie locale au quotidien ».

Revalorisation dégressive des indemnités

Parmi les débats les plus tendus a figuré la revalorisation des indemnités des maires et des adjoints. La version sénatoriale d’une augmentation uniforme de 10 %, dans toutes les communes, au coût plus élevé (66 millions d’euros), n’a pas été retenue. Un compromis a réussi à être trouvé avec le vote de l’amendement des deux rapporteurs du texte : une augmentation dégressive, et cela seulement pour les communes de moins de 20 000 habitants. Dans le détail, la revalorisation s’élève à 10 % pour les communes de moins de 1 000 habitants, à 8 % pour celles entre 1 000 et 3 500 habitants, à 6 % pour celles entre 3 500 et 10 000 habitants et, enfin, à 4 % pour celles entre 10 000 et 20 000 habitants. Coût global estimé : 53,7 millions d’euros.
François Rebsamen a souligné que pour les maires des petites communes, « l’augmentation des indemnités sera d’un montant de l’ordre de 60 euros », en estimant que « la République mérite au moins cela, c’est le moins qu’on puisse dire ». Pour sa part, Françoise Gatel, ministre chargée de la Ruralité, auteure de la proposition de loi sénatoriale adoptée en mars 2024, a affirmé que « la démocratie n’a pas de prix ; elle a un coût, raisonnable et responsable. Nous n’avons accordé aucun privilège aux élus locaux ».

Meilleur calcul de la retraite

Par ailleurs, le texte revalorise de deux points d’indice tous les maires (soit 82,20 euros) avec l’objectif de réduire l’écart indemnitaire tout en permettant une revalorisation dégressive de 7,8 % pour les plus petites communes à 1,38 % pour les plus grandes. Concernant le plafonnement des indemnités des élus locaux (et pas juste des élus municipaux), il prend en compte l’ensemble des fonctions liées au mandat.
Parmi les autres mesures, et malgré l’opposition du gouvernement, les députés ont amélioré le calcul en matière de retraite, avec une majoration de durée d’assurance d’un trimestre par mandat local effectué, dans la limite de huit trimestres. Devant être précisée par décret, cette mesure a été dénoncée par la ministre chargée du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, qui la juge « exorbitante du droit commun car elle rompt le lien fondamental entre droit et cotisation ». Elle la chiffre à 45 millions d’euros par an pour le système de retraites. Pas sûr que cette mesure survive jusqu’à la fin de la discussion parlementaire.

Favoriser l’engagement local

Selon le gouvernement, « la loi permettra à davantage de citoyens de s’engager dans la vie publique locale, quels que soient leur âge, leur situation professionnelle ou leur parcours de vie. C’est une nécessité démocratique pour tous ceux qui servent ou souhaitent servir ».
Parmi les mesures favorisant cet engagement local, la durée du congé électif pour les salariés candidats aux élections locales passera de 10 à 15 jours.
Le texte reconnaît également un statut spécifique pour les élus étudiants : aménagements spécifiques dans l’organisation et le déroulement de la scolarité, prise en charge des frais de déplacement des étudiants aux seules séances plénières du conseil municipal ainsi qu’aux réunions des assemblées délibérantes, protection des étudiants boursiers (absence de sanction financière au titre de l’assiduité)… Un statut spécifique est également prévu pour les élus en situation de handicap : obligation pour la collectivité de prendre en charge les frais de déplacement, d’accompagnement et d’aide technique, dispense d’avance de frais engagés pour les aides liées à la compensation de leur handicap dans le cadre de l’exercice de leur mandat, création d’un référent à l’inclusion des élus locaux handicapés et à l’accessibilité au sein de chaque préfecture…

Condition d’exercice du mandat

La reconnaissance du statut de l’élu local passera par la création dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT) d’une nouvelle section énonçant les droits et devoirs des élus locaux, reprenant en partie les dispositions de la charte de l’élu local. La solution d’une circulaire n’a pas été retenue car son principe ne relève pas de la loi.
L’exercice du mandat avec la poursuite d’une activité professionnelle est amélioré : recours aux autorisations d’absence facilité et étendu pour les élus municipaux (cérémonies publiques, situations d’urgence ou de crise…), hausse du plafond de remboursement des pertes de revenus subies pour absences légales par les conseillers municipaux ne bénéficiant pas d’indemnités de fonction, abattement fiscal pour les artisans ou commerçants ayant opté pour la location-gérance de leur fonds de commerce afin de se consacrer à leur mandat… Pour rendre plus effectifs les droits à absence, ceux-ci seront intégrés dans le Code du travail pour être mieux connus, opposables et respectés par les employeurs. Ainsi, les autorisations d’absence et des crédits d’heures (temps d’absence des élus) seront intégrés au Code du travail et assimilés à une durée de travail effective pour la détermination du droit aux prestations sociales. De plus, la modification, sans l’accord de l’élu, de la durée et des horaires de travail prévus par le contrat de travail, en raison de ses absences du fait de l’exercice du mandat, sera impossible.

Concilier mandat et vie personnelle

Autre nouveauté, le label « employeur partenaire de la démocratie locale » est créé pour les entreprises et les administrations employant des élus locaux. Lors des demandes de mutations, les administrations d’État devront tenir compte de la qualité d’exécutif local (maire, président de conseil départemental…) de leurs agents. En outre, les possibilités de recours à la visioconférence sont élargies mais en excluant les réunions délibérantes des conseils municipaux et communautaires.
Les élus locaux seront sécurisés en cas de congé maladie, maternité et paternité. Autre mesure : le remboursement des frais de garde pour les parents et d’assistance pour les aidants, dans les communes de moins de 3 500 habitants (moins de 1 000 habitants aujourd’hui). La prise en charge sera assurée par l’État via la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux (DPEL). De plus, le cumul des indemnités journalières et de fonction en cas de poursuite du mandat local durant un arrêt maladie est facilité.
Le texte prévoit aussi des indemnités de transport pour les élus des petites communes.

De 18 à 21 jours de formation

Autre volet : le renforcement des droits à la formation des élus locaux. Leur nombre de jours de congé de formation passe de 18 à 21 jours. Objectif affiché : mieux les accompagner dans l’exercice de leurs responsabilités, en leur offrant des moyens accrus pour se former tout au long de leur mandat. À noter que les dispositions prévoyant que le CNFPT prenne en charge la formation des élus des communes de moins de 3 500 habitants ont été supprimés. Une décision qu’a regretté Stéphane Delautrette, rapporteur du texte, compte tenu de la différence d’offre selon les territoires avec nombre d’associations départementales de maires n’ayant pas l’agrément de formation.
Autre disposition : « une session d’information » sur les fonctions d’élu local est créée durant les six premiers mois du mandat. À noter qu’elle comprendra également une sensibilisation sur les risques psychosociaux et la santé mentale des élus locaux.
Le gouvernement mettra à disposition à titre gratuit et de manière dématérialisée de modules d’informations élémentaires sur les mandats locaux (compétences des collectivités, rôle et missions des élus locaux avec des témoignages d’élus…).

Protection renforcée des élus locaux

Mesure très attendue : l’extension de la protection fonctionnelle à tous les élus locaux victimes de violences, d’outrages ou de menaces, et non plus aux seuls exécutifs locaux (loi du 21 mars 2024).
Une autre « disposition majeure », selon Didier Le Gac, second co-rapporteur du texte, concerne la clarification des conflits d’intérêts public-public, qui représentent une « épée de Damoclès » pour les élus locaux. « Cette mesure était très attendue dans toutes les assemblées car il y avait cette suspicion permanente », a ajouté François Rebsamen.
Parmi les premières réactions, France urbaine a salué une « avancée majeure » qui « clarifie enfin le cadre juridique des conflits d’intérêts dans les collectivités ». Selon l’association, cela permettra de distinguer la situation de l’élu agissant pour son intérêt personnel de celle de l’élu mandaté par l’organe délibérant de la collectivité dans un organisme, quel que soit son statut juridique. Autre satisfaction : l’introduction de deux exceptions, dans le cas où l’élu est rémunéré pour l’exercice de sa représentation au sein de l’organisme et en matière de commande publique. « Dans ces situations, la règle du déport doit demeurer pour garantir la transparence et l’égalité de traitement, en particulier dans la mise en œuvre des procédures de mise en concurrence », estime l’association d’élus. Enfin, elle se félicite que « ces avancées permettent de concentrer la sanction, pénale ou administrative, sur les réels enjeux de prévention des atteintes à la probité »

Accompagner l’après mandat

S’agissant de l’après mandat, le texte contient des dispositions sur la validation des acquis de l’expérience (VAE). Il instaure de même une certification professionnelle adaptée aux compétences développées au cours d’un mandat. Pour mieux accompagner la sortie de mandat, l’allocation différentielle de fin de mandat (ADFM) est élargie à tous les maires et adjoints. Son montant est augmenté et sa durée de versement passe d’un à deux ans. L’ADFM passera ainsi à 100 % de l’ancienne indemnité la première année, puis à 80 % la deuxième année.
Sur le modèle des contrats de sécurisation professionnelle des salariés, France Travail proposera un parcours d’accompagnement personnalisé aux bénéficiaires de l’ADFM. De plus, en direction des élus municipaux privés d’emploi en fin de mandat, une allocation mensuelle forfaitaire est créée. Sous certaines conditions, elle bénéficiera aux élus ayant continué d’exercer une activité professionnelle durant leur mandat et ayant connu des pertes de revenus liés à leurs temps d’absence.

Philippe Pottiée-Sperry


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