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La décharge de fonctions : savoir s’y préparer

Publié le 28 août 2025 à 14h10 - par

« Si vis pacem para bellum » ! Tel aurait pu être également le titre de cet article. Alors que les élections municipales approchent, et si toutes les décharges de fonctions ne s’opèrent pas dans un contexte aussi belliqueux, c’est souvent parce que les agents concernés maîtrisent leurs droits – et leurs obligations – dans cette période. Rappel des principales dispositions qui organisent le régime juridique de la décharge de fonctions.

La décharge de fonctions : savoir s'y préparer
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De quoi parlons-nous ?

Aux termes de l’article L. 544-1 du Code général de la fonction publique (CGFP), « il ne peut être mis fin aux fonctions d’un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel (…) qu’après un délai de 6 mois suivant soit sa nomination dans l’emploi, soit la désignation de l’autorité territoriale ». À ces deux situations, il convient d’en ajouter une troisième : celle dans laquelle la décharge s’opère à la demande de l’intéressé.
S’agissant de la désignation de l’autorité territoriale, point de départ du délai de 6 mois, elle doit s’entendre comme l’élection du maire, et non du conseil municipal.

Quelles garanties procédurales ?

Entretien préalable. Le CGFP prévoit que la fin de fonctions ne peut intervenir qu’après un entretien avec l’autorité territoriale, ainsi qu’après l’information de l’assemblée délibérante et du CNFPT (pour les catégories A) ou du centre de gestion (CDG).
Sur ces garanties, et spécifiquement sur l’entretien préalable, le juge administratif est particulièrement exigeant (TA Melun, 8 déc. 2023, n° 2008425). Ainsi, la tenue de cet entretien constitue une formalité substantielle, entraînant la nullité de la procédure de décharge en cas de non-respect. Tel est le cas lorsque cet entretien n’a jamais eu lieu préalablement à la décision (CAA Versailles, 28 déc. 2017, n° 15VE01902), ou lorsque la convocation ne précisait pas l’objet de l’entretien (CAA Versailles, 15 sept. 2015, n° 15VE01827) ou encore lorsque l’entretien n’a pas été conduit par le maire in persona (TA Montpellier, 14 nov. 2023, n° 2103250). La date de l’entretien devra être obligatoirement visée dans l’arrêté de décharge de fonctions.

Information de l’assemblée. Sur la question de l’information de l’assemblée délibérante, il s’agit également d’une formalité substantielle dans la mesure où elle conditionne la prise d’effet de la décharge de fonctions ; ce qui pose la question de la conciliation entre les différents délais figurant au CGFP.

Comment les délais s’articulent-ils ?

De nombreuses incompréhensions – et donc difficultés – naissent de la confusion entre les délais prévus à l’article L. 544-1 précité.
Il est en effet prévu, d’une part, que la décharge ne peut intervenir qu’après un délai de 6 mois après la nomination de l’agent ou la désignation de l’exécutif, et d’autre part, que la décharge ne prend effet que le premier jour du troisième mois suivant l’information de l’assemblée délibérante.
Certains ont, par exemple, imaginé informer l’assemblée délibérante dès après leur élection, et ainsi faire prendre effet à la décharge de fonctions avant l’expiration du délai de 6 mois.
En réalité, ces deux délais ne s’excluent pas ; ils doivent s’articuler car ils constituent là-aussi une garantie pour l’agent concerné.

Ainsi, pour illustrer : si le maire est élu le 27 mars 2026, la décharge de fonctions ne pourra intervenir que le 28 septembre 2026 (6 mois). L’information de l’assemblée délibérante pourra intervenir le 27 juillet 2026, permettant à la décharge de prendre effet à partir du 1er octobre 2026 (soit le premier jour du troisième mois suivant l’information de l’assemblée délibérante).

La décharge de fonctions : savoir s'y préparer

À noter enfin que le « premier jour du troisième mois » ne signifie pas « trois mois », comme on l’entend aussi fréquemment ! Ainsi, dans l’exemple ci-dessus, le premier jour du troisième mois est le 1er octobre ; s’il s’agissait d’un délai de trois mois, il faudrait se caler sur le 27 octobre.

Qu’est-ce que la perte de confiance ?

La perte de confiance est le motif premier invoqué pour justifier la décharge de fonctions. Pour le dire simplement, l’invocation de la perte de confiance, sans être étayée un minimum, ne saurait justifier la décharge, même si le juge administratif n’exige pas un degré de précision des faits motivant la décharge équivalent à celui exigé dans une procédure disciplinaire. Mais la perte de confiance n’est pas un standard qui permettrait de tout justifier. Ainsi, invoquer « la perte de confiance nécessaire au bon fonctionnement des services municipaux » sans préciser les faits sur lesquels se fonde la décision est censuré par le juge pour insuffisance de motivation (CAA Versailles, 28 déc. 2017, n° 15VE01902 ; TA Cergy-Pontoise, 28 oct. 2024, n° 2107863).
En revanche, la motivation fondée sur l’existence d’un comportement brutal et autoritaire créant un contexte de travail dégradé justifie la décharge (CAA Nantes, 2 février 2021, n° 19NT01764). Il en va de même lorsqu’est constatée la profondeur des divergences entre le directeur général des services (DGS) et de nombreux agents, ainsi que le climat de suspicion sur les méthodes de ce dernier qui ne lui permettait plus d’assurer le relai de la politique de l’exécutif (CAA Lyon, 7 mars 2024, n° 22LY01568).

Plus largement, des relations dégradées entre le DGS et les adjoints, les empêchant d’exercer normalement leurs missions et leurs délégations justifient une décharge de fonctions, et ce même si les qualités professionnelles du DG ne sont pas en cause (CAA Versailles, 15 septembre 2015, n° 14VE01827).

Quels sont les autres motifs justifiant une décharge ?

La décharge de fonctions peut intervenir, on l’a dit, à la demande de l’agent lui-même, hypothèse qui n’appelle pas d’observation particulière.
La décharge peut aussi intervenir en raison de l’état de santé de l’agent occupant l’emploi fonctionnel. Ainsi, la décharge a été admise lorsque le DGS est en congé de longue maladie pour « burn-out » avec épuisement et état dépressif. Le juge a pu estimer que cette indisponibilité pour raisons de santé n’était plus compatible avec l’exercice normal des fonctions (CAA Bordeaux, 16 janvier 2024, n° 22BX01811).

Qu’est-ce que le protocole de l’article L. 544-3 du CGFP ?

Créé par la loi du 6 août 2019, ce dispositif – qui est une faculté – permet d’organiser la période de 6 mois afin de la rendre la plus fluide possible. Ce protocole, qui prend acte du principe de la fin de détachement sur l’emploi fonctionnel, peut notamment porter sur les missions, la gestion du temps de travail, les moyens, la rémunération du fonctionnaire, ses obligations en matière de formation, de recherche d’emploi et la manière dont l’autorité territoriale accompagne et favorise cette recherche de mobilité. Attention toutefois à maintenir un volume d’activité professionnelle suffisant pour justifier de la rémunération maintenue à l’agent, la règle du service fait continuant à s’appliquer.

Quelles sont les suites de la décharge de fonctions ?

Ces suites sont prévues et organisées par le décret n° 88-614 du 6 mai 1988. Il peut s’agir :

  1. d’un reclassement dans les services de la collectivité,
  2. d’une prise en charge immédiate par le CNFPT ou le CDG,
  3. du versement d’une indemnité de licenciement,
  4. de l’attribution d’un congé spécial. Sur le congé spécial, il faut rappeler que celui-ci est de droit en cas de décharge de fonctions si trois conditions sont réunies : compter au moins 20 ans de service valable pour la retraite ; être à moins de 5 ans de l’âge d’ouverture des droits à la retraite ; occuper son emploi depuis 2 ans au moins (Décret n° 88-614, art. 6).

Samuel Dyens, Avocat associé, Cabinet Goutal, Alibert & Associés (GAA – LDA)

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