Fin 2025, plus de la moitié des départements de France seront dans une situation financière critique, pris en tenailles entre l’envolée de leurs dépenses sociales, les dépenses nouvelles imposées par l’État, et la chute de leurs recettes issues notamment des transactions immobilières.
« Cela fait bientôt trois ans que nous alertons sur la crise financière qui frappe nos départements (…) Pour faire simple, on ne peut plus faire face. Et les conséquences, ce sont les Français qui vont les supporter », a alerté jeudi 13 novembre 2025 François Sauvadet, président de Départements de France, lors du 94e congrès de l’association. Une situation critique confirmée par la Cour des comptes.
Symbole de cette dégradation, la Gironde et ses 97 millions d’euros de déficit frise la mise sous tutelle. Interrogé par l’AFP, son président Jean-Luc Gleyze (PS) assume les dépenses réalisées, notamment en matière de protection de l’enfance, et concède juste avoir dû abandonner ses aides aux communes, de 30 millions d’euros en 2023.
Mais faute d’un modèle de financement cohérent des départements, toutes les politiques qui ne relèvent pas de leurs compétences directes – culture, sport, banques alimentaires, missions locales, centres sociaux – sont selon lui sur la sellette.
Depuis un an, certaines coupes font déjà parler : sept centres de santé sexuelle fermés dans la Drôme, subventions au Planning familial rabotées dans le Loiret, aides à la culture fortement diminuées en Ille-et-Vilaine comme dans l’Hérault.
Selon le baromètre sur les budgets culturels des collectivités publié en octobre, 64 % des départements interrogés font état de coupes dans la culture.
En août, la Fondation des femmes alertait elle sur la baisse des subventions aux associations de lutte contre les violences faites aux femmes, évoquant « le recul majeur du financement par les départements, dont l’impact est d’autant plus fort qu’ils en sont aujourd’hui l’un des principaux financeurs ».
« Coût politique »
Hélène Sandragné, présidente PS du département de l’Aude, dit avoir réalisé 25 millions d’euros d’économies cette année mais se refuse « à taper massivement sur une politique », préférant le « travail de dentellière ».
« Sur la protection de l’enfance, nous avions allongé l’âge de prise en charge des jeunes mais nous sommes revenus aux 18 ans prévus par la loi », explique-t-elle, tandis que les subventions aux associations ont été réorientées vers celles qui ont le moins de trésorerie.
Dans l’Aisne, département rural qui cumule les fragilités, le centriste Nicolas Fricoteaux indique avoir « réduit considérablement la voilure dans les compétences partagées que sont le sport, l’environnement, la culture ».
Mais le cœur des compétences n’est pas épargné. « On réduit les investissements sur nos collèges et nos routes. C’est un peu une bombe à retardement car vous accumulez des dégradations qui vont nécessiter des coûts supplémentaires », admet l’élu qui a aussi réduit sa participation dans l’aide à domicile pour les personnes âgées.
Selon Nicolas Lacroix, président LR du conseil départemental de Haute-Marne, il faut couper « dans tout ce qui n’est pas obligatoire » : aide aux communes, au monde associatif, au monde agricole, au développement de la ruralité…
Et pour ne pas toucher au cœur des compétences des départements que sont la solidarité, l’enfance et la dépendance, le patron du groupe des départements de droite s’interroge sur certaines prises en charge, comme le cumul du RSA et du statut d’auto-entrepreneur.
Il plaide aussi pour la suspension automatique du RSA à l’âge de la retraite, ou pour la fin du RSA bonifié pour les familles n’ayant « plus aucun droit sur leurs enfants ».
Dans les Deux-Sèvres, Coralie Denoues (DVD) n’a pas souhaité couper dans les aides à la culture et au sport, mais a choisi de rémunérer les associations environnementales pour les prestations qu’elles fournissent plutôt qu’en subventions de fonctionnement.
Elle a aussi décidé de fermer deux collèges compte-tenu de la baisse attendue de 3 200 collégiens d’ici 2032. « Oui, cela a un coût politique, mais est-ce qu’on est élu pour s’assurer de sa réélection, ou pour inscrire un territoire dans l’avenir ? », interroge-t-elle.
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