Dans le rouge, des départements contraints de sabrer dans leurs dépenses

Publié le 8 juillet 2024 à 11h50 - par

« On est dans un orange plus que foncé, au bord du rouge », s’alarme Christophe Guilloteau, président du conseil départemental du Rhône, poussé comme nombre de départements à tailler dans les dépenses.

Dans le rouge, des départements contraints de sabrer dans leurs dépenses
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« Notre courbe des dépenses va croiser celle des recettes », s’inquiète l’élu LR, qui a fait voter à l’unanimité fin juin 2024 une motion refusant d’appliquer la revalorisation de 4,6 % du RSA décidée par le gouvernement pour compenser l’inflation. Soit 1,3 million d’euros, quand il en manque déjà « sept ».

« On n’a plus de revenus. Nos recettes de droits de mutation (ou “frais de notaire”) ont quasiment été divisées par deux, à 65 millions d’euros, contre 120 en 2022 », déplore-t-il. Première recette de fonctionnement des départements, ces taxes prélevées sur les ventes immobilières ont chuté en moyenne de 21,9 %, à 11,4 milliards en 2023, à cause de l’effondrement des transactions, selon l’Observatoire des finances locales.

« Les départements sont un amortisseur social », rappelle le président du Val-de-Marne, Olivier Capitanio (LR), citant les aides aux personnes âgées dépendantes, à celles souffrant d’un handicap ou à l’enfance en danger.

« On nous demande d’être présents quand ça va mal alors que nos recettes sont volatiles et dépendent d’une économie en bonne santé », regrette-t-il, rappelant que les départements sont « la seule collectivité à qui le législateur a supprimé l’autonomie fiscale ».

En 2023, les dépenses sociales des départements ont augmenté de 2,15 milliards d’euros, dont la moitié pour l’Aide sociale à l’enfance (ASE) en raison notamment d’une « fragilité croissante des situations familiales », relève l’Observatoire national de l’action sociale (Odas), hausse qualifiée d’« inédite en dix ans ».

« Désertification économique »

L’augmentation du nombre de jeunes pris en charge par l’ASE, représentant un septième des dépenses, pèse aussi sur les budgets. Parmi eux, le nombre de mineurs étrangers non accompagnés (MNA) a augmenté de 31 % en un an avec 19 370 nouvelles prises en charge en 2023, selon la mission nationale MNA, soit 22 % des enfants placés. À l’automne, plusieurs départements, dont l’Ain, avaient suspendu l’accueil de MNA, faute de solutions d’hébergement satisfaisantes et d’encadrants. Décision annulée par la justice.

« Il y a une contrainte budgétaire réelle, mais certains départements sont sur des positions très idéologiques », observe Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). La perspective d’une majorité d’extrême droite à l’Assemblée nationale a ajouté aux inquiétudes des associations d’insertion, qui ont alerté dans l’entre deux tours des législatives sur un « risque de désertification économique (…) en ruralité ou dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ».

Pour boucler son budget, Christophe Guilloteau a pratiquement supprimé « toutes les réceptions », baissé les subventions « de 5 % à 15 % » et ne remplace les départs qu’« au compte-goutte ». Dans l’Aisne, malgré un taux de pauvreté de quatre points supérieur à la moyenne nationale, les élus ont sciemment adopté un budget « déséquilibré » assorti d’une « recette virtuelle » de 22,5 millions d’euros. Ce choix, retoqué par la justice, a permis « d’alerter sur la nécessité de changer de modèle de financement », assure son président, Nicolas Fricoteaux.

Contexte « anxiogène »

« En 2022, 94 millions d’euros d’allocations de solidarité versées par le département n’ont pas été compensés par l’État », argumente l’élu centriste.

Dans sa chasse aux coûts, l’exécutif envisage de « réduire le niveau de services un peu partout » comme le salage de routes l’hiver, et n’exclut pas la fermeture de collèges.

En un an, « le nombre de départements en grande difficulté a plus que doublé. Un tiers d’entre eux sera concerné l’an prochain », avertissait fin juin François Sauvadet, président de Départements de France.

La récente extension de la prime Ségur à tous les salariés du secteur social associatif – 172 millions d’euros pour les départements – ajoute à l’incompréhension.

En Ille-et-Vilaine, l’exécutif a sabré dans les dépenses « facultatives » : sport, éducation populaire, culture, énumère son président socialiste Jean-Luc Chenut, pour qui le contexte politique « anxiogène » risque d’amplifier « la crise de l’immobilier ».

Des sécurisations de routes ont été décalées et des subventions aux communes rurales (crèches, salles des fêtes) échelonnées.

Le Val-de-Marne taille aussi dans ses dépenses optionnelles, recentrant le remboursement de la Carte Imagine R sur les collégiens et lycéens boursiers.

Sur le terrain, la directrice scientifique de l’Odas, Claudine Padieu, constate déjà une baisse des investissements, notamment pour l’accueil des personnes âgées, alors que les besoins augmentent.

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