Externalisation des achats, un cadre juridique finalement pas si souple !

Publié le 4 octobre 2016 à 10h45, mis à jour le 4 octobre 2016 à 10h45 - par

La coordination et la mutualisation des achats comportent de nombreux atouts pour les acheteurs publics, de plus en plus nombreux à intégrer dans leur stratégie achat, l’alternative entre le faire, le faire-ensemble ou le faire-faire. Si, longtemps, mutualisation a rimé avec massification, il est aujourd’hui admis que le seul agrégat de volumes isolés ne peut constituer l’unique élément décisionnel.

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D’autres aspects positifs sont ainsi constatés : optimisation des dépenses internes par la réduction des coûts de procédures, développement conjoint d’expertise en cas de groupements de commandes, recentrage de l’acheteur public sur des achats spécifiques, ou particulièrement stratégiques, …

Enfin, des effets bénéfiques ont également été constatés pour les entreprises et notamment pour les PME : phase de sourcing approfondie, visibilité de la procédure, professionnalisme plus important de l’acheteur, meilleure prise en compte des politiques publiques, suivi de l’exécution plus aboutie.

Mais décider de coordonner ou mutualiser ses achats exige une parfaite connaissance des possibilités offertes par le droit de la commande publique autant qu’une maîtrise des techniques correspondantes :

  • le recours à une centrale d’achat, en tant que grossiste ;
  • le recours à une centrale d’achat en tant qu’intermédiaire ;
  • la participation à un groupement de commandes.

Le choix pour telle ou telle technique constitue, en pratique, la réponse à une problématique particulière de l’acheteur.

Je souhaite acquérir immédiatement un bien ou une prestation

Le recours à une centrale d’achat intervenant comme grossiste répond à cette attente. L’acheteur est alors, conformément au droit, considéré comme ayant respecté ses obligations de publicité et de mise en concurrence. À titre d’exemple, l’Union des groupements d’achats publics (UGAP), établissement public industriel et commercial, est une centrale d’achat (cf. son décret statutaire n° 85-801 du 30 juillet 1985) tout comme l’Economat des armées, conformément à l’article R. 3421-2 du Code de la défense.

Ces deux centrales d’achat sont les seules, à ce jour, à opérer quasi exclusivement en tant que grossiste ; elles prennent seules en charge le déroulement des procédures de passation du marché public, par suite assument la responsabilité de la légalité de la procédure.

La fiche technique intitulée « La coordination des achats »* publiée par la DAJ rappelle clairement qu’un pouvoir adjudicateur ou entité adjudicatrice ne peut disposer d’un cadre juridique préétabli, le notifier et l’exécuter que si, et seulement si, l’entité concernée est identifiée dans l’accord-cadre (et est partie à ce dernier) ou si elle fait partie du groupement de commandes.

Je souhaite me regrouper, ponctuellement ou durablement, avec des acheteurs identifiés pour des achats en commun de produits, services ou travaux

Ce choix peut correspondre soit à la situation d’achats récurrents spécifiques entre acheteurs publics opérant des missions semblables, soit à la nécessité de répondre à un projet ou opération spécifique et limitée dans le temps.

Dans le cas où le produit ou service recherché concerné est disponible auprès de la centrale d’achat agissant en tant que grossiste et est en parfaite adéquation avec le besoin, le recours à cette structure peut être opportun, eu égard à sa rapidité et sa simplicité.

Plus classiquement, la constitution d’un groupement de commandes peut être envisagée conformément à l’article 28 de l’ordonnance du 23 juillet 2015. Ce dispositif présente de nombreux avantages, notamment en termes de partage d’expertise et d’objectifs achats. Il appelle toutefois la plus grande vigilance en ce qui concerne la rédaction de convention constitutive du groupement (durée, objet, caractère ponctuel ou pérenne, le coordonnateur, les rôles et responsabilités, les modalités d’adhésion et de retrait des membres) et l’éventuelle constitution d’une commission d’appel d’offres.

Il est également rappelé que dans le cas de travaux et faute de pouvoir déléguer la maîtrise d’ouvrage au coordonnateur, le recours au groupement de commandes peut s’avérer complexe et n’est pas des plus adapté. Il est donc alors conseillé de recourir à la co-maîtrise d’ouvrage.

Je souhaite externaliser certains de mes achats à un intermédiaire, et souhaite – ou accepte – d’assurer l’exécution de mon marché

Le recours à une centrale d’achat agissant en tant qu’intermédiaire est la réponse à cette attente. Ce modèle est celui généralement constaté au sein des centrales d’achats spécialisées ou territoriales créées ces dernières années. L’UGAP, agissant quasi-exclusivement en tant que grossiste, a pu toutefois utiliser ce modèle, plus adapté à certains achats comme ceux de l’électricité ou du gaz naturel, notamment.

Ce modèle peut être considéré comme une forme de groupement de commandes, avec toutefois des spécificités :

  • L’établissement d’une convention entre les acheteurs et la centrale d’achat n’est pas obligatoire, bien qu’elle soit vivement conseillée ;
  • Les acheteurs peuvent décider de confier tout ou partie de la procédure de passation du marché public à la centrale d’achat en réalisant eux-mêmes, par exemple, la remise en concurrence en application d’un accord-cadre.

S’agissant de ce type de montage, les points d’attention suivants méritent d’être rappelés :

  • Les documents de la consultation doivent clairement préciser la répartition des tâches entre la centrale d’achat et les acheteurs ;
  • L’acheteur ne peut prendre en charge la passation des marchés subséquents ou des bons de commande que si, et seulement si, il a été identifié dans l’accord-cadre et est partie à ce dernier ;
  • L’acheteur demeure responsable du respect des dispositions applicables pour les opérations de passation ou d’exécution du marché public dont il se charge lui-même.

Pour conclure

Que ce soit pour les acheteurs publics (rapidité, simplification, sécurisation, dématérialisation des commandes et des factures, optimisation économique, intégration des politiques publiques, retour statistiques) ou pour les entreprises (point unique de commandes, de factures et de paiement, interlocuteur unique lors de l’exécution), le modèle de la centrale d’achat agissant en tant que grossiste apparaît être le plus performant ; sans doute celui appelé à se développer.

Toutefois, pour des achats non couverts par ce type de structure ou encore dans un souci de mutualisation d’expertise spécifique, le recours au groupement de commandes ou à la centrale d’achat agissant en tant qu’intermédiaire doit être considéré avec intérêt. Le choix en faveur de cette seconde voie doit être fait en parfaite connaissance des exigences – d’aucuns diront « des contraintes » – correspondantes : l’acheteur devra être déclaré au préalable au sein de la procédure concernée, être partie prenante à l’éventuel accord-cadre et sera engagé par le choix réalisé et les conditions économiques et techniques associées.

 

Sébastien Taupiac,
Directeur délégué à l’innovation à l’UGAP

 

* En savoir plus : Fiche technique de la DAJ – « La coordination des achats », août 2016

Cette fiche technique précise le droit en matière de constitution de centrales d’achat, de recours à ces dernières ou de constitution de groupements de commandes. Elle met particulièrement en lumière les différences importantes entre le recours à une centrale d’achat en tant que grossiste et le recours en tant qu’intermédiaire.


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