La cartographie comme outil de sécurité juridique de l’achat public

Publié le 23 novembre 2022 à 9h00 - par

Au sein d’une administration, le service de la commande publique est souvent considéré comme le garant de la sécurité juridique de l’achat public. Ce service doit alors se servir d’outils offrant une vision complète et précise de l’état de la sécurité juridique. Encore faudrait-il que la commande publique dispose d’une vision directe sur l’ensemble de la dépense publique, privilège plus souvent associé aux affaires financières.

Une collaboration doit alors se développer entre la commande publique et le service budget, notamment lorsqu’à quelques milliers d’euros près sont impactées les obligations de publicité et de mise en concurrence inhérentes au droit des marchés publics. Nous avons donc un service budget omniscient sur la dépense publique, et la commande publique qui détermine les procédures de passation adéquates par une observation rétrospective. Mais que se passe-t-il entre l’extraction de la dépense annuelle et cette détermination des procédures ? Quelle méthodologie efficace adopter pour transformer une base de données de dépenses en guide précis et exhaustif des procédures de passation ?

Un agent à l’aise tant avec le droit des marchés publics qu’avec la manipulation de grosses bases de données devra y consacrer des semaines entières. À cette étape se posent plusieurs problèmes. D’une part, ce profil est plutôt rare, il est même étonnant de constater à quel point la data analysis et le droit public sont des milieux qui ne se côtoient que trop peu. D’autre part, la commande publique n’a pas toujours le temps de dédier l’un de ses agents pendant plusieurs semaines à une telle mission lorsque le rythme des passations de marché nécessite que la commande publique tourne à plein régime en étant focalisée sur les prochains marchés à passer. Il est donc observé un problème de temps et de ressources.

C’est à ce moment-là qu’interviennent des outils d’optimisation du travail d’analyse juridique de la donnée avec en tout premier lieu : la nomenclature. Pour être bref, cette dernière est une catégorisation qui permettra une computation des dépenses, et ainsi l’évaluation du montant de la dépense selon l’objet pour mieux déterminer la procédure adéquate. La nomenclature est un sujet passionnant lorsque l’on doit réfléchir à la pertinence de sa catégorisation afin d’éviter tout risque de fractionnement artificiel de marché. Il a même été vu lors des vingt-cinq dernières années, entre la nomenclature imposée du 13 décembre 2001, les différents avis de la DAJ de Bercy ou les rapports de la CRC, à quel point la nomenclature constituait encore un sujet non résolu. Cela méritera très certainement d’y consacrer un article spécifique.

La nomenclature permet à chaque mandat d’être catégorisé selon une grande grille de lecture de la dépense. Ainsi, la commande publique pourra alors réaliser, grâce à cet outil nomenclatural, la pierre angulaire de la sécurité juridique de la dépense publique : la cartographie des achats.

Cette dernière consiste d’abord à cibler la dépense passée sans publicité ni mise en concurrence lorsque celle-ci appartient à un code de nomenclature dont la dépense dépasse les seuils de procédure. D’un point de vue théorique, deux hypothèses sont alors envisagées : ce hors-marché doit être rattaché un marché déjà existant ; un nouveau marché doit être passé. Dans la pratique, de multiples hypothèses sont envisageables car cette méthode applique un procédé arithmétique strict à un domaine du droit public qui dispose de nombreuses exceptions procédurales. Un être humain devra donc compléter, affiner, corriger cette cartographie des achats car, dans le cadre d’une étude juridique, la computation des dépenses, hélas, ne se suffira pas à elle-même.

Cette dernière est avant tout un indicateur, un lanceur d’alerte, pour optimiser le travail du juriste, mais n’est pas une méthode autonome. L’agent devra en effet balayer toutes les dépenses considérées comme risquées par la computation des dépenses alors que celles-ci sont complètement justifiées. On retrouvera par exemple : des dépenses à destination de centrales d’achat, des dépenses à destination de groupements de commande qui auront eux-mêmes réalisé les procédures de passation, des dépenses supérieures aux seuils de l’appel d’offre pour des services sociaux et autres spécifiques, des dépenses où le prestataire dispose de droits d’exclusivité, etc.

Les dépenses qui n’auront pas pu être justifiées seront peut-être justifiables uniquement en disposant d’informations absentes de la base de données, par exemple, une procédure d’urgence à la suite de la découverte d’amiante dans une école à quelques jours de la rentrée des classes. Pour cela, il conviendra de dialoguer avec les directions concernées par ces dépenses. Et enfin, les dépenses qui n’auront toujours pas trouvé de justification, seront à pointer dans le cadre de l’amélioration de la sécurité juridique de la dépense publique.

Vincent Cappanera, président et co-fondateur de Cartoap
& Théo Lichterowicz, directeur général et co-fondateur de Cartoap


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Marchés publics »

Voir toutes les ressources numériques Marchés publics