Cycle de l’eau : trouver d’urgence de nouveaux financements !

Publié le 31 mai 2024 à 16h10 - par

Quels leviers de financement pour le cycle de l’eau ? La question, brûlante, a fait l’objet d’une table ronde organisée par la FNCCR le 29 mai dernier.

Cycle de l'eau : trouver d'urgence de nouveaux financements !
© Par Francois - stock.adobe.com

La Fédération nationale des collectivités concédantes et régie (FNCCR) et sa filiale France eau publique (FEP) sont inquiètes quant au financement du cycle de l’eau, mais aussi pro-actives, comme lors du colloque « Services publics d’eau et d’assainissement (SPEA) : quelle viabilité économique ? » à Paris le 29 mai, avec une table ronde dédiée au sujet.

Les Agences… sous l’eau

Jusqu’à il y a peu, le système fonctionnait bien, selon Thierry Burlot, président du Comité de Bassin Loire-Bretagne : « Les agences de l’eau, alimentées par la redevance, étaient riches, les SPEA aussi : plus les usagers consommaient, plus il y avait de recettes. État, Région, Département et Feoga subventionnaient les travaux jusqu’à 80-90 % ». Mais récemment, patatras ! « Les Agences restent seules à financer : la politique du petit cycle de l’eau1, mais aussi désormais celle du grand cycle2 : biodiversité, mesures agri-environnementales et climatiques (Maec), agriculture biologique,contrats de bassins-versant, etc ». Sans oublier le nouveau sujet quantité, ou encore « le risque assurantiel qui a triplé en 10 ans pour atteindre 9 Mds€ », selon Thierry Burlot.

Conséquence, « le président de la République a annoncé le déplafonnement heureux des taxes et redevances annuelles (2,3 Mds€ en 2024). Mais il va donc falloir les augmenter de 20 %, ce qui ne suffira pas, le grand cycle de l’eau montant en puissance, observe Thierry Burlot. Par exemple, sur 387 M€ de ressources pour notre agence en 2024, 250 paieront les Maec et l’AB… ». Combien sur les 20 % reviendront au petit cycle ? On ne sait pas… Pour le président, « il faut donc des ressources nouvelles pour financer le grand cycle ». Et de proposer de changer de modèle : « Aujourd’hui, la fiscalité n’encourage pas la protection de la ressource. Une zone humide par exemple ne rapporte rien fiscalement ».

Solidarité amont-aval

Les SPEA affrontent aussi les problèmes de quantité et de qualité, avec un effet ciseau entre consommations en baisse et coûts d’exploitation fixes ou même en hausse (inflation). FEP a proposé dès mars dernier, tout en facilitant les mesures d’accès social à l’eau, de réduire le taux de TVA sur l’assainissement3, autoriser une tarification saisonnière sans condition, augmenter le plafond de la part fixe, distinguer tarifairement résidences principales et résidences secondaires, mais aussi utilisateurs intermittents aux ressources alternatives (sources, puits, forages privés, eaux de pluie) et utilisateurs permanents. Ce dernier point illustre bien le paradoxe entre une récupération de l’eau vertueuse… mais coûteuse pour la collectivité : consommations en moins, traitement gratuit d’eau en plus sans financements associés.

Lors du colloque et au-delà, Christophe Lime, Président de FEP et vice-président eau et assainissement du Grand Besançon, a plaidé pour une taille minimale des SEAP et des économies d’échelle. Une nécessaire solidarité amont-aval a aussi été évoquée par Thierry Burlot : « Pourquoi par exemple le centre-Bretagne ‟pauvre”, château d’eau de la Bretagne, serait-il soumis à toutes les contraintes (nitrates, pesticides…) au profit d’usages qui se font dans la Bretagne littorale ‟riche” mais où l’eau n’est pas chère ? » Christophe Lime a aussi critiqué la coûteuse dérive de « surtechnicité ». Surtout, il ne souhaite pas que « l’usager paye l’intégralité des pots non cassés ». Au profit des agences, FEP souhaite donc une augmentation de la redevance pollutions diffuses sur les produits phytosanitaires, avec élargissement aux médicaments, cosmétiques, microplastiques, substances per- et polyfluoroalkylées, détergents, l’augmentation de la redevance pollution d’origine non domestique, la création d’une redevance biodiversité et de planchers pour les redevances d’irrigation.

L’emprunt aussi

Il y a urgence, car les investissements sont à la peine : traitements toujours plus coûteux liés à de nouvelles molécules, renouvellement des réseaux d’eau et d’assainissement… « Les réseaux unitaires constituent encore 95 % des réseaux à Besançon. Leur rénovation (en réseau séparatif) est mise en balance avec celle des 65 écoles », a pointé Christophe Lime.

Côté subventions, les départements qui se réintéressent aux politiques de l’eau, ont été appelés à financer. La chasse aux financements européens a aussi été évoquée : « Dans un Land d’Allemagne, 150 fonctionnaires y travaillent, en Bourgogne-Franche-Comté, ils ne sont que 2…, déplorait le président de FEP. La FNCCR et FEP doivent aider les collectivités ».

Et l’emprunt ? La Banque des territoires (BDT) propose un Aqua Prêt indexé sur le livret A + 0,4 % ou à taux fixe. C’est un prêt sur 25-60 ans « qui colle à l’amortissement technique de grosses infrastructures, peut couvrir 100 % d’un projet et permet de lisser la hausse du prix de l’eau dans le temps », selon Solène Le Fur, directrice du programme eau à la BDT. Le collectif d’experts Aquagir a également été évoqué, qui accompagne les projets des collectivités locales, avec des retours d’expérience en matière de financements de projets sur l’eau. Mais « quid des acquisitions foncières sans recettes générées et donc difficiles à financer par l’emprunt ? », a interrogé Régis Taisne, de la FNCCR. La BDT propose un dispositif de consignation : si la collectivité qui préempte un terrain dans un périmètre de protection de captage ne parvient pas à payer le propriétaire aussitôt, la consignation des sommes à la BDT lui permet de prendre possession du terrain, la consignation ne prenant fin que lorsqu’elle aura payé le propriétaire. On reparlera de l’eau.

Frédéric Ville


1. Parcours domestique de l’eau, du point de captage jusqu’au rejet après traitement dans le milieu naturel.

2. Mouvements de l’eau sur la terre sous forme gazeuse, liquide et solide.

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