L’Agence de cohésion des territoires « éloignée du terrain », accuse un rapport

Publié le 6 février 2023 à 8h00 - par

« Empilement de programmes » contribuant à « nourrir la confusion des élus », défaut de notoriété… L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui devait incarner une politique d’aménagement au plus près du terrain, rate en grande partie ses objectifs, selon un rapport sénatorial publié jeudi 2 février 2023.

L'Agence de cohésion des territoires "éloignée du terrain", accuse un rapport

Trois ans après sa création en janvier 2020, 52 % des élus interrogés ignorent toujours l’existence de cet établissement public de 344 agents, d’un budget annuel de 60 millions d’euros.

Même lorsque les élus la connaissent, ils « peinent à comprendre son organisation et à s’approprier ses dispositifs et son offre de services ».

« Son image est floue et elle apparaît éloignée du terrain », relèvent dans leur rapport d’une centaine de pages les sénateurs Charles Guené (LR) et Céline Brulin (PCF), pour qui la nouveauté de l’agence « n’est pas seule en cause ».

Annoncée par Emmanuel Macron en juillet 2017, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) devait incarner un « État facilitateur de projets », notamment en matière de transition écologique, au plus proche des élus locaux, et devait offrir un « guichet unique » aux élus face au « maquis administratif ».

Trois grandes missions lui ont été confiées, notamment le pilotage des programmes d’aménagement lancés lors du premier quinquennat, tels « Action cœur de ville », « Petites villes de demain », « Maisons France service » ou « Territoires d’industrie ».

L’ANCT doit aussi aider à concevoir et mettre en œuvre des « projets de territoires » comme les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) conclus pour six ans entre l’État et les collectivités.

Elle était enfin très attendue pour fournir de l’« ingénierie » (expertise technique, financière) et du « sur-mesure » à des projets locaux.

Or si les collectivités bénéficiaires des programmes de l’ANCT sont « globalement satisfaites », la plupart des élus restent « critiques » envers son action.

« Copier-coller »

En cause notamment, une approche jugée « trop descendante » et « peu attentive aux dynamiques locales » qui existent déjà.

Les préfets, censés être les représentants locaux de l’agence face aux élus, se révèlent par ailleurs diversement impliqués dans leur mission, pour laquelle peu de moyens ont été mis à leur disposition.

Autre problème, le recours à des cabinets de consultants privés dans près de 65 % des projets accompagnés « sur-mesure » en 2022. « Ces consultants ont tendance à livrer des prestations copier-coller sans ancrage dans le territoire et sans lendemain », taclent les sénateurs.

En mars 2022, un rapport sénatorial sur « l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques » relevait aussi que la création de l’ANCT avait nécessité une prestation de « plus de 2,5 millions d’euros » pour le cabinet EY.

Au final, l’espoir de simplification s’est transformé « en sentiment de complexification, de lourdeur et de bureaucratie sur les trois missions de l’agence ».

« On avait promis aux élus la simplification des démarches pour accéder à l’ingénierie, et à ce stade c’est une nouvelle strate un peu opaque qui s’est ajoutée », témoigne un maire.

De plus, les élus estiment que l’agence n’a pas apporté plus de soutien financier à leurs projets mais qu’elle « recycle des financements existants ». Ils jugent aussi parfois arbitraire le choix des villes bénéficiaires de programmes comme « Action cœur de ville », des villes étant sélectionnées « après un coup de fil au préfet ».

Contactée par l’AFP, l’ANCT, qui vient de se doter d’une nouvelle direction, n’a pas souhaité commenter ce rapport.

Il « semble sévère pour une agence née il y a trois ans seulement et qui porte des programmes dont on peut difficilement soutenir qu’ils ne sont pas des réussites », a réagi la ministre déléguée aux Collectivités territoriales, Dominique Faure, assurant qu’il faut « voir le verre à moitié plein ».

Reconnaissant que les attentes étaient « nombreuses et fortes », les rapporteurs formulent 14 propositions pour rapprocher l’agence des élus, en « remobilisant » notamment les préfets et en privilégiant « une communication plus simple, plus sobre et déconcentrée ».

Ils recommandent de mettre l’accent sur l’accès à l’« ingénierie », qui doit devenir une « grande cause nationale » face aux enjeux de transition écologique et de « complexification de l’action publique ».

Ils réclament des moyens supplémentaires pour les préfets et préconisent enfin de faire une « pause » sur les programmes pour « bien intégrer l’existant » et mieux évaluer ce qui existe déjà.

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