La Cour des comptes a publié, mi-novembre 2025, un rapport thématique intitulé « La stratégie nationale pour l’intelligence artificielle. Consolider les succès de la politique publique de l’IA, élargir son champ », fruit du contrôle de cette stratégie développée par la France à partir de 2018. Jusqu’en 2022, la première phase a mobilisé 1,3 milliard d’euros de l’État et a permis d’amorcer la structuration de la recherche et d’un écosystème d’innovation en intelligence artificielle (IA). La deuxième phase, dans laquelle l’État a investi 1,1 milliard d’euros et qui s’achève en 2025, a conforté la structuration de pôles d’excellence et permis à la France de connaître de premiers succès en matière d’intelligence artificielle générative, sur les enjeux de frugalité et de confiance et de jouer un rôle actif sur les scènes européenne et internationale. La Cour appelle donc « à consolider les succès de la politique publique en faveur de l’IA, à en renforcer la gouvernance et en élargir le champ pour permettre le changement d’échelle qu’exige la révolution de l’IA. »
La Cour salue des premiers succès
La stratégie nationale pour l’intelligence artificielle (SNIA) engrange des premiers succès dans plusieurs directions, estime la Cour des comptes. La France est ainsi passée de la treizième place, dans le Global AI Index publié en septembre 2024, à la cinquième en septembre 2025. En matière de recherche et formation en IA, la France se hisse au troisième rang mondial. Plus de 4 000 chercheurs français travaillent aujourd’hui sur l’IA. Le nombre de startups françaises en IA a doublé depuis 2021 : plus de 1 000 d’entre elles sont actives dans ce domaine en 2025 et ont levé près de 2 milliards d’euros de fonds en 2024, énumère le rapport. Enfin, la France se positionne au premier rang en Europe, Royaume-Uni inclus, en termes d’IA générative.
La Cour pointe, néanmoins, les limites et les angles morts de la SNIA. La priorité que constitue le soutien à la demande des entreprises en solutions d’IA « n’a bénéficié que de dispositifs très modestes, et l’accélération et la massification escomptées de la diffusion de l’intelligence artificielle dans l’économie n’ont pas eu lieu. » Autre critique : le retard pris en matière d’adaptation à l’IA de l’ensemble des formations initiales et continues « n’a pas non plus été rattrapé. » La transformation de l’action publique par l’IA est, elle aussi restée « très décevante. » Enfin, les actions à destination des territoires et d’un public large n’ont pas non plus constitué une priorité de la SNIA jusqu’à présent, « alors qu’elles apparaissent d’autant plus nécessaires que les impacts liés à cette technologie à usage général s’accélèrent, s’intensifient et se généralisent », souligne la Cour des comptes.
Renforcer la gouvernance
Alors qu’une troisième phase de la SNIA a été lancée en février 2025, plusieurs préalables doivent être remplis pour réussir le changement d’échelle qu’exige la révolution de l’intelligence artificielle, plaide le rapport. La Cour appelle, en particulier, à renforcer le pilotage interministériel de la politique publique de l’IA, avec la constitution d’un véritable secrétariat général à l’IA rattaché au Premier ministre, mieux intégrer les enjeux de soutenabilité des finances publiques et d’efficacité de la politique de l’IA, procéder à une évaluation approfondie des résultats des précédentes phases de la stratégie nationale et s’inspirer des meilleures pratiques à l’étranger, mieux s’articuler avec l’échelon européen, mobiliser plus fortement les territoires et redéfinir le partage des rôles avec le secteur privé.
Élargir le champ à cinq défis critiques pour l’IA de demain
« Cinq défis critiques ont été insuffisamment pris en compte jusqu’à présent et doivent être replacés au cœur de la politique publique de l’IA dans les prochaines années », insiste la Cour des comptes, à savoir :
- adapter la formation dans tous les secteurs et anticiper les mutations du marché du travail ;
- favoriser l’accélération de l’adoption des usages de l’IA par les entreprises ;
- investir sur la donnée, son accès, sa qualité, sa protection et son stockage souverain ;
- construire une ambition réaliste en matière de composants et mieux intégrer les enjeux « habilitants » comme l’énergie ou la connectivité ;
- faire de l’IA un levier de qualité, d’efficience et d’efficacité de l’action publique.
En conclusion, la Cour des comptes formule dix recommandations « dont la mise en œuvre permettrait de capitaliser sur les premiers succès et de dépasser les limites et insuffisances identifiées. »
