Orange doit achever la fermeture de son réseau cuivre progressivement jusqu’en 2030. À condition, pour éteindre le cuivre sur une commune, que tous les locaux y soient raccordables à la fibre optique jusqu’à l’abonné (FTTH). Cette obligation, imposée par le régulateur des télécoms (l’Arcep), est dite de « complétude ». Pour les élus, la complétude des zones privées (zone très dense ou ZTD et zone moins dense d’initiative privée ou AMII) ne souffrira aucune exception : le réseau fibre devra être complet pour desservir la totalité de la population. Réitérant cette exigence, neuf associations d’élus* ont répondu ensemble à la consultation publique que l’Arcep proposait jusqu’au 20 décembre 2024, sur son projet de recommandation sur la mise en œuvre de l’obligation de complétude. Les élus attendent « une recommandation aussi exigeante sur le fond que sur la forme, avec des objectifs, des délais, des seuils clairs et précis ».
Depuis 2010, les opérateurs privés déploient la fibre jusqu’à l’abonné uniquement sur les zones rapidement rentables. Dans les « zones d’initiative publique », où les collectivités construisent leurs réseaux, elles ont prévu dès l’origine une couverture fibre à 100 %, y compris sachant qu’elles devraient aussi couvrir des zones non rentables. Or, les opérateurs envisagent parfois de compléter l’objectif de couverture intégrale en fibre par des technologies hertziennes, et annoncent depuis quelque temps qu’il faudrait se contenter d’une couverture à 95 %, en raison de situations particulières. Ils invoquent notamment des blocages ou des refus de tiers. L’Avicca précise dans un communiqué que, « dans le contexte de la fermeture du cuivre, obliger des usagers à abandonner les réseaux fixes serait intolérable ».
Les associations d’élus déplorent que la consultation de l’Arcep ne comporte pas d’obligation de complétude sur la zone très dense, estimant que « la seule arme brandie par le régulateur est celle de sa capacité à encadrer l’extinction du cuivre ». Mais, d’une& part, cela ne permet pas aux particuliers et aux professionnels de bénéficier de la fibre, « qui est devenue un standard ». D’autre part, le régulateur ne peut s’opposer à l’extinction du cuivre que pendant deuxannées maximum, « cette durée étant occultée dans le texte de la consultation ».
Refus de tiers
Les élus demandent aussi à l’Arcep de définir strictement la notion de « refus de tiers » pour en limiter le nombre de cas. Sous réserve d’être bien encadrée par l’Arcep, elle pourrait être introduite dans cadre réglementaire encadrant le plan cuivre d’Orange et s’accompagner d’un outil de gestion dédié. Il faudrait notamment que l’opérateur d’infrastructures insiste régulièrement pour « débloquer » la situation de refus, en relançant les propriétaires ou syndics de copropriété, tous les ans par exemple.
Les associations d’élus rappellent que les opérateurs ne peuvent pas invoquer largement ces refus de tiers, « qui s’entendent dans un sens très limité ». Ainsi, ne constitue pas un refus de tiers le refus légitimé par une ou plusieurs dispositions légales (règles d’urbanisme…). L’opérateur d’infrastructures fibre doit avoir engagé à temps les démarches d’obtention des autorisations et entrepris les recours nécessaires, auprès des gestionnaires de domaine public ou privé, des copropriétés, ou des maires en matière de servitude. En outre, le refus par un tiers de la solution de desserte initiale proposée par l’opérateur n’est recevable que s’il n’y a pas de solution alternative techniquement viable, réalisable sans mise en danger des intervenants, dont le coût ne saurait être disproportionné, et sous réserve que les leviers existants (servitudes) aient échoué.
Pour conclure, les élus estiment que les zones d’initiative privée, denses ou moins denses, « ne sauraient souffrir aucune dérogation ni exception au principe de complétude préalable à toute fermeture du cuivre ». En zone d’initiative publique, en l’absence de disposition contraire dans le contrat de délégation de service public, des exceptions, validées par le délégant, seraient limitées à certains cas : exception acceptée par la collectivité locale concernée, existence d’une offre de type raccordable sur demande, mais où la demande puisse être faite directement soit par le client final soit par l’opérateur commercial, local ancien et très isolé n’ayant jamais été raccordé ni rendu raccordable avec une ligne téléphonique cuivre, local sans adresse (refuge de haute montagne, station de pompage, piézomètre, paillote…).
Pour les élus, la complétude est « une notion publique par essence », avec pour enjeu l’accès à la fibre pour l’ensemble des Français, partout sur le territoire. La présidente de l’Arcep, Laure de la Raudière, a pour sa part affirmé lors de ses vœux le 21 janvier 2025, que « les obligations de complétude doivent être respectées », et que « l’Arcep en est le garant », rappelant que la fermeture du réseau cuivre ne peut pas être conduite sur une commune où la fibre n’aurait pas été complètement déployée.
Marie Gasnier
*AMF, AMRF, Avicca, Départements de France, FNCCR, France urbaine, Les Interconnectés, Régions de France, Villes internet
Selon l’Arcep, à l’automne 2024, 46 % des communes de la zone d’initiative publique sont intégralement raccordables à la fibre optique, contre moins de 19 % en zone AMII et moins de 4 % en zone très dense. |