Pour la Cour des comptes, mieux vaut créer des SPL que des Sem

Publié le 17 juin 2019 à 12h00 - par

La pluriactivité et le manque de contrôle des sociétés d’économie mixte entraînent des risques juridiques et financiers pour les collectivités. La Cour des comptes préconise plutôt la création de sociétés publiques locales ou de sociétés d’économie mixte locales à opération unique.

Pour la Cour des comptes, mieux vaut créer des SPL que des Sem

Du fait de nombreuses dérives, les sociétés d’économie mixte locales (Sem) mettent en danger les collectivités, selon la Cour des comptes qui a enquêté sur leur situation financière à la demande de l’Assemblée nationale. Pour protéger les collectivités, elles ne peuvent juridiquement créer des Sem que dans le champ « des compétences qui leur sont reconnues par la loi », ce qui limite leur intervention financière au capital des Sem qui sont nécessaires à l’exercice de ces compétences.

Si les Sem sont traditionnellement présentées comme des sociétés « très contrôlées », la Cour des comptes estime que ces contrôles, peu assortis de sanctions, ne sont plus adaptés au fonctionnement actuel des Sem. « Le manque de transparence à l’égard des assemblées délibérantes des collectivités actionnaires est patent, alors même que les Sem développent de plus en plus leurs activités en dehors du cadre et des objectifs qui avaient présidé à leur création », précise la Cour. Elles se sont progressivement éloignées de leurs finalités d’origine, intervenant de plus en plus comme des opérateurs privés, et s’ouvrent ainsi à de nouvelles et multiples activités. Il peut s’agir d’opérations pour des tiers non actionnaires ou pour leur compte propre, parfois réalisées en dehors du ressort territorial des collectivités actionnaires, ou encore de recours à  des filiales ou de prises de participations (cf. encadré). Ces dernières sont ainsi devenues un moyen, pour les collectivités, d’intervenir dans le champ concurrentiel.

La pluriactivité, qui présentait un caractère exceptionnel dans l’esprit du législateur, concerne aujourd’hui près de sept Sem sur dix ; et plus de quatre sur dix déclarent au minimum trois activités. La Cour des comptes explique comment cela met en danger les finances des collectivités. La pluriactivité, dans une société qui globalise les ressources, permet la compensation financière entre activités. Les prix facturés aux collectivités et aux usagers risquent alors d’être déconnectés de leurs coûts de production ; et des activités, structurellement déficitaires, peuvent être prises en charge par les revenus générés au titre d’autres activités, structurellement bénéficiaires. La pluriactivité s’opère également par le biais de filiales et de prises de participations dans des entreprises privées ou d’autres Sem. Mal connues des collectivités actionnaires, ces filiales entraînent elles aussi potentiellement des risques financiers. En général, les Sem interviennent de manière croissante, pour des tiers non actionnaires et pour leur compte propre, ce qui modifie, in fine, la nature du risque porté par les collectivités actionnaires. La Cour estime donc qu’il conviendrait d’encadrer strictement l’articulation entre le principe de complémentarité des activités, inscrit dans la loi, et la pluriactivité constatée des Sem.

La jurisprudence du Conseil d’État et l’adaptation au droit européen ont abouti à un nouveau cadre juridique, et à la création des sociétés publiques locales (SPL) et des sociétés d’économie mixte locales à opération unique (Semop). Dans certains domaines, elles offrent aux collectivités des moyens d’action équivalents, et conformes à la réglementation. Selon la Cour des comptes, les collectivités auraient intérêt à utiliser toute la palette d’entreprises publiques (Sem, SPL et Semop), tout en privilégiant, quand leur projet le permet, les statuts de SPL ou de Semop. Le cas échéant, elles pourraient aussi faire évoluer leurs Sem, dans des conditions à préciser par le législateur.

Marie Gasnier

 

Les Sem sont des sociétés anonymes à capitaux publics et privés, contrôlées et dirigées par les collectivités, qui doivent détenir au minimum 50 % du capital plus une action, et 85 % au maximum. On en comptait 925 en 2018, représentant 71 % des 1 300 entreprises publiques locales (EPL), et salariant plus de 53 000 personnes, pour un chiffre d’affaires global de 11,6 milliards d’euros. Elles détiennent 301 filiales et 429 participations recensées. Certains secteurs sont privilégiés : tourisme, culture et loisirs, habitat et immobilier, aménagement, environnement et réseaux, développement économique.


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