Le silence du maître d’ouvrage délégué à la suite des opérations préalables à la réception des travaux vaut-il réception tacite ?

Publié le 8 octobre 2009 à 0h00 - par

En cas de maîtrise d’ouvrage déléguée, lorsque le maître d’ouvrage a manifesté clairement et publiquement son refus de procéder à la réception de l’ouvrage, il ne peut y avoir réception tacite de ce dernier. Analyse et commentaire d’un arrêt du Conseil d’État du 6 février 2009 par Olivier Caron et Alexandre Labetoule, avocats.

Le silence du maître d'ouvrage délégué à la suite des opérations préalables à la réception des travaux vaut-il réception tacite ?

Faits

La commune de Fleury d’Aude a entrepris de réaliser un observatoire sous-marin, dit « jardin aquatique ». Dans cette perspective, elle a conclu un marché de maîtrise d’œuvre avec la société Jacques Rougerie, architecte spécialisé dans la construction de bâtiments immergés.  En outre, la commune a délégué à la Semaa, devenue Aude Aménagement, la maîtrise d’ouvrage de cet équipement. À la suite de l’apparition de désordres, l’ouvrage, dont le coût a été multiplié par trois, n’a pu être mis en service. La Cour administrative d’appel de Marseille a condamné la société Jacques Rougerie à réparer le préjudice subi par la commune de Fleury d’Aude sur le fondement de la responsabilité contractuelle. La société soutenait devant le Conseil d’État qu’elle ne pouvait voir engager sa responsabilité sur un fondement contractuel dans la mesure où la réception de l’ouvrage était intervenue tacitement. La Haute Assemblée a cependant confirmé sa condamnation.

Décision

En cas de maîtrise d’ouvrage déléguée, lorsque le maître d’ouvrage a manifesté clairement et publiquement son refus de procéder à la réception de l’ouvrage, le mécanisme de l’article 41-3 du CCAG Travaux ne peut engendrer la réception tacite de l’ouvrage.

Le conseil de l’avocat

La réception de l’ouvrage est l’une des étapes clefs de l’opération de construction. Elle a pour conséquence, en principe et même si cette affirmation mériterait d’être fortement nuancée, de mettre fin à la responsabilité contractuelle des constructeurs. Elle a également pour effet de transférer la garde de l’ouvrage au maître d’ouvrage et couvrir les vices apparents qui n’auraient pas été réservés.

Il appartient donc au maître d’ouvrage d’être particulièrement vigilant, ce d’autant plus que la réception est réputée prononcée suivant les propositions du maître d’œuvre si, conformément à l’article 41-3 du CCAG Travaux, la personne responsable du marché ne notifie aucune décision dans le délai de 45 jours suivant la date du procès-verbal des opérations préalables à la réception. L’arrêt commenté considère en revanche que cette solution doit s’effacer lorsqu’une convention de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée prise en application de la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée (« loi MOP ») stipule que la réception de l’ouvrage ne peut intervenir qu’après accord exprès de la collectivité.

Texte de référence : CE, 6 février 2009, Société Jacques Rougerie, req. n° 294214, mentionné aux tables du Recueil Lebon

Extrait

« … après avoir relevé […] que la commune de Fleury d’Aude avait manifesté clairement et publiquement son refus de procéder à la réception de l’ouvrage […], la cour administrative d’appel a pu sans erreur de droit en déduire qu’en raison du désaccord ainsi exprimé, l’absence d’information postérieure de la part du maître d’ouvrage délégué n’avait pu valoir réception tacite de l’ouvrage en application de l’article 41-3 du CCAG Travaux. »

Texte officiel

CCAG Travaux, article 41-3.


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