Quelle est l’étendue du principe de loyauté ?

Publié le 24 mai 2016 à 10h40 - par

Un strict cantonnement du principe de loyauté.

Une aventure contentieuse en marché public : trouver son juge

Un principe récent en droit administratif

Le contentieux des contrats publics, et donc leur régime juridique, a été bouleversé dans la décennie qui vient de s’écouler. Parmi les nouveautés les plus prometteuses, l’arrêt du Conseil d’État du 28 décembre 2009, commune de Béziers, n° 304802 a introduit le principe de loyauté dans les règles applicables entre les parties à un contrat.

Considéré à juste titre comme une révolution juridique, son objectif, atteint, est de rationaliser le contentieux. Il s’agit d’interdire la plupart des tentatives des parties au procès d’invoquer les irrégularités de procédure ayant conduit à la conclusion du contrat, qui aboutissaient auparavant à constater nullité de la convention. Aujourd’hui, le contrat est réellement la loi des parties, et les contentieux sont, de manière générale, réglés selon les règles contractuelles. Parallèlement, les recours des tiers ont également été rationalisés dans le même objectif de sécurisation des contrats par les arrêts de 2007, Tropic (concurrents évincés) puis Tarn-et-Garonne de 2014 (ensemble des tiers).

L’introduction du principe de loyauté, issu d’ailleurs de la jurisprudence de la Cour de cassation, a donc une finalité purement fonctionnelle : moraliser, dans une certaine mesure, le procès administratif, et éviter la remise en cause de l’application du contrat. Mais elle a suscité des espoirs, qui viennent d’être démentis par le Conseil d’État.

Un refus de l’extension du principe de loyauté aux mesures d’exécution du contrat

L’exploitant d’un aéroport avait conclu un contrat de prestation de service avec une société. L’exploitant est parvenu à faire exécuter des prestations à la société en omettant de lui communiquer une information qui préjudiciait fortement à ses intérêts financiers. La cour administrative de Bordeaux a jugé que le principe de loyauté ne permettait pas à l’administration d’agir ainsi régulièrement, et a donc mis à la charge de l’exploitant une somme à payer.

Saisi en cassation, le Conseil d’État, par un arrêt du 7 décembre 2015, syndicat mixte de Pierrefonds, n° 382363, infirme la solution de la Cour. Selon lui en effet, « le principe de loyauté des relations contractuelles n’impose pas à la personne publique d’informer préalablement son cocontractant des mesures d’exécution du contrat qu’elle entend prendre ». Aucune obligation d’agir loyalement ne pèse donc sur l’administration dans la conduite des relations contractuelles. Selon le rapporteur public, cette obligation d’exécuter les conventions de bonne foi permet au juge civil de sanctionner l’abus de droit en matière contractuelle, et de faire respecter le principe d’égalité. Mais ce principe n’est pas applicable en droit administratif qui est déséquilibré en faveur de l’administration. C’est pourquoi, selon lui, il n’est pas « nécessaire d’introduire une notion qui conduirait sur la pente glissante du contrôle de (…) moralité ».

Le respect du principe de légalité est bien suffisant.

Laurent Marcovici