Comment les collectivités territoriales et intercommunalités envisagent-elles l’évolution de leurs dépenses culturelles en 2024 ? Quelles sont leurs priorités ? En réponse à ces questions, l’Observatoire des politiques culturelles (OPC) a publié, fin octobre 2024, le volet national 2024 de son Baromètre sur les budgets et choix culturels des collectivités territoriales.
Outil annuel de mesure de l’évolution de l’action publique territoriale de la culture, ce baromètre s’appuie sur une enquête réalisée auprès d’un échantillon de collectivités territoriales par l’OPC. Son volet national 2024 repose ainsi sur les données déclarées par un échantillon de 202 collectivités (régions, départements, collectivités à statut particulier, communes de plus de 50 000 habitants) et intercommunalités (comprenant une ville de plus de 50 000 habitants) en matière d’évolution des budgets primitifs et de positionnement culturel.
Les évolutions constatées en matière budgétaire pour 2024 s’inscrivent dans la continuité des tendances observées sur la période précédente (2022-2023). « Les collectivités territoriales cherchent majoritairement à maintenir leur niveau de soutien à la vie culturelle, malgré des marges de manœuvre limitées, voire plus contraintes pour certaines d’entre elles », expliquent Vincent Guillon et Samuel Périgois, respectivement codirecteur et chargé de recherche de l’OPC. Pour l’ensemble des collectivités territoriales, l’Observatoire enregistre moins d’augmentations des budgets primitifs culturels de fonctionnement (hors masse salariale) entre 2023 et 2024 qu’au cours de la période précédente. Mais cette tendance générale est à relativiser au regard de certaines évolutions plus favorables déclarées par le bloc local (communes et intercommunalités) et de son poids prépondérant dans les dépenses culturelles. « La situation budgétaire globalement stable qui ressort du baromètre 2024 n’enlève rien aux difficultés financières éprouvées par les milieux culturels, du fait notamment des flambées inflationnistes de ces dernières années, que ne parviennent pas à compenser les évolutions des dépenses des collectivités dans ce domaine », commentent ses promoteurs.
Les budgets de fonctionnement
L’examen des budgets primitifs culturels de fonctionnement (hors masse salariale) montre qu’une petite moitié (49 %) des collectivités et intercommunalités de l’échantillon déclarent une stabilité entre 2023 et 2024, contre 43 % l’année précédente. 30 % indiquent une augmentation, en retrait de 8 points par rapport à l’enquête précédente. 21 % déclarent une baisse. Au total, à peine 14 % des collectivités déclarent augmenter leur budget culturel de fonctionnement dans des proportions égales ou supérieures au taux d’inflation 2023 (+ 4,9 %). Par ailleurs, les hausses déclarées de budgets culturels de fonctionnement s’avèrent moins fréquentes que celles des budgets primitifs totaux (non uniquement culture) votés par les collectivités entre 2023 et 2024 (30 % contre 41 %). À l’inverse, les baisses des budgets culturels de fonctionnement s’annoncent plus nombreuses que celles des budgets primitifs totaux. « Cette double tendance pourrait être interprétée comme le signe d’une dépriorisation politique de la culture dans les constructions budgétaires ou encore la conséquence du jeu des dépenses obligatoires, en particulier pour les départements », avancent Vincent Guillon et Samuel Périgois.
Selon le baromètre de l’OPC, la stabilité budgétaire en fonctionnement domine pour l’ensemble des grandes catégories de collectivités (ou de leurs groupements) entre 2023 et 2024. Par rapport à l’enquête précédente, la situation se révèle plus dégradée pour les régions (plus de deux fois plus de baisses) et pour les départements. La part des départements qui réduisent leurs budgets de fonctionnement a en effet doublé (de 9 % dans le baromètre 2023 à 20 % dans l’enquête 2024) et celle des départements qui les augmentent a chuté de 49 % à 27 %.
Ce sont les intercommunalités qui affichent le plus d’augmentations entre 2023 et 2024 : 34 % de l’échantillon des communautés urbaines et d’agglomération (contre près de 20 % sur la période précédente) et 42 % des métropoles (contre 39 % sur la période antérieure).
Enfin, la situation des communes de plus de 50 000 habitants, relativement dégradée sur la période précédente, est plus favorable cette année. De fait, la part des communes indiquant diminuer leur budget primitif culturel de fonctionnement est passée de 34 % dans l’enquête 2023 à 21 % cette année. « C’est une indication importante au regard de la structuration budgétaire des politiques culturelles puisque le bloc local représente environ 80 % des dépenses culturelles des collectivités territoriales, devant les départements (12 %) et les régions (9 %) », insiste l’OPC.
L’évolution des budgets par domaines de politique culturelle
L’observation de l’évolution des budgets de fonctionnement (hors masse salariale) par domaines de politique culturelle confirme la tendance à la stabilité, pour plus de la moitié des collectivités, quel que soit le domaine. Les augmentations les plus fréquentes concernent les festivals/événements, l’action culturelle/éducation artistique et culturelle (EAC), dans la lignée de ce que l’on constatait déjà dans l’enquête 2023. En revanche, les baisses se répartissent de manière plus homogène entre les domaines qu’en 2023, où le spectacle vivant apparaissait particulièrement touché, pointe l’OPC.
Plus de 30 % des régions affirment augmenter leur soutien à l’action culturelle/EAC, ainsi qu’au livre et à la lecture. 38 % des communes indiquent accroître leur soutien aux festivals/événements. 37 % des métropoles déclarent un soutien à la hausse pour le spectacle vivant et 32 % au livre et à la lecture, ainsi qu’aux festivals/événements.
Au niveau des départements, les baisses impactent un peu moins souvent certaines compétences obligatoires (livre et lecture, enseignement artistique), alors qu’au niveau des communes ce sont les enseignements artistiques qui doivent le plus fréquemment composer avec des baisses budgétaires, précise l’Observatoire.
Les budgets d’investissement
Selon l’enquête de l’OPC, 42 % des collectivités et intercommunalités de l’échantillon déclarent une stabilité de leur budget primitif culturel d’investissement entre 2023 et 2024 (elles étaient 48 % pour la période 2022-2023), 37 % une augmentation (contre 35 % pour la période précédente) et 22 % une baisse (contre 18 % pour la période précédente).
Les baisses impactent de façon assez homogène les différents échantillons de catégories de collectivités entre 2023 et 2024. Les fortes baisses (supérieures à 10 %) sont plus nombreuses que sur la période précédente. La situation s’est particulièrement dégradée pour les métropoles, souligne l’Observatoire : elles sont plus nombreuses à baisser leur budget culturel d’investissement cette année et moins nombreuses à l’augmenter qu’entre 2022 et 2023. Enfin, les régions et les communes sont les catégories qui revendiquent le plus d’augmentations en investissement.
Le soutien aux associations culturelles
La stabilité domine également s’agissant des subventions versées aux associations culturelles par les collectivités de l’échantillon (près de 60 %) entre 2023 et 2024. Les hausses déclarées ont augmenté entre 2023 et 2024 par rapport à la période 2022-2023 : 27 % contre 21 %.
La situation s’avère néanmoins assez disparate selon les types de collectivités, indique l’enquête. Les départements sont ceux qui indiquent le plus grand nombre de baisses de leurs subventions aux associations culturelles entre 2023 et 2024 : ils sont deux fois plus nombreux cette année par rapport à la période 2022-2023 (21 % contre 10 %). À l’inverse, la situation semble s’améliorer – avec plus de hausses – au niveau du bloc local (communes et intercommunalités). « Faut-il y voir le signe d’une proximité plus marquée entre l’exécutif et les acteurs subventionnés ? », interrogent Vincent Guillon et Samuel Périgois.