Face au manque d’eau, une « nappe phréatique artificielle » en Ardèche

Publié le 24 juin 2022 à 7h25 - par

Chaque été, la population de Beaumont quintuple avec les vacanciers et l’eau potable se raréfie dans ce petit village ardéchois exposé à la sécheresse. Pour augmenter les réserves, on construit une « nappe phréatique artificielle », une première en France.

Face au manque d'eau, une "nappe phréatique artificielle" en Ardèche

Le nom savant de l’installation est le « Reeps », ou réservoir d’eau enterré de plein sable. Un système conçu et breveté par un ingénieur français installé à Madagascar, Thierry Labrosse, lauréat du concours Lépine en 2011 pour son invention.

Depuis, l’inventeur en a construit des dizaines sur l’île de l’océan Indien, où l’eau manque cruellement. « La seule solution, c’est de la stocker durablement », estime le chef d’entreprise qui supervisait cette semaine, sous un soleil caniculaire, les travaux lancés à Beaumont, village perché sur une colline dans le sud du département.

La commune, qui passe de 250 habitants permanents à 1 300 en période estivale, réfléchissait depuis plusieurs années à pallier le manque d’eau potable qui l’a conduite, une saison, à couper les robinets à certaines heures : la source principale qui alimente le village n’arrivait plus à suivre.

Son débit dépasse les 200 mètres cubes par jour en hiver mais tombe à 60-80 m3 au mois d’août, au pic de la consommation. Des milliers de litres partent alors dans les douches et les toilettes, les petits réservoirs existants se vident rapidement.

« On est vraiment juste durant trois semaines », indique la maire Agnès Audibert qui craint un nouvel été difficile.

Le village est situé en zone de répartition des eaux (ZRE), « ce qui nous interdit de capter les eaux de surface », souligne son prédécesseur Pascal Waldschmidt, à l’origine du projet de réservoir.

Un forage en profondeur ? L’option a été envisagée. « Mais elle coûte cher et on a un excès d’arsenic et de manganèse dans le sous-sol qu’il aurait fallu traiter », ajoute l’élu, vice-président de la communauté de communes, chargé de l’urbanisme et de l’agriculture.

En cherchant une solution de stockage sur internet, il est tombé sur la technique développée par « Energis fd », la société de Thierry Labrosse.

Enfouissement

Le procédé est simple : on creuse un bassin dont on étanchéifie le fond avec une bâche géosynthétique, on y déverse du sable qui sert de filtre, on remplit d’eau les interstices – sans augmenter le volume – et on recouvre le tout pour éviter les pollutions extérieures.

À Beaumont, le sable est remplacé par de la pouzzolane, roche basaltique poreuse de la région, et le réservoir, d’une capacité de 250 m3, sera alimenté par la source du village, grâce à une dérivation. Un tuyau permettant, en sortie de bassin, de réintroduire l’eau dans le réseau communal à la demande.

« L’enfouissement évite le croupissement et l’installation a une durée de vie bien supérieure à celle d’un réservoir en béton : la bâche en plastique, à l’abri du soleil, peut tenir jusqu’à deux siècles », assure M. Labrosse.

Une mise en service n’est pas exclue dès cet été si le débit actuel de la source permet les rinçages préalables de la pouzzolane pour que l’eau stockée reste potable. L’Agence régionale de santé suit le dossier de près.

Le coût de l’installation, 84 000 euros, a été subventionné pour moitié par l’État et le Département, dans le cadre d’un contrat de transition écologique, mais l’Agence de l’eau n’a pas voulu financer l’expérience de Beaumont.

La maire du village espère cependant faire des petits : elle réunira prochainement les syndicats locaux de distribution d’eau pour leur présenter le chantier.

L’inventeur du Reeps, intarissable sur l’ingénierie des réservoirs à travers les âges et les civilisations, est convaincu de détenir une réponse au réchauffement climatique et à ses conséquences : raréfaction de l’eau mais aussi multiplication des incendies.

À Madagascar, son dispositif a déjà séduit les pompiers. « Or, ce à quoi on est confronté là-bas, on l’aura un jour ici », prédit-il en observant la forêt de pins et de chênes verts environnante.

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