Bordeaux-Euratlantique, du quartier d’affaires à la ville zéro carbone

Publié le 20 décembre 2023 à 10h30 - par

C’est le plus vaste projet d’aménagement urbain en dehors de la région parisienne : Bordeaux-Euratlantique, pensé comme un quartier d’affaires, prône désormais mixité urbaine et résilience climatique, reflet d’un changement d’époque et des mutations politiques locales.

Bordeaux-Euratlantique, du quartier d'affaires à la ville zéro carbone
© Par Lgraniczny - Pixabay.com

Le projet vient d’être prolongé de dix ans, jusqu’à 2040, avec un budget gonflé de 150 millions d’euros. Il vise toujours à accueillir 50 000 habitants et 30 000 emplois sur 738 hectares de friches ferroviaires et industrielles s’étalant sur Bordeaux et ses voisines Bègles et Floirac, sur les deux rives de la Garonne.

Mais les exigences environnementales et sociales du cahier des charges ont été rehaussées : Valérie Lasek, directrice générale de l’Établissement public d’aménagement (EPA) Bordeaux-Euratlantique, où siègent les trois communes, l’État et les autres collectivités locales, parle de bâtir « une ville sur la trajectoire de la neutralité carbone ».

Le maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic, évoque la « solarisation des nouveaux quartiers en plus de leur raccordement au réseau de chaleur » ou encore un objectif de logements locatifs sociaux augmenté de 35 à 40 % pour rattraper le retard de sa ville (19 % au lieu des 25 % requis par la loi SRU).

« Ce n’est pas à 100 % la ville dont nous rêvons, mais c’est une grosse opération réorientée dans un sens beaucoup plus conforme à l’urgence climatique » salue l’élu, qui qualifiait encore le projet, en juin 2023, de « caillou dans sa chaussure ».

« Métropole millionnaire »

À l’origine, avec le président socialiste de l’intercommunalité Vincent Feltesse, de cette opération déclarée d’intérêt national en 2009, l’ancien maire Alain Juppé avait une autre vision.

« Son objectif était de créer des bureaux d’affaires, du tertiaire supérieur, et d’accueillir des habitants, d’inscrire Bordeaux dans la compétition entre métropoles européennes, avec cette idée de métropole millionnaire », rembobine le maire écologiste de Bègles Clément Rossignol-Puech, président depuis l’an dernier du conseil d’administration de l’EPA.

Après son élection surprise en juin 2020, Pierre Hurmic a occupé ce poste, mais sans pouvoir infléchir profondément les projets en cours, à l’image de celui de la rue commerçante de la gare à la Garonne, pour lequel il n’a pu obtenir que des modifications, comme une hausse de la place accordée à l’économie sociale et solidaire. « J’ai eu en face de moi un promoteur disposant d’un contrat qui, à mon sens, n’avait pas été négocié », regrette-t-il.

« Même si c’est un EPA, avec des maires, ils ne peuvent pas remettre en question des opérations et des deals passés avant, sauf à payer des dédommagements énormes », explique Gilles Pinson, professeur à Sciences Po Bordeaux, spécialiste des EPA.

Dans un autre quartier, menacé par la « bétonisation à outrance » selon le collectif d’habitants Amédée Sacré-Cœur, Pierre Hurmic a prononcé un moratoire et négocié un parc d’un peu plus d’un hectare que la ville va financer. « On ne lâche pas, on veut un vrai parc de deux hectares », insiste le collectif, qui a déposé un recours.

« Équation économique complexe »

Concertation des habitants, végétalisation et désimperméabilisation sont d’ailleurs au cœur de la nouvelle feuille de route.

« Il y a eu une demande forte de la ville de Bordeaux d’interroger le projet au prisme de ses priorités politiques », souligne Valérie Lasek.

Ex-membre du ministère de l’Écologie puis du cabinet de Cécile Duflot au Logement, sa nomination en 2021 n’a pas été anodine, selon Gilles Pinson : « La directrice générale est nommée en Conseil des ministres, mais cette nomination est toujours obligée de prendre en compte les équilibres politiques locaux ». Elle doit également veiller à l’équilibre économique du projet, menacé par la crise immobilière qui frappe de plein fouet les promoteurs. Valérie Lasek reconnaît « un coup d’arrêt très brutal ». « On a perdu des réservataires sur des commercialisations bien engagées », ajoute-t-elle.

Pour continuer à avancer, il faudra peut-être « ajuster un certain nombre de paramètres, dont le prix de sortie des logements libres », encadré et inférieur à la moyenne de la métropole de plus de 800 000 habitants, où s’installent en moyenne 10 000 nouveaux arrivants par an. « Si tous les curseurs sont au maximum, l’équation économique est complexe », reconnaît-elle.

« On espère que la crise immobilière est seulement conjoncturelle », déclare Clément Rossignol-Puech, qui plaide pour que « la puissance publique continue à jouer son rôle ».

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