Emploi, vétusté, groupes de niveau : en Seine-Saint-Denis, mobilisation des enseignants

Publié le 5 mars 2024 à 8h00 - par

Lassés du manque de moyens et de personnel ou de la vétusté des établissements, les syndicats d’enseignants de Seine-Saint-Denis ont lancé depuis une semaine un mouvement de grève pour dénoncer leur situation et réclamer, en outre, l’abandon de la réforme sur les groupes de niveau au collège.

Emploi, vétusté, groupes de niveau : en Seine-Saint-Denis, mobilisation des enseignants
© Par Andrii Yalanskyi - stock.adobe.com

Marinette Faerber, qui a accompli l’intégralité de sa carrière dans ce département pauvre de banlieue parisienne, dénonce « une dégringolade sans fin ». Le lycée professionnel et technologique où elle enseigne l’anglais a dû « pousser les murs » pour accueillir huit classes de seconde générale et autant de premières et terminales pour faire face à la hausse démographique du département.

« Parfois, on n’a pas assez de chaises », confie la professeure depuis 1998, qui alerte aussi sur l’insécurité à laquelle sont confrontés personnels et élèves du lycée Hénaff, à Bagnolet. « On peut y entrer comme dans un moulin », assure la déléguée syndicale Snes-FSU.

Les divers piquets de grève, blocages d’établissements et opérations « collège désert » sont menés aussi bien par des enseignants que des élèves et leurs parents, très impliqués dans la mobilisation.

« La situation est alarmante, c’est pourquoi notre lutte suit les pas du mouvement de grève de 1998 » en Seine-Saint-Denis, explique Louise Paternoster, cosecrétaire de la CGT Educ’Action 93. Il y a vingt ans, cette mobilisation avait duré deux mois et abouti à la création de 3 000 postes.

Les syndicats réclament aujourd’hui « 358 millions d’euros » pour permettre la création de 5 000 embauches d’enseignants et un peu plus de 3 000 emplois de vie scolaire.

« L’été, on cuit »

Parmi leurs revendications également, des seuils à 20 élèves par classe et la réfection des établissements vieillissants.

Sollicité par l’AFP, le rectorat de Créteil n’a pas souhaité faire de commentaire sur ce mouvement.

Pas assez de chaises pour les élèves, locaux infestés de scarabées ou de rats : les témoignages sur le délabrement de certains bâtiments illustrent les conditions précaires d’enseignement. « J’ai vu un portail s’effondrer, des infiltrations d’eau. L’été, on cuit », explique sous couvert d’anonymat une professeure de français du lycée Blaise-Cendrars, à Sevran, où près de la moitié des professeurs ont fait grève lundi 26 février 2024.

Si le taux de grévistes a sensiblement diminué au fil de la semaine, de 15 % à 2 %, selon le rectorat, plusieurs établissements d’ordinaire peu mobilisés ont cette fois pris part à la grève. Dans le second degré, il y a eu jusqu’à 30 % de grévistes au moins dans 35 établissements sur 200.

Dans un rapport parlementaire publié fin novembre sur le suivi du plan « L’État fort en Seine-Saint-Denis », le député (PCF) Stéphane Peu a noté qu’« il y a trop de contractuels et trop d’enseignants jeunes et inexpérimentés » dans le département, alors que les élèves y sont souvent en difficulté. En Seine-Saint-Denis, un enfant perd en moyenne un an de cours sur toute sa scolarité, selon ce rapport.

Un professeur de lettres qui enseigne depuis vingt ans dans le département s’insurge contre « le paradoxe » d’un territoire « où les situations de détresses sont les plus criantes et où les moyens sont les plus chiches ».

Contre « une école de castes »

Lui qui enseigne à Tremblay-en-France s’oppose au « choc des savoirs » annoncé par Gabriel Attal en décembre, qui risque d’instaurer « une école de castes, c’est-à-dire une école de relégation et une école d’élite. »

Cette réforme a été le détonateur de la mobilisation enseignante. Elle prévoit la création de groupes de niveau à compter de la rentrée 2024 en 6e et en 5e pour le français et les mathématiques, à partir de septembre 2025 en 4e et 3e.

La réforme suscite une vive opposition des syndicats enseignants, qui pointent un risque de « tri » des élèves et un manque de moyens pour mettre en place ces groupes.

« Les groupes de niveau accroissent les inégalités scolaires », estime Paul-Arthur Chevauchez, délégué SUD éducation 93. « On souhaite une société de compétition où il faut se battre pour être parmi les meilleurs ou une société de solidarité dans laquelle c’est l’entraide qui prévaut ? », s’interroge l’enseignant du collège Victor-Hugo d’Aulnay-sous-Bois.

Une dizaine de parlementaires de gauche du département ont apporté jeudi 29 février 2024 leur soutien à la mobilisation en interpellant la ministre de l’Éducation Nicole Belloubet, qui a promis une réponse spécifique au département.

Après une première manifestation lundi 26 février 2024 à Paris, qui a réuni quelque 350 enseignants, l’intersyndicale de la Seine-Saint-Denis prévoit une nouvelle mobilisation jeudi 7 mars 2024 devant le ministère à Paris.

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