Scolarisation des élèves allophones : un dispositif à améliorer

Publié le 3 avril 2023 à 13h50 - par

La Cour des comptes vient de publier un rapport sur la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés en France.

Scolarisation des élèves allophones : un dispositif à améliorer
© Image par stokpic de Pixabay

Un rapport publié le 15 mars 2023 par la Cour des comptes vise à apprécier la manière dont le dispositif de scolarisation des enfants allophones s’organise sur le terrain. La Cour tente d’évaluer l’efficacité des dépenses afférentes et leur évaluation, au regard de l’objectif de la réussite de tous les élèves. La scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) en France et les délais d’affectation à l’école font, en principe, l’objet d’une enquête annuelle du ministère. Mais les statistiques s’avèrent parcellaires et des discordances apparaissent entre les données académiques et nationales. Néanmoins, la Cour des comptes constate que les élèves allophones normalement scolarisés avant leur arrivée en France, comme c’est le cas des jeunes réfugiés ukrainiens, sont dans une situation très différente de ceux qui ne l’ont pas ou peu été (23 %).

Au cours de l’année scolaire 2020-2021, 64 564 EANA ont été scolarisés en école élémentaire, en collège ou en lycée, a pu recenser la Cour des comptes. Leur nombre a très certainement diminué jusqu’en mars 2022, du fait de la crise sanitaire, puis a augmenté depuis cette date, compte tenu des enfants réfugiés ukrainiens scolarisés (près de 18 000 au moment du dépôt du rapport). Enfin, la répartition des EANA est relativement équilibrée entre les académies, même si la Guyane et Mayotte se distinguent par un pourcentage particulièrement élevé. L’inclusion dans les classes ordinaires doit constituer la modalité principale de la scolarisation et le but à atteindre, insiste le rapport. À cet effet, des structures particulières d’accueil des EANA, les unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A), organisent les liens avec la classe ordinaire et y prévoient des temps de présence, dans une logique de personnalisation des parcours. Mais les délais d’affectation dans ces structures se sont allongés jusqu’en 2020, même s’ils ont probablement diminué depuis 2 ans. En effet, au bout de six mois, 9,3 % des EANA relevant du collège et 17,3 % de ceux qui devraient aller au lycée ne sont pas scolarisés, observe le rapport. Le ministère n’a pas fixé de délai maximal au terme duquel les EANA doivent être inscrits dans un établissement scolaire, pointe la Cour des comptes.

Des dispositifs difficiles à mettre en œuvre

En 2020-2021, 91 % des EANA ont bénéficié d’un accompagnement linguistique, dont 62 % en UPE2A ordinaire, 8 % en UPE2A pour les non scolarisés antérieurement, 19 % inclus en cursus ordinaire avec un soutien linguistique et 2 % soutenus par un autre dispositif. Pour un coût évalué à environ 180 millions d’euros par la Cour des comptes, hors moyens mis à disposition par l’Éducation nationale. Avant la  crise sanitaire, les principales régions en tension étaient les académies franciliennes, les grandes métropoles (Lyon, Grenoble, Bordeaux, Montpellier…), les zones frontalières (Marseille, Lille, Strasbourg…), Mayotte et la Guyane. Les chiffres attestent de la difficulté de mettre en place ces dispositifs en primaire dans les territoires ruraux à habitat dispersé. La Cour pointe également une insuffisance de formation des enseignants. Selon une étude de l’OCDE, seuls 8 % des enseignants de notre pays se sentent « bien préparés » ou « très bien préparés » pour enseigner en milieu multiculturel ou plurilingue, contre 26 % en moyenne dans l’ensemble de l’OCDE. Et de nombreux enseignants en UPE2A ne disposent pas d’une certification français langue seconde (FLS). Malgré tout, plusieurs actions ont été entreprises pour l’accompagnement des enseignants. Mais elles restent à améliorer.

La Cour constate également des carences en matière d’évaluation. Le diplôme d’étude en langue française (DELF) valide des compétences en langue de communication orale et écrite, que les EANA peuvent passer gratuitement au cours de leurs deux premières années en France. Mais cet examen est facultatif et ne constitue pas un indicateur systématique de l’avancée de l’apprentissage de la langue. La Cour recommande donc de généraliser cet outil, afin de permettre un soutien pédagogique plus précis. En effet, comme dans d’autres pays européens, les données d’évaluation sont très parcellaires et parfois anciennes, déplore le rapport.

Enfin, pour les EANA de moins de 6 ans, le ministère n’envisage pas, pour le moment, de dispositif spécifique, considérant que l’entrée dans la langue de l’école est une problématique commune à tous les élèves de maternelle. S’agissant des EANA de plus de 16 ans, l’écart important entre leur nombre et celui des mineurs non accompagnés pris en charge par les conseils départementaux laisse penser qu’une bonne partie de ces derniers ne bénéficie d’aucune formation. Selon la Cour des comptes, cela peut notamment s’expliquer par le fait que les UPE2A en lycée sont de création récente et restent en nombre insuffisant dans certains départements, comme le montrent les délais plus longs pour accéder à ces structures.

Une mobilisation importante pour les jeunes réfugiés ukrainiens

Entre le 24 février et le 15 novembre 2022, 20 075 élèves ukrainiens ont été accueillis dans les écoles, collèges, lycées français. Plus de la moitié (54 %) sont scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires, un tiers au collège et 13 % au lycée. Leur localisation géographique est assez bien équilibrée. Le rapport relève que, grâce à la mobilisation des services de l’Éducation nationale aux côtés des préfectures, les élèves ont pu être scolarisés dès leur arrivée. Et les familles ont eu la possibilité de se rendre dans l’établissement le plus proche de leur lieu d’hébergement. Le coût moyen annuel par élève des seuls dispositifs spécifiques peut être évalué à environ 2 650 euros, soit environ 25 millions d’euros pour la demi année scolaire février-juin 2022, a calculé la Cour des comptes.

Le récent afflux de jeunes réfugiés ukrainiens a montré « l’intérêt du dispositif spécifique de scolarisation pour les élèves allophones nouvellement arrivés en France », soutient le rapport. Il s’agit, notamment, de leur permettre d’acquérir rapidement les bases nécessaires en langue française permettant, en fonction des progrès réalisés, une inclusion progressive dans une classe ordinaire. Malgré des délais d’entrée dans le dispositif qui peuvent s’avérer ponctuellement longs, mais qui ont été raccourcis pour les réfugiés ukrainiens, « notre pays se compare plutôt bien par rapport à ses voisins allemand et italien pour ce dispositif initial pour la ou les deux premières années d’arrivée en France. Celui-ci a le mérite d’être personnalisé en fonction des caractéristiques de l’élève », assure la Cour des comptes.

En revanche, le système français présente « plusieurs défauts qui mériteraient d’être corrigés. » Et la Cour d’énumérer :

  • Un manque d’évaluation à la sortie du dispositif ;
  • Un insuffisant suivi tout au long de la scolarité, en particulier à l’école primaire ;
  • Un nombre trop réduit d’enseignants certifiés en français « langue seconde » ;
  • Une prise en compte pouvant être améliorée des enfants de moins de 6 ans et des jeunes de plus de 16 ans.

« La réelle mobilisation des élèves et des enseignants pour scolariser les jeunes ukrainiens montre l’attachement du système éducatif aux principes d’intégration et d’inclusion. Cela pourrait servir de levier pour entreprendre ces réformes dans les prochaines années », conclut le rapport de la Cour des comptes.


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