En clôture des États généraux de la simplification, organisés par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales le 16 mars 2023, le Sénat et le Gouvernement, représenté par le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, se sont engagés dans une charte visant à simplifier les normes applicables aux collectivités locales. En effet, de nombreux engagements, animés par la volonté politique, peuvent être pris sans attendre des modifications législatives. Signée en présence du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), la charte reprend les recommandations les plus significatives du rapport remis par les sénateurs Françoise Gatel (Ille-et-Vilaine) et Rémy Pointereau (Cher), au nom de la délégation aux collectivités territoriales, le 26 janvier 2023 : « Normes applicables aux collectivités territoriales : face à l’addiction, osons une thérapie de choc ! » (cf. encadré).
Appliquer les normes aurait coûté 2 milliards d’euros aux collectivités locales entre 2017 et 2021. Et le CNEN évalue ce coût à environ 2,5 milliards d’euros pour la seule année 2022, soit 30 % de plus que pendant tout le quinquennat précédent. Des chiffres qui pourraient même être sous-évalués. « L’excès de normes nuit aussi à nos libertés, car la liberté, c’est de maîtriser le droit. Or, quel maire peut aujourd’hui prétendre connaître le droit ? », s’est exclamé David Lisnard, président de l’Association des Maires de France (AMF), pendant les États généraux. Ainsi, en dix ans, le Code de l’environnement a décuplé, passant de 100 000 mots à un million de mots, tandis que le Code général des collectivités territoriales (CGCT) a triplé de volume en vingt ans. Or, cette « boulimie » de normes a des conséquences importantes dans la mise en œuvre des politiques publiques. Elle rend les projets beaucoup plus complexes, en retarde la réalisation et augmente le coût d’une façon significative, parfois disproportionnée pour les petites communes. « C’est à la fois lourd, cher et décourageant pour les maires, qui abandonnent parfois les projets », a constaté Christophe Bouillon, président de l’Association des Petites Villes de France (APVF).
Une étude de la délégation des collectivités territoriales du Sénat, menée en janvier 2023 auprès des élus locaux, est à ce titre significative. Si 80 % des élus estiment que la complexité des normes s’est aggravée depuis 2020, 68 % déclarent avoir été confrontés à des normes contradictoires, 80 % affirment faire face à des interprétations variables – entre départements par exemple – et 75 % jugent l’accompagnement de l’État insuffisant. Tout cela est source d’insécurité juridique. En outre, les élus risquent de se trouver dans l’illégalité. Sans compter que les annonces de simplification des pouvoirs publics aboutissent toujours à une nouvelle complication… « Cela vient du conformisme de la production de la norme, qui consiste à répondre toujours de la même façon à un problème qui se répète puisqu’il se produit toujours de la même façon », a précisé David Lisnard. Ainsi, pour une simplification de 10 %, la complication est au moins de 50 %, dans une spirale infernale de multiplication des procédures… Et attention aussi à la « différenciation » qui conduit, elle aussi, à multiplier les normes, a prévenu le président de l’AMF.
Martine Courgnaud – Del Ry
Quelques points de la charte
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