Il faudra essayer de comprendre un jour comment la « haine du fonctionnaire », pour reprendre le titre récent d’un livre, entre en collision contradictoire avec « l’amour du fonctionnaire ». En matière de gestion des risques, mais comme dans d’autres situations, c’est souvent vers lui que l’on se tourne, non pas pour trouver une réponse mais au moins pour endosser la responsabilité. C’est ce thème que le CDG 48, l’AMF 48 et la mairie de Mende ont voulu poser, devant une assistance nourrie de maires. « Ce choix s’inscrit dans la continuité du Congrès des maires de 2023 à Paris, qui portait également sur la sécurité sous le thème « Communes attaquées, République menacée ». Nous avons souhaité porter un focus sur la situation départementale », assure Alain Astruc, maire d’Aumont-Aubrac depuis 2001, président de l’AMF 48. « Un maire doit de toute façon tout faire, c’est une nécessité. Et il doit rassurer sa population dans les périodes de crise », poursuit-il.
Le maire à la recherche de sécurisation
« Ce thème a été choisi car le sentiment d’insécurité grandi avec l’augmentation des actes de violence, des crises climatiques, des attaques cyber et avec lui le sentiment d’impuissance voir de découragement des élus. Les maires sont en responsabilité et les premières victimes de ses crises. Il s’agit de les accompagner afin d’anticiper la crise en leur donnant des repères pour prévenir le risque », explique de son côté Emmanuelle Abinal, directrice du CDG 48. Véronique Pouzadoux, maire de Gannat (Allier), secrétaire générale adjointe de l’AMF à l’échelle nationale, dit la même chose : « Les élus sont exposés. Il faut donc les rassurer, leur donner des outils pour faire face, veiller à ce que tout en amont soit bien préparé pour faire face au pire quand il survient », explique-t-elle. La crise des vocations pointe le bout de son nez. L’ex-député Sébastien Jumel, futur président de l’agglo de Dieppe Maritime, avait insisté sur le sujet à l’occasion de la présentation du projet de loi sur le sujet du confortement du statut de l’élu, visant justement à ce surcroît de sécurisation pour les maires. « On en parle depuis au moins 30 ans, du statut, sans vraiment le retoucher. La crise des vocations est là, elle paraît anecdotique sur le bloc municipal, avec 3 % de candidats en moins aux dernières élections municipales et de 15 % aux dernières élections départementales de 2021. De plus en plus de communes ne peuvent présenter de listes aux élections municipales, faute de candidats quand il faut en réunir une quinzaine pour former la liste. Il est donc nécessaire de créer un choc d’attractivité sur le statut ».
Favoriser une culture de la prévention
Plusieurs débats ont eu lieu le 19 septembre dernier. À commencer par une intervention de Philippe Lauverjat, qui a passé 20 ans dans la gendarmerie, dont 14 ans au GIGN. « Si le risque zéro n’existe pas, il est nécessaire de s’y préparer. Cette préparation peut prendre la forme de nombreux exercices, de documents obligatoires en relation avec la loi. C’est aussi une culture du risque qu’il faut savoir transmettre. Des gestes du premier secours jusqu’à l’organisation de la réponse aux risques, qui réclame par nature une adaptation millimétrée », a-t-il rappelé. Malcom Théoleyre, directeur du cabinet du préfet de Lozère, a lui aussi insisté sur la nécessité d’une préparation en amont. « Je sais très bien que les maires se sentent souvent isolés, qu’ils ne comptent pas leurs heures. Nous sommes là pour les aider, notamment pour leur permettre de réfléchir aux meilleurs moyens de se mettre en conformité avec les divers plans de préventions qu’ils doivent respecter. Cette mise en conformité est déjà un bon moyen de réfléchir aux risques, d’avoir une action préventive plus efficace », assure-t-il.
La gendarmerie et le CDG nouent un partenariat
Mathieu Sabadel, adjudant-chef à la gendarmerie de Mende, enquêteur en technologies numériques à la section opérationnelle de lutte contre les cybermenaces (SOLC), a rappelé de son côté à quel point les cyberattaques s’étaient multipliées, menaçant de ce fait le bon fonctionnement des petites communes, les plus vulnérables. « Mon travail se déploie autour de trois axes : l’analyse et la recherches de preuves numériques (perquisitions, exploitation de smartphones, d’ordinateurs, de drone, cassage de mots de passe, etc…) dans le cadre des enquêtes judiciaires ; la formation des personnels de la gendarmerie sur la cybercriminalité ; l’assistance des enquêteurs du département sur les problématiques cyber (contournement et vulgarisation des technologies) ». Près de 300 enquêtes de ce type sont menées chaque année en Lozère : « Concernant les actions menées aux profits des collectivités, nous avons au cours des derniers mois noué un partenariat avec le centre de gestion de Mende pour aider à renforcer la cybersécurité autour des élus, des personnels administratifs et des établissements publics. Nous avons dispenser des formations initiales, suivie par un accompagnement sur certaines thématiques (RGPD entre autre), puis formé une trentaine de militaires qui, sur demande, viennent établir un diagnostic « cyber » directement sur site ». Les élus étaient ravis d’avoir ainsi pu bénéficier d’une approche aussi diversifiée de la notion de protection. « C’est l’intérêt de telle journée, d’échanger entre nous, de trouver sur les stands des réponses aux questions que l’on se pose et de nouer des contacts directs pour lancer des diagnostics plus poussés afin d’améliorer la protection de nos administrés », confie, visiblement satisfait, Laurent Suau, nouveau président du Conseil départemental de Lozère.
Stéphane Menu