L’entretien de parcours professionnel : une nouvelle dynamique pour la gestion des carrières

Publié le 3 novembre 2025 à 14h50 - par

La loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025 marque une étape décisive dans l’évolution du dialogue social et de la gestion des carrières. En créant l’entretien de parcours professionnel, le législateur a souhaité donner une dimension nouvelle à l’accompagnement des salariés face aux mutations économiques, technologiques et organisationnelles. Ce dispositif, appelé à remplacer l’entretien professionnel traditionnel, ne se limite pas à un simple bilan de compétences. Il vise à projeter le salarié dans son avenir professionnel, en articulant ses aspirations, les besoins de l’entreprise et les transformations du monde du travail.

L'entretien de parcours professionnel : une nouvelle dynamique pour la gestion des carrières
© Par wutzkoh - stock.adobe.com

Pour l’heure, cette mesure s’applique exclusivement au secteur privé, mais son esprit pourrait inspirer à terme la fonction publique territoriale, confrontée à des enjeux similaires d’adaptation des compétences et de maintien dans l’emploi.

Un dispositif rénové au service des salariés du secteur privé

L’entretien de parcours professionnel se distingue profondément de l’entretien professionnel actuel. Il ne se borne pas à un échange sur les formations suivies ou les projets de court terme, mais vise à instaurer un dialogue global et constructif sur la trajectoire du salarié. Cet entretien permet d’analyser les compétences mobilisées, de réfléchir à leur évolution face aux transformations de l’entreprise et d’examiner les possibilités d’adaptation à venir. Il invite également à évaluer les perspectives d’évolution, tant internes qu’externes, en intégrant la dimension personnelle du projet professionnel. L’objectif n’est plus seulement de constater, mais de construire. Conduit pendant le temps de travail par un supérieur hiérarchique ou un représentant de la direction, il repose sur une logique de co-responsabilité et de confiance. Il se distingue ainsi de l’entretien d’évaluation, puisqu’il ne porte pas sur la performance mais sur le développement des compétences et la préparation des transitions professionnelles.

La loi prévoit l’entrée en vigueur du dispositif au 1er octobre 2026 pour toutes les entreprises, quel que soit leur effectif. Tous les salariés, sans distinction d’âge ni d’ancienneté, sont concernés. Néanmoins, des dispositions spécifiques encadrent certains moments clés de la vie professionnelle. Un entretien est notamment prévu dans les deux mois suivant la visite médicale de mi-carrière afin d’aborder la prévention de l’usure professionnelle et l’adaptation éventuelle du poste de travail. Un second entretien obligatoire doit se tenir dans les deux années précédant le soixantième anniversaire du salarié. Celui-ci vise à anticiper les conditions de maintien dans l’emploi, les aménagements de fin de carrière, ou encore le recours à des dispositifs tels que la retraite progressive ou le temps partiel aménagé. Cette approche témoigne de la volonté du législateur de faire de la gestion des carrières un outil de prévention et d’équilibre professionnel à tous les âges de la vie.

L’entretien de parcours professionnel intègre désormais une réflexion sur les outils d’accompagnement disponibles. Le compte personnel de formation (CPF) et le conseil en évolution professionnelle (CEP) y tiennent une place importante. L’échange doit permettre de vérifier si le salarié mobilise effectivement son CPF, de discuter des éventuels abondements de l’employeur et, si nécessaire, d’orienter vers un accompagnement externe. Cette articulation renforce la cohérence entre les besoins de l’entreprise, les ambitions du salarié et les dispositifs de formation existants. Elle traduit une volonté claire : responsabiliser chacun dans la construction de son parcours professionnel et faire de l’entretien un levier partagé d’évolution des compétences.

Une inspiration possible pour la fonction publique territoriale

Dans la fonction publique territoriale, l’entretien professionnel annuel, instauré par le décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014, conserve une vocation essentiellement évaluative. Il sert à apprécier la valeur professionnelle, fixer des objectifs et proposer des formations. Cette approche demeure toutefois centrée sur la reconnaissance individuelle et les perspectives d’avancement. Le dialogue autour des compétences, de la santé au travail ou de la mobilité professionnelle reste souvent marginal. Or, les collectivités locales connaissent des mutations profondes qui appellent une gestion plus proactive des carrières et des compétences.
Adapter ce dispositif au secteur public local présenterait de nombreux avantages. Il permettrait de replacer l’accompagnement professionnel au cœur de la relation managériale et de renforcer la gestion prévisionnelle des emplois. L’entretien de parcours offrirait aux agents la possibilité de se projeter, de mieux identifier leurs besoins en formation et d’explorer de nouvelles perspectives, qu’il s’agisse de mobilité interne, de reconversion ou de préparation à la retraite. Il constituerait également un outil précieux pour prévenir l’usure professionnelle, particulièrement dans les métiers physiques ou à forte intensité relationnelle. Enfin, en favorisant un dialogue plus ouvert et plus personnalisé, il renforcerait le lien de confiance entre encadrants et agents, contribuant ainsi à un climat de travail plus serein et plus engageant.

Pour que ce dispositif soit transposable, un cadre juridique spécifique devrait être élaboré. Il pourrait s’appuyer sur les dispositions existantes du statut général ou donner lieu à un texte réglementaire distinct. L’intégration de l’entretien de parcours dans les systèmes d’information RH, la formation des encadrants à sa conduite et une phase expérimentale menée dans des collectivités pilotes seraient des étapes essentielles avant une éventuelle généralisation. Cette démarche progressive garantirait la cohérence du dispositif et sa pleine appropriation par les acteurs territoriaux. Elle permettrait également de mesurer ses impacts sur la motivation, la fidélisation et la qualité du service public rendu.

Au-delà de son application dans le secteur privé, l’entretien de parcours professionnel ouvre des perspectives intéressantes pour une extension future dans le secteur public. Cette réforme amorce un changement culturel profond dans la manière d’accompagner les carrières. Transposée à la fonction publique territoriale, elle offrirait un cadre plus bienveillant et préventif de gestion des parcours, au service d’agents mieux accompagnés et de collectivités plus résilientes. Une telle évolution renforcerait la cohérence entre développement individuel et performance collective, tout en consolidant la dimension humaine du service public.