Lutte contre le travail illégal : les priorités 2019-2021

Publié le 29 juillet 2019 à 7h18 - par

Le plan national de lutte contre le travail illégal pour la période 2019-2021 comporte 34 actions articulées autour de quatre axes.

Lutte contre le travail illégal : les priorités 2019-2021

La ministre du Travail a présidé, le 8 juillet 2019, la Commission nationale de lutte contre le travail illégal, en présence des partenaires sociaux. La lutte contre le travail illégal constitue « une priorité pour l’ensemble des corps de contrôle », a insisté Muriel Pénicaud. À savoir : inspection du travail, inspection du recouvrement des cotisations sociales (URSSAF, caisses de MSA), police et gendarmerie, mais également services fiscaux, douaniers et de la concurrence et contrôleurs spécialisés des transports. À cette occasion, elle a détaillé le nouveau plan national de lutte contre le travail illégal. Le précédent plan, qui couvrait la période 2016-2018, a permis « de faire évoluer le cadre juridique permettant de lutter contre le travail illégal et la fraude au détachement, de renforcer le pilotage des contrôles et la coopération entre administrations ou pays européens », a souligné la ministre.

Le plan de lutte contre le travail illégal pour 2019-2021 propose 34 actions articulées autour de quatre axes, « qui toutes, contribuent à garantir les droits fondamentaux des salariés », plaide Muriel Pénicaud.

Renforcer les contrôles dans les secteurs à risque pour protéger les publics les plus fragiles

  • Cibler les secteurs les plus « fraudogènes » que sont l’agriculture, le BTP, les hôtels, cafés et restaurants, les services aux entreprises, les activités du spectacle ou encore les transports. Les différents corps de contrôle mèneront des actions conjointes au niveau national et local.
  • Veiller à l’exemplarité des grands événements sportifs et grands chantiers : Coupe du monde de rugby 2023, JO 2024, grands chantiers comme ceux du Grand Paris… « L’ensemble des acteurs et des intervenants doivent être exemplaires envers leurs salariés, ainsi que ceux de leurs sous-traitants ». Ces projets bénéficient de financements publics, représentent de nombreux emplois et bénéficient d’une forte visibilité. Ils feront l’objet d’actions d’information et de prévention, mais aussi de contrôles coordonnés entre les ministères et corps de contrôle concernés (Travail, Sport et Urbanisme…).
  • Combattre la traite des êtres humains (TEH) aux fins d’exploitation par le travail. Une convention de partenariat sera conclue, en 2019, entre l’État (via la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, Direction générale du travail) et les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés. Deux semaines d’actions communes à l’ensemble des pays de l’Union européenne sont organisées en 2019, sous l’égide d’Europol et encadrées, en France, par l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI). La première semaine s’est déroulée du 8 au 14 avril. Ces journées ont vocation à être renouvelées régulièrement. Un guide contre la TEH par le travail à l’attention des employeurs, des représentants du personnel et des salariés sera rédigé avant la fin 2019.
  • Mieux lutter contre les faux-statuts – faux bénévoles, faux indépendants, faux stagiaires… -, une forme de fraude en développement, parfois difficile à identifier.
  • Mieux contrôler les employeurs d’étrangers sans autorisation de travail, dont les conditions de travail sont souvent difficiles pour des rémunérations très faibles. Les actions veilleront au rétablissement effectif des salariés dans leurs droits (rémunération…).
  • Articuler de façon efficace les interventions des différents corps de contrôle avec ceux des organismes de sécurité sociale, afin, qu’en cas de faux-détachement, les procédures pénales pour travail dissimulé, prêt illicite de main d’œuvre ou marchandage, puissent être poursuivies en parallèle et sans inférer avec les procédures civiles visant à obtenir l’affiliation à la sécurité sociale en France des salariés, en obtenant que soit retiré (par l’institution émettrice) ou écarté (par le juge) le formulaire attestant de l’affiliation à la sécurité sociale du pays d’envoi (dit formulaire A1).

Prévenir le recours au travail illégal et la fraude au détachement par une meilleure information

  • Délivrer une information complète et accessible doit permettre aux employeurs et aux salariés de mieux connaitre leurs droits et obligations, estime le ministère du Travail. Une attention particulière sera donc donnée à l’actualisation de son site web. Une campagne de communication sur la sécurité au travail ciblant les salariés détachés est inscrite au plan de santé au travail. Un mémento sur la mobilité internationale, la sécurité sociale et le travail sera édité pour les employeurs et les salariés.
  • Renforcer la prévention dans le cadre de conventions avec les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés. Elles concerneront, notamment, les secteurs prioritaires dans la lutte contre le travail illégal, comme l’agriculture, mais aussi les grands évènements sportifs ou les grands chantiers.
  • Publier une « liste noire » des entreprises ayant été condamnées pour travail illégal, sur le site du ministère du Travail. Une instruction commune au ministère de la Justice et au ministère du Travail en précisera les conditions d’application.

Renforcer l’efficacité des contrôles

  • Procéder à la cotation et à la cartographie des risques, afin de mieux cibler l’action de contrôle.
  • Responsabiliser les donneurs d’ordre, en travaillant sur la lisibilité et l’efficacité des règles applicables en la matière et en veillant à l’effectivité de l’affichage permettant d’identifier les entreprises intervenant sur les chantiers.
  • Coopérer avec les corps de contrôle des pays d’envoi des travailleurs détachés pour s’assurer du paiement effectif des salaires et des cotisations.
  • Prévenir la répétition des infractions en permettant l’accès de l’ensemble des agents de contrôle au fichier des interdits de gérer.
  • Moduler la remise en cause des exonérations de cotisations sociales. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, les sanctions financières applicables aux employeurs en matière de travail dissimulé peuvent être modulées en fonction du nombre de salariés de l’entreprise et de la gravité de la dissimulation. Par ailleurs, des majorations de redressement sont applicables en cas de récidive dans les 5 ans, pouvant aller jusqu’à 60 % du taux initial.

Faciliter la coordination de l’action de l’ensemble des partenaires et piloter la mise en œuvre du plan

  • Fixer des objectifs quantitatifs pour maintenir le nombre de verbalisations et de sanctions à 7 200 par an. 50 % des actions en matière de travail illégal devront associer plusieurs corps de contrôle. Un objectif de 24 000 contrôles annuels en matière de travail illégal et autant en matière de PSI (prestation de service international) est fixé à l’inspection du travail.
  • Mettre en commun les différentes bases de données relatives au détachement des travailleurs, afin d’améliorer la connaissance et le suivi du phénomène du détachement, mais également le ciblage des entreprises, par exemple en cas d’investigation lors du contrôle d’un chantier.
  • Ouvrir les bases de données fiscales (fichier national des comptes bancaires, base nationale des données patrimoniales, notamment) et sociales (comme celle de la déclaration de détachement, celle de la déclaration sociale nominative, celle des  formulaires A1) à l’ensemble des corps de contrôle.
  • Obtenir la communication de données détenues par les tiers (fournisseurs d’énergie, opérateurs internet ou téléphonie…) par les agents de contrôle, afin de réunir des éléments utiles à la détection et à la preuve d’infractions commises.
  • Informer les organismes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale des amendes administratives prononcées par les DIRECCTE, afin de les aider à cibler leurs contrôles.
  • Développer le recours à la fermeture administrative sur décision préfectorale, en cas de travail illégal. Une instruction interministérielle sera diffusée en ce sens.
  • Élargir les pouvoirs des agents de la Mutualité sociale agricole (MSA) pour le contrôle des entreprises relevant de l’URSSAF sur les chantiers agricoles et forestiers.
  • Renforcer l’information et la formation des magistrats sur les questions de travail illégal et de détachement.
  • Assurer la bonne coordination opérationnelle des actions au niveau national et régional.