Budget 2026 : Sébastien Lecornu va recourir à une loi spéciale

Publié aujourd'hui à 14h50 - par

Après l’échec des députés et sénateurs vendredi 19 décembre 2025 à trouver un compromis pour adopter le budget de l’État avant la fin de l’année, Sébastien Lecornu va saisir le Conseil d’État d’un projet de loi spéciale, un outil législatif qui permet de sortir temporairement de l’impasse budgétaire.

Budget : en quoi consiste la "loi spéciale" annoncée par Emmanuel Macron ?
© Par Andrii Yalanskyi - stock.adobe.com

Une rustine temporaire

Parmi les différentes options à sa main pour sortir de l’impasse budgétaire avant la fin de l’année, le gouvernement va recourir à une loi spéciale pour la deuxième année consécutive, une sorte de reconduction a minima du budget 2025 afin notamment de percevoir les impôts.

Le Premier ministre va utiliser cette procédure exceptionnelle et le texte devra être examiné par les deux chambres du Parlement en début de semaine prochaine.

La commission des Finances de l’Assemblée nationale « est prête à examiner la loi spéciale dès lundi 22 décembre avant d’être discutée en séance le jour même, sous réserve d’un Conseil des ministres avant », a indiqué le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, l’Insoumis Éric Coquerel.

« Contrairement à ce que dit le gouvernement (…) Ça permettrait même de faire 5 milliards d’économies », a-t-il affirmé.

Plus mesuré, le rapporteur général du budget LR, Philippe Juvin, estime qu’il « n’est pas impossible qu’elle permette de faire quelques économies ».

Qu’est-ce qu’une loi spéciale ?

Une loi spéciale doit permettre à l’État de fonctionner en l’absence de budget voté et promulgué avant le 1er janvier.

Elle l’autorise à percevoir les impôts existants, sans nouvelles mesures fiscales, et s’accompagne d’un décret limitant les dépenses aux services votés l’année précédente et jugés indispensables pour poursuivre l’exercice des services publics.

Une loi spéciale ne dispense pas de la poursuite des débats début 2026 pour adopter un budget en bonne et due forme.

Contrairement aux États-Unis, la loi de finances spéciale en France permet d’éviter une paralysie budgétaire à l’américaine : les fonctionnaires sont payés, les retraites versées, les soins remboursés.

Des précédents

Le recours à une loi spéciale est rare mais cet outil législatif a déjà été utilisé sous la Ve République. Son adoption ne présente normalement pas de difficulté particulière car elle ne revêt pas de réel caractère politique.

En décembre 2024, le Parlement avait voté une telle loi après la chute du gouvernement Barnier. Un budget 2025 avait finalement été adopté mi-février.

Auparavant, le gouvernement Barre avait dû y recourir en 1979 après censure du budget pour 1980 par le Conseil constitutionnel.

Et, en 1962, des élections législatives anticipées en novembre avaient rendu impossible l’adoption d’un budget dans son intégralité avant la fin de l’année. Le nouveau gouvernement Pompidou avait alors procédé en deux temps : le vote sur la partie recettes fin décembre, puis sur les dépenses en février 1963.

Quel impact pour l’économie ?

« La loi spéciale n’est pas un budget, c’est un service minimum qui ne peut pas durer sans conséquences lourdes sur la vie du pays et des Français », selon la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin.

Dans une interview à La Montagne, elle précisait qu’avec un tel texte, le pays « n’investit plus », ne lance plus de projets, ne peut pas par exemple « engager un réarmement supplémentaire ».

Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ce régime exceptionnel appliqué à l’ensemble de l’année 2026 ferait perdre 6,5 milliards d’euros de recettes à l’État. Les dépenses seraient réduites de trois milliards d’euros et le déficit public pourrait atteindre 5,5 % du PIB, après 5,4 % attendus par le gouvernement en 2025.

Le scénario serait évidemment moins sombre si les discussions budgétaires aboutissaient début 2026.

Néanmoins, il compliquerait la trajectoire de la France pour réduire son lourd déficit public, que le gouvernement souhaite réduire à 4,7 % l’an prochain.

Une loi spéciale « nous conduirait à un déficit nettement supérieur à ce qui est souhaitable », notamment parce qu’elle ne comporte « pas de mesures d’économie », selon le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. « Au-delà de 5 % de déficit, la France se mettrait en danger », a-t-il estimé.

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