Métiers en tension dans la FPT : la situation s’aggrave

Publié le 15 décembre 2023 à 8h30 - par

Dans une étude inédite, le CNFPT a interrogé plus de 4 000 collectivités. Constat : le phénomène des métiers en tension s’enracine et s’élargit. Les services techniques sont les plus impactés. La rémunération et les conditions de travail sont les premiers leviers mis en œuvre par les collectivités mais qui restent peu nombreuses à avoir une stratégie sur leur attractivité.

Métiers en tension dans la FPT : la situation s'aggrave
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« La combinaison attractivité et métiers en tension produit un effet ciseau qui progresse durablement par un élargissement du spectre des métiers en tension et par le nombre de collectivités confrontées à des problèmes de recrutement. Cette tendance est amplifiée par l’effet des départs à la retraite ». En clair, le problème pas nouveau des métiers en tension dans la FPT (fonction publique territoriale) s’enracine et s’élargit. Le constat provient d’une étude du CNFPT (Centre national de la FPT), dévoilée durant les ETS (entretiens territoriaux de Strasbourg) qui se sont tenus les 6 et 7 décembre derniers.

Mobiliser les dirigeants territoriaux

Assez inédite, elle s’appuie sur une enquête conduite auprès de plus de 4 000 ollectivités1 et d’entretiens. Elle caractérise et quantifie les métiers territoriaux en tension et les facteurs l’expliquant par types de collectivités et de régions. À cette cartographie s’ajoute une analyse sur l’évolution des pratiques de recrutement dans un contexte de tension, de déficit d’attractivité de la FPT et d’évolution des rapports au travail.
Selon François Deluga, le président du CNFPT, l’objectif d’une telle étude est de « mobiliser les dirigeants territoriaux pour réfléchir ensemble aux réponses à apporter à une situation qui pourrait imposer une redéfinition du périmètre même de l’action publique locale ». Un travail qui a déjà commencé lors des différents ateliers et séances plénières des derniers ETS.

Les services techniques les plus en tension

Premier constat sur l’ampleur du phénomène : 64 % des collectivités interrogées ont identifié au moins un champ professionnel en tension. Celui des services techniques et environnementaux (41 %) puis celui de la citoyenneté, de l’éducation, de la culture et du sport (36 %) constituent les secteurs en tension les plus cités. Suivent les champs de l’organisation et de la gestion des ressources (15 %), du social et de la santé publique (14 %) et de la sécurité (8 %).
Dans le détail des principaux métiers en tension figurent les animateurs éducatifs accompagnement périscolaire (en tête avec 37 % des réponses), les agents des interventions techniques polyvalent en milieu rural, les secrétaires de mairie, les policiers municipaux, les ouvriers de maintenance des bâtiments, les animateurs enfance-jeunesse… Sans surprise, ce sont surtout les communes qui se trouvent touchées par ces déficits.

Compétences difficiles à trouver

Les principaux facteurs de tension tiennent à un manque de qualité des candidatures et à une inadéquation des profils et des compétences des candidats par rapport aux postes proposés.
Les besoins de recrutement non satisfaits constituent ainsi la principale explication des tensions sur les métiers (78 % des réponses des personnes interrogées), suivis loin derrière par les problèmes de fidélisation des agents (49 %) et de turn-over (44 %).
Au-delà des métiers eux-mêmes, 44 % des collectivités constatent chez les candidats des compétences difficiles à trouver. Cela s’observe surtout dans trois secteurs : gestion administrative, juridique et commande publique, gestion budgétaire et financière, gestion des ressources humaines.
« L’étude montre la nécessité de plus de réponses globalisées sur les territoires et de développement des formations in situ », estime France Burgy, la directrice générale du CNFPT.

Un effort sur les rémunérations

Seulement 15 % des collectivités ont mis en œuvre une stratégie de développement de l’attractivité et 16 % déclarent qu’elle est en cours d’élaboration. Dotées de plus de moyens, ce sont surtout les plus grandes collectivités qui agissent.
La rémunération, les conditions et l’organisation du travail sont les deux premiers leviers cités par la moitié des collectivités (respectivement 52 % et 51 %). La politique de formation et d’accompagnement à la professionnalisation est citée à 48 %. Les collectivités ne s’y trompent sachant qu’il s’agit des leviers les plus importants même si les causes de l’attractivité apparaissent multifactorielles.

Par ailleurs, 24 % évoquent l’évolution des modalités de recrutement (outils, processus, catégories d’agents recrutés) comme levier d’attractivité. S’agissant des moyens de recrutement, 68 % citent le développement de l’usage des réseaux sociaux et 65 % cherchent à améliorer leurs annonces. Concernant le type d’agents recrutés, 76 % ont recours à davantage de contractuels.

Impact sur la qualité du service public

Près de 50 % des collectivités estiment que les problèmes de métiers et compétences en tension impactent la qualité de leurs services publics. Les principaux services concernés par cette baisse de la qualité sont ceux relatifs à la citoyenneté, l’éducation, la culture et le sport (57 %), les services techniques et environnementaux (55 %) ainsi que les services dédiés à l’organisation et à la gestion des ressources internes (42 %).

Compte tenu des contraintes budgétaires et réglementaires, la maîtrise de la masse salariale apparaît comme un impératif commun à toutes les collectivités. Dans ce contexte, les recrutements sont prioritaires pour combler les départs et les vacances de poste, avec donc des créations de postes moins nombreuses.

En se projetant sur les cinq prochaines années, pour 77 % des collectivités, la limitation des ressources financières constitue le principal facteur pouvant impacter les métiers et les compétences à l’avenir. L’allongement des durées de carrière (facteur cité par 48 % des collectivités) vient au deuxième rang des facteurs possibles de tension à terme. Seulement 24 % citent les transitions (numérique, écologique) comme un facteur pouvant impacter les métiers et les compétences.

Philippe Pottiée-Sperry

(1) Méthodologie : 4 026 enquêtes réalisées d’août à octobre 2023 auprès de régions, départements, EPCI et communes de 500 habitants et plus. Questionnaires administrés auprès des élus, DGS, DGA, DRH, responsables de service RH ou recrutement.


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