Un praticien contractuel en CDD renouvelé implicitement après 6 ans peut-il être considéré en CDI ?

Publié le 18 août 2017 à 7h23 - par

Non : dans un arrêt en date du 30 juin 2017, le Conseil d’État considère qu’un praticien contractuel dont le contrat est renouvelé implicitement après l’expiration de la période de six ans mentionnée à l’article R. 6152-403 du Code de la santé publique (CSP) ne peut, en l’absence de décision expresse en ce sens, être regardé comme titulaire d’un contrat à durée indéterminée.

Un praticien contractuel en CDD renouvelé implicitement après 6 ans peut-il être considéré en CDI ?

Il tient en revanche des dispositions de cet article, en cas d’interruption ultérieure de la relation d’emploi, un droit à l’indemnisation du préjudice qu’il a subi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s’il avait été employé dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée. Ce préjudice doit être évalué en fonction des modalités de rémunération qui auraient été légalement applicables à un tel contrat.

Jurisprudence :

Conseil d’État, 2e – 7e chambres réunies, 20 mars 2017, n° 392792

« Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 obligeant les États membres à prévenir les renouvellements abusifs de contrats de travail à durée déterminée (CDD).

L’article 3 de la loi n° 84-53 du 24 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale subordonne la conclusion et le renouvellement de contrats à durée déterminée à la nécessité de remplacer des fonctionnaires temporairement ou partiellement indisponibles. Il se réfère ainsi à une raison objective de la nature de celles auxquelles la directive renvoie.

Ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu’en cas de renouvellement abusif de contrats à durée déterminée, l’agent concerné puisse se voir reconnaître un droit à l’indemnisation du préjudice éventuellement subi lors de l’interruption de sa relation d’emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s’il avait été employé dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.

Ces dispositions ne sont donc pas incompatibles avec les objectifs de la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999. »

Conseil d’État, 5e– 4e SSR, 20 mars 2015, n° 371664

« Il ressort de l’interprétation de la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 retenue par la Cour de justice de l’Union européenne qu’il incombe aux États membres d’introduire de façon effective et contraignante dans leur ordre juridique interne, s’il ne le prévoit pas déjà, l’une au moins des mesures énoncées aux a) à c) du paragraphe 1 de la clause 5, afin d’éviter qu’un employeur ne recoure de façon abusive au renouvellement de contrats à durée déterminée.

Lorsque l’État membre décide de prévenir les renouvellements abusifs en recourant uniquement aux raisons objectives prévues au a), ces raisons doivent tenir à des circonstances précises et concrètes de nature à justifier l’utilisation de  contrats de travail à durée déterminée successifs.

Il en ressort également que le renouvellement de contrats à durée déterminée afin de pourvoir au remplacement temporaire d’agents indisponibles répond, en principe, à une raison objective au sens de la clause mentionnée ci-dessus, y compris lorsque l’employeur est conduit à procéder à des remplacements temporaires de manière récurrente, voire permanente, et alors même que les besoins en  personnel de remplacement pourraient être couverts par le recrutement d’agents sous contrats à durée indéterminée.

Toutefois, si l’existence d’une telle raison objective exclut en principe que le renouvellement des contrats à durée déterminée soit regardé comme abusif, c’est sous réserve qu’un examen global des circonstances dans lesquelles les contrats ont été renouvelés ne révèle pas, eu égard notamment à la nature des fonctions exercées par l’agent, au type d’organisme qui l’emploie, ainsi qu’au nombre et à la durée cumulée des contrats en cause, un abus.

Les dispositions des articles 9 et 9-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 subordonnent la conclusion et le renouvellement de contrats à durée déterminée à la nécessité de remplacer des fonctionnaires temporairement ou partiellement indisponibles.

Elles se réfèrent ainsi à une raison objective de la nature de celles auxquelles la directive renvoie.

En outre, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu’un renouvellement abusif de contrats à durée déterminée ouvre à l’agent concerné un droit à l’indemnisation du préjudice qu’il subit lors de l’interruption de la relation d’emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s’il avait été employé dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.

Elles ne méconnaissent donc pas, en elles-mêmes, les objectifs poursuivis par la directive.

Il incombe aux juges du fond, pour apprécier si le recours, en application des dispositions des articles 9 et 9-1 de la loi du 9 janvier 1986, à des contrats à durée déterminée successifs, présente un caractère abusif, de prendre en compte l’ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d’organisme employeur ainsi que le nombre et la  durée cumulée des contrats en cause.

Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique sur l’appréciation portée par les juges du fond sur le caractère abusif du recours à des contrats à durée déterminée successifs dans ce cadre. »

En l’espèce, une personne ayant exercé des fonctions d’agent d’entretien au sein d’un institut médico-éducatif entre le 5 novembre 2001 et le 4 février 2009. Si ces fonctions ont été exercées en remplacement d’agents indisponibles ou autorisés à travailler à temps partiel, elles ont donné lieu à vingt-huit contrats et avenants successifs. Dans ces conditions, l’institut médico-éducatif a recouru abusivement à une succession de contrats à durée déterminée. »

Maître André ICARD, Avocat au Barreau du Val de Marne

 

Texte de référence : Conseil d’État, 5e – 4e chambres réunies, 30 juin 2017, n° 393583

 

Source : jurisconsulte.net