Réforme des retraites : “La compensation des augmentations de taux est un pansement, nous n’en voulons pas”

Publiée le 30 janvier 2023 à 13h45 - par

Le projet de réforme des retraites impacte fortement les employeurs territoriaux. Avec, en particulier, une augmentation des taux de cotisations auprès de la CNRACL, décidée par le Gouvernement sans aucune concertation avec les associations d'élus locaux. En jeu : 600 millions d'€ de dépenses annuelles supplémentaires pour la FPT. Une mesure refusée en bloc par l'AMF, nous a expliqué Murielle Fabre, maire de Lampertheim (Bas-Rhin, 3 513 habitants), secrétaire générale et co-présidente de la commission fonction publique de l'AMF.
Murielle Fabre, Secrétaire générale de l'AMF, Maire de Lampertheim

© AMF Murielle Fabre

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Quelles sont les conséquences de la réforme des retraites sur les employeurs territoriaux ? Quelle est votre plus grande inquiétude à ce stade ?

Depuis le départ, nous avons des inquiétudes sur les impacts indirects que fait peser le projet de réforme sur les employeurs territoriaux : transfert de charges lié à l’allongement du temps de travail et au vieillissement de la population, augmentation de la masse salariale, absence de prise en compte de la totalité des métiers pénibles… Ce sont des éléments que nous avions voulu mettre en lumière très rapidement au sein de la Coordination des employeurs territoriaux*, par une contribution adressée en décembre au ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Il y a aussi la question de l’usure professionnelle, avec l’augmentation des charges pour l’accompagnement du reclassement et la transition professionnelle qui n’est aujourd’hui pas totalement prise en compte. À ce titre, l’extension aux métiers territoriaux du fonds de prévention pour l’usure professionnelle {doté d’1 milliard d’euros, ndlr} n’est pas très claire. Mais surtout, la dernière mesure annoncée – l’augmentation d’un point du taux des cotisations sociales employeurs – a un impact direct sur les employeurs territoriaux.

Avez-vous pu chiffrer l’impact d’une telle augmentation des taux ?

Pour l’ensemble des employeurs de la fonction publique territoriale, cette seule mesure entraînerait 600 millions d’euros de dépenses annuelles supplémentaires. Mais nous n’avons pas d’étude d’impact globale sur l’ensemble des mesures du projet de réforme de retraite pour la FPT.

Le 18 janvier, le président de l’AMF a adressé un courrier à Élisabeth Borne sur la décision du Gouvernement d’augmenter les cotisations des employeurs territoriaux. Quelle a été sa réaction ?

En effet, notre président, David Lisnard, a immédiatement interpellé la Première ministre. La réponse apportée aujourd’hui, nous venons de l’apprendre, serait une compensation de l’État. Cette réponse ne nous semble vraiment pas adaptée, car l’augmentation du taux de cotisation était prévue pour renflouer le déficit de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Or, il existe d’autres mesures qui peuvent permettre de renflouer ce déficit, notamment la suppression des compensations, puisque la CNRACL alimente les autres régimes de pensions de retraite ; si l’on supprimait déjà cette compensation, ce serait positif. Mais surtout, la décision d’augmenter les taux n’a pas été concertée. On l’a appris manu militari par un communiqué de la Première ministre, alors que l’on venait de rencontrer deux jours plus tôt Stanislas Guérini, ministre de la Transformation et de la fonction publiques et Dominique Faure, ministre déléguée aux Collectivités locales et à la ruralité. C’est donc une question de confiance qui reste posée, sur ce que les employeurs territoriaux peuvent apporter à l’amélioration de la réforme. Cette compensation, qui n’était pas prévue, est un pansement que le Gouvernement souhaite apporter à cette augmentation des taux.

Les élus de l’AMF resteront donc opposés à toute augmentation des taux de cotisation ?

Ces éléments sont très frais : l’annonce de cette compensation est intervenue entre hier et aujourd’hui {25 et 26 janvier, ndlr}. Nous n’avons pas encore eu le temps d’en discuter avec les autres membres de la Coordination des employeurs territoriaux pour savoir quelle est notre position commune. Mais la position de l’AMF est très claire : nous ne voulons pas d’augmentation de taux. Même si l’on nous met en face des mesures compensatoires qui, à mon sens, ne sont pas adaptées. Il faut se remettre devant la table de discussion et de négociations. L’AMF sera porteur de propositions et demandera que le projet de loi soit clairement amendé. Il devrait maintenant y avoir des propositions de rencontre avec le Gouvernement, plutôt que des courriers. Il est important d’échanger de vive voix, c’est toujours plus pertinent.

Propos recueillis par Martine Courgnaud – Del Ry

* Association des Maires de France (AMF) – Assemblée des départements de France (ADCF) – Régions de France – Assemblée des communautés de France (ADCF) – France urbaine – Villes de France – Association des petites villes de France (APVF) – Association des maires ruraux de France (AMRF) – Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) – Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) – Collège employeurs du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT)

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